États-Unis : augmentation de la résistance autochtone

Publié le 2 Décembre 2021

30 novembre, 2021

Les peuples autochtones des États-Unis ont une longue histoire de résistance et de lutte qui se poursuit encore aujourd'hui.

Par Amy Goodman et Denis Moynihan pour Democracy Now !

Wampanoag, Massachusetts, Nipmuc, Mohegan, Pequot, Narragansett, Passamaquoddy, Miꞌkmaq. Ce ne sont là que quelques-uns des peuples originels qui composent ce qu'on appelle aujourd'hui la Nouvelle-Angleterre, la région où le premier dîner de Thanksgiving a été célébré il y a 400 ans, à l'automne 1621.

Le mythe du repas partagé a évolué au fil des siècles pour devenir une représentation de l'amitié et de la coopération entre les colons anglais qui se sont installés dans la ville de Plymouth, dans le Massachusetts, et les membres de la tribu des Wampanoag, présents sur place depuis au moins 10 000 ans. Bien que cette rencontre soit pacifique, il s'agit tout au plus d'une trêve symbolique dans le cadre du génocide que les colons européens commettent à l'encontre des populations autochtones. Alors que les familles américaines se réunissent dans tout le pays pour célébrer Thanksgiving 2021, les communautés autochtones qui ont survécu à des siècles de violence, de déplacement et de racisme systémique continuent de se battre, en défendant leurs terres, leur eau et leur existence même.

Ces 100 premiers colons, communément appelés "pèlerins", sont arrivés sur le territoire du peuple Wampanoag en 1620. Après le premier hiver, ravagé par la maladie et la famine, le nombre de ces colons s'est réduit à 54. Les Indiens leur sont venus en aide et leur ont appris à cultiver des produits locaux. Au moment de la récolte, les colons ont réussi à stocker suffisamment de nourriture pour survivre à l'hiver suivant et ont organisé un festin pour fêter cela. Pendant ce temps, les Wampanoag venaient de subir une épidémie qui avait duré plusieurs années et décimé plusieurs populations indigènes de la région. Les historiens pensent donc que la tribu cherchait un partenariat stratégique avec les colons. À l'époque, le roi Jacques Ier d'Angleterre encourage le processus de colonisation, affirmant même que l'épidémie mortelle qui s'est abattue sur le peuple Wampanoag a été bénéfique. Dans une proclamation publiée en 1620, le roi Jacques qualifie l'épidémie de "peste merveilleuse" qui a provoqué "la destruction, la dévastation et le dépeuplement de l'ensemble de ce territoire".

L'historien Bernard Bailyn, décédé l'année dernière à l'âge de 97 ans, a décrit cette période comme "les années de barbarie", les "pèlerins" ayant commis des massacres et monté des campagnes militaires de plus en plus vicieuses contre les communautés autochtones pour s'emparer de leurs terres. Après le roi Jacques Ier, d'autres dirigeants se sont exprimés de manière plus diplomatique sur le génocide en cours et ont mis en œuvre des initiatives coloniales telles que la "Destinée manifeste" et l'Indian Reorganisation Act de 1934, qui a cimenté le système moderne favorisant l'appauvrissement et l'abandon des réserves indiennes.
L'un des griefs énumérés dans la déclaration d'indépendance des États-Unis à l'encontre du roi George III était son soutien aux attaques présumées des colons par des "Indiens sauvages et sans pitié". De 1777 à 1868, les États-Unis ont signé au moins 368 traités avec les Premières nations et n'en ont respecté aucun. Le Canada présente un bilan similaire à cet égard. Les communautés autochtones des deux pays ont continué à exiger le respect de ces traités et de la souveraineté des peuples autochtones.

En novembre 1969, un groupe de militants amérindiens a occupé la prison fédérale fermée et abandonnée de l'île d'Alcatraz, dans la baie de San Francisco, et a publié un manifeste sarcastique. Dans cette proclamation, les militants "exigeaient" qu'Alcatraz devienne une réserve, car elle en présentait toutes les caractéristiques : elle était isolée ; elle n'avait pas d'eau courante ni de sanitaires ; elle n'avait pas accès aux soins médicaux, à l'éducation ou à l'emploi ; et ses occupants devaient être traités comme des prisonniers. L'occupation a duré 19 mois, a impliqué des milliers de personnes et a inspiré les peuples autochtones d'Amérique du Nord à demander justice. Puis, en 1973, un groupe de militants de l'American Indian Movement nouvellement fondé a pris le contrôle de Wounded Knee, une petite ville de la réserve indienne de Pine Ridge, dans l'État du Dakota du Sud. L'occupation a galvanisé la solidarité internationale pour les droits des autochtones.

En 2016, la résistance indigène a fait les gros titres de la presse mondiale lorsque les tribus Lakota et Dakota ont installé des camps dans la réserve de Standing Rock pour résister à la construction de l'oléoduc Dakota Acc.

Plusieurs oléoducs sont actuellement en construction pour transporter le pétrole extrait des sables bitumineux de l'ouest du Canada, faisant passer le combustible fossile le plus polluant du monde par des territoires autochtones et des écosystèmes fragiles. La résistance menée par les autochtones au pipeline de la ligne 3 d'Enbridge dans le nord du Minnesota se poursuit depuis plusieurs années. La leader de la tribu Anishinaabe, Winona LaDuke, a été à l'avant-garde de cette résistance. LaDuke a critiqué le président Joe Biden pour n'avoir pris aucune mesure contre la construction de la ligne 3 d'Enbridge. Dans une interview accordée à Democracy Now !, l'activiste a fait référence à la décision de Biden de nommer Deb Haaland au poste de secrétaire à l'intérieur, la première personne autochtone à occuper un poste de cabinet présidentiel américain : "Joe, ne nommez pas des autochtones à votre cabinet juste pour vous faire bien voir. Laissez-les faire leur travail. Ce gouvernement colonial a besoin de la contribution de la communauté indigène. C'est ainsi que les choses vont changer.

 

Dans la province canadienne de la Colombie-Britannique, la nation souveraine des Wet'suwet'en mène une lutte contre la construction du gazoduc Coastal GasLink de TC Energy, un projet de plusieurs milliards de dollars. La semaine dernière, la police fédérale canadienne a mis fin à un blocage de plusieurs mois du site de forage de l'oléoduc. La police a violemment fait irruption, avec une hache et une tronçonneuse, dans l'une des cabanes installées par les militants et a arrêté les défenseurs des terres qui s'y trouvaient. La police a ensuite brûlé la hutte jusqu'au sol.

Le mythe de la nourriture luxuriante que les colons et les autochtones partageaient il y a 400 ans continue de masquer et d'occulter la misère dont souffrent les communautés autochtones, de la pauvreté à la toxicomanie en passant par l'épidémie actuelle de femmes autochtones disparues et assassinées. Mais des communautés autochtones résilientes et organisées se sont levées et continuent de résister. Rendons-en grâce.

*Par Amy Goodman et Denis Moynihan pour Democracy Now ! / Photo de couverture : A/D.

traduction caro d'un article paru sur la Tinta le 30/11/2021

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