Brésil : Surmonter le cadre temporel de l'Assemblée constituante de 1988, la mobilisation du peuple et le non-conformisme des vaincus

Publié le 26 Avril 2024

23/04/2024

 

Le débat qui s'est terminé en 1988 et qui a transformé les droits autochtones en clauses permanentes est toujours relancé dans le but d'en réduire la portée et l'intentionnalité.

Camp Terra Livre 2024, 23 avril 2024. Photo : Verônica Holanda/Cimi

PAR LUIS VENTURA FERNÁNDEZ*, PALOMA GOMES** ET RAFAEL MODESTO DOS SANTOS***

Les actions des peuples autochtones ont été décisives lors de l’Assemblée constituante de 1988. À l’époque, toujours sous la tutelle de l’État, ils ont fait preuve d’une véritable audace politique et ont mené une mobilisation décisive pour que le droit originel sur leurs territoires soit reconnu dans la Constitution.

Un élément fondamental de cette mobilisation a impliqué la présence à Brasilia de peuples indigènes de tout le pays, pénétrant dans les espaces du Congrès national et soutenant leurs revendications par leurs propres danses, chants et expressions rituelles. Cette audace politique, avec des pèlerinages dans les centres de pouvoir pour défendre leurs droits, est une stratégie historiquement utilisée par les peuples autochtones.

Des documents historiques accessibles dans les archives publiques, également vérifiables dans l'histoire orale, montrent que depuis plus de 80 ans les peuples indigènes ont effectué de longs pèlerinages, de nature épique, comme celui effectué par les Pankará de Serra do Arapuá, qui sont partis dans les années 1940, du district de Floresta, arrière-pays de Pernambuco, se dirigeant vers Rio de Janeiro, alors capitale fédérale, pour obtenir la reconnaissance ethnique et la démarcation de leurs terres auprès du Service de Protection Indienne (SPI). On peut affirmer sans se tromper qu’une partie des droits autochtones a été acquise grâce à de tels pèlerinages ; pèlerinages enchantés vers les châteaux du pouvoir à la recherche d'une justice qui n'existait pas dans les lieux lointains où vivaient ces gens.

Or, il est impossible de parler des droits indigènes garantis par la Constitution de 1988 sans aborder le débat qui hante encore les territoires d’occupation traditionnelle indigène, la temporalité, et sans considérer la persistance des mobilisations indigènes de nos jours comme une expression politique essentielle.

La formulation qui est aujourd'hui celle de l'art. 231 de la Constitution fédérale est la suivante[1] :

Article 231. Les Indiens sont reconnus (…) avec leurs droits originels sur les terres qu'ils occupent traditionnellement, et l'Union est chargée de les délimiter, de protéger et de faire respecter tous leurs biens.

J'aurais aimé que toutes les démarcations soient achevées, comme l'a défini la Constitution fédérale elle-même en fixant un délai de cinq ans, à partir de 1988, pour la conclusion de ces processus. Mais malheureusement, le passé insiste pour être présent. Le débat qui s'est terminé en 1988 et qui a transformé les droits autochtones en clauses permanentes est toujours relancé dans le but d'en réduire la portée et l'intentionnalité.

Le meilleur exemple en est la récente promulgation par le Congrès national de la loi 14 701/2023. Parmi les dispositions établies par la loi figurent la nécessité de prouver la possession, par les peuples indigènes, du territoire revendiqué le 5 octobre 1988, ou la démonstration du conflit de possession par des moyens de fait ou par une controverse judiciaire, persistant à la date du 5 octobre 1988. promulgation de la Constitution.

Après avoir revisité les propositions, amendements et débats tenus lors de l'Assemblée Constituante, le journaliste Paulo Celso Pereira, du Jornal O Globo, a rassemblé des documents qui prouvent que les parlementaires avaient l'intention de préserver, dans la Constitution, les droits des peuples indigènes expulsés de leur territoire. « Autrement dit, les constituants n'ont délibérément pas fixé de 'délais' qui les obligerait à se trouver sur le terrain à ce moment-là pour y avoir droit », rapporte le rapport publié en juin 2023.

Dans le même article, il a été identifié que lors de l'Assemblée constituante, un article avait été supprimé qui prédisait exactement l'existence d'un délai :

Article 266. Les droits prévus dans ce chapitre ne s'appliquent qu'aux Indiens qui habitent effectivement les terres indigènes et ne présentent pas un degré élevé d'acculturation.

Comme on peut le constater, les constituants ont exclu tout délai comme critère de délimitation des terres indigènes en 1988. Cependant, les mêmes exigences anachroniques de l'article 266 sont maintenant reproduites dans les dispositions de la loi 14.701. Pire encore, le législateur a adopté cette loi en désobéissant clairement au texte de la Constitution et à la décision du Tribunal suprême fédéral (STF) dans l'appel extraordinaire (RE) 1017365 (thème 1031), avec répercussion générale, qui a rendu inconstitutionnelles les thèses qu'elle réglemente. Pour cette même raison, il est clairement inconstitutionnel (2).

Une fois de plus, la détermination des peuples indigènes et leur mobilisation permanente dans les territoires et à Brasilia ont réussi à démontrer au STF l'inconstitutionnalité du cadre temporel et ils continueront à persévérer, dans la même ligne, jusqu'au renversement de la loi 14.701.

D’un autre côté, les institutions brésiliennes, notamment le STF, ont déjà démontré qu’elles ne céderont pas à ceux qui méprisent la Constitution fédérale et la démocratie au Brésil. Comme l’a déclaré Ângela Kaingang, chef de la reprise du Faxinal, dans le Rio Grande do Sul, après s'être rendue au STF : « ce n’est pas notre peuple qui a mis le feu à la Constitution le 8 janvier [2023]. C’est vous, peuples non autochtones, qui avez tenté de détruire cette Chambre, comme vous le faites quotidiennement sur nos territoires.

*Secrétaire exécutif du Cimi

**Avocat et conseiller juridique de Cimi

***Avocat et conseiller juridique chez Cimi

[1] 497 parlementaires constituants ont approuvé le texte actuel de l'article 231 de la Constitution, avec seulement 5 voix contre.

[2] ADI 5105, Rel. Min. Luiz Fux, 01.10.2015.

traduction caro d'un article du CIMI du 23/04/2024

Rédigé par caroleone

Publié dans #Brésil, #Peuples originaires, #Cadre temporel

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