Chili : Peuple qui chante ne mourra pas, Un mouvement libérateur

 

 17 juin 2013

Je vous propose en « épisodes » ce dossier sur le phénomène de la "nueva cancion chilena" parue dans la revue Europe d’octobre 1976, d’après Eduardo Carrasco et Guillermo Hashcke.

(Eduardo Carrasco est un chanteur du groupe Quillapayun).

« Peuple qui chante ne mourra pas «

Au cours des années soixante s’est développé au Chili un vaste et riche mouvement musical connu comme mouvement de la Nouvelle chanson chilienne. Ce mouvement a eu une grande répercussion sur la culture populaire chilienne, aujourd’hui encore sa force créatrice continue de se développer.

Comprenant principalement les compositeurs populaires liés à la musique folklorique, il influa aussi sur la musique savante, de tette sorte que beaucoup de compositeurs qui jusque-là n’avaient travaillé que dans la voie d’une musique de concert, commencèrent à se sentir concernés par ce que proposait la Nouvelle chanson chilienne. D’où son importance comme renouvellement d’une expression populaire, et surtout comme mouvement qui a influencé et qui influencera de manière décisive la musique chilienne en général.

Nous pouvons dire qu’il s’agit là du premier mouvement aux racines authentiquement nationales qu’ait connu la musique populaire chilienne.

Sa grande complexité, et d’autre part le fait qu’il soit en plein développement rendent difficile sa définition. D’un autre côté, ce n’est pas un phénomène isolé qui serait né de la seule volonté rénovatrice des artistes ; il a de profondes racines historiques et surtout une relation déterminante avec tout le mouvement social du Chili. Enfin il s’inscrit dans tout un processus de renouvellement de l’art latino-américain actuel qui a donné forme à une culture latino-américaine particulièrement sensible dans la littérature et la musique populaire. Il s’agit de cette communauté qui se fortifie chaque jour et qui fait que l’art national des peuples d’Amérique latine exprime la fraternité latino-américaine.

C’est pour cela et pour d’autres raisons encore qu’il est difficile de saisir dans toute sa complexité le phénomène de la Nouvelle chanson chilienne.

Malgré tout , pour ce qui est de ce que nous connaissons, qui va de la chanson pamphlétaire et de propagande à des expressions beaucoup plus développées comme le sont les cantates, en passant par les créations folkloriques, les marches, la musique instrumentale, les chansons « contingentes » etc….nous pouvons distinguer trois traits essentiels :

Le premier est la volonté de sauver et de rassembler les valeurs populaires originales, c’est-à-dire dans un sens plus large redonner toute sa valeur à l’art qui vient du peuple et que celui-ci reconnaît comme sien. Encore ne s’agit-il pas d’une simple référence au folklore, même s’il en est un des éléments principaux

Le second trait caractéristique est la participation des membres de ce mouvement à la lutte sociale du peuple chilien et latino-américain. Beaucoup des chansons par leur contenu ont un ton politique évident, et dans certains cas sont des pamphlets ouverts de propagande. Mais ce serait le limiter que de ne considérer cette valeur politique que sous ses aspects extérieurs, étant donné qu’il y a toute une ligne épique qui ne pourrait pas être comprise sans référence à la lutte sociale chilienne. Il y a aussi l’attitude personnelle des artistes et dans ce sens n’oublions pas Victor Jara quand il disait que le « vrai engagement est derrière la guitare », attitude militante qui s’exprime dans la lutte, et dans la vie quotidienne au-delà de la scène et de la chanson.

Le troisième élément important qui définit l’essence de la Nouvelle chanson chilienne est la tentative de faire de la chanson un art original, afin que cette forme d’expression populaire entre dans la catégorie d’un art réel. C’est probablement cet aspect qui a fait que des compositeurs et des musiciens sortis du Conservatoire se soient intéressés à la Nouvelle chanson chilienne et que celle-ci ait développé des formes plus élaborées dont nous parlerons plus loin.

Avant de développer plus en détail ces trois aspects, arrêtons-nous un moment, même si c’est une manière anecdotique sur ce qui, dès le début, a frappé notre attention.

Pourquoi le nom de Nouvelle chanson chilienne ?

En survolant sommairement l’histoire, disons que le mouvement au début des années soixante est né de manière confuse sans bien se différencier des autres mouvements qui naissaient à ce moment-là. S’il est évident que la ligne fondamentale passe par l’œuvre de Violeta Parra dont nous parlerons plus loin, cette ligne est prise entre différents courants éphémères qui donneront lieu à ce que l’on a appelé le néo-folklore, courant qui deviendra commercial, alors que ce qui sera plus tard, la Nueva cancion gardera ce qu’il y a d’original et de typique.

Entre le néo-folklore et la Nueva cancion chileña s’écoulent quelques années pendant lesquelles l’œuvre de Violeta Parra commence à influencer compositeurs et artistes jeunes, dont ses enfants Isabel et Angel ainsi que Rolando Alarcon, Victor Jara et Patricio Manns.

C’est en 1968 que le vice-président de l’université catholique de Santiago (sous l’initiative de Ricardo Garcia, critique de disques très connu) organise le premier festival de la Nueva cancion chileña. C’est alors que ce nom fut donné aux artistes qui y participèrent. En réalité aujourd’hui avec le recul, le mot est discutable, mais l’importance de ce mot a été telle pour l’avenir de cette nouvelle chanson qu’il est désormais difficile de changer. « Nuevo », s’explique par rapport à ce que l’on entendait alors par chanson chilienne traditionnelle : c’était du folklore, ou une chanson à projection folklorique du centre du pays.

Les articles : 

Chili : Peuple qui chante ne mourra pas, Un mouvement libérateur

Rédigé par caroleone

Publié dans #Chili, #Nueva canción, #Devoir de mémoire

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