Peuple qui chante ne mourra pas, Les artistes et les travailleurs

Publié le 26 Juin 2013

Peuple qui chante ne mourra pas, Les artistes et les travailleurs

Que cette chanson soit née d’un contact direct et constant avec les travailleurs ne veut pas dire qu’elle était le chant des travailleurs. Ce n’est pas pour ainsi dire un phénomène folklorique, une manifestation spontanée des masses, mais l’œuvre d’artistes pénétrés par la capacité d’espérance des travailleurs avec laquelle ils s’identifiaient et pour laquelle ils chantèrent précisément ce dont le mouvement avait besoin, répondant exactement aux nécessités politiques de cette situation concrète. Pour n’importe quel travailleur chilien les noms de Victor Jara, des Quilapayun, des Intillimani, d’Hector Pavez etc.. sont liés à une petite scène installée à côté de l’usine, dans la mine, sur le port et à une lutte concrète pour leurs revendications sociales et politiques. Car les artistes étaient aussi des militants. Ainsi par exemple, sous l’Unité populaire aucun artiste ne manquait aux tâches de travail volontaire, et dans les grandes manifestations populaires ceux qui n’étaient pas sur scène étaient dans la foule, brandissant leurs drapeaux criant leurs consignes et se joignant à la ferveur de la manifestation.

Les folkloristes et les chanteurs de la Nouvelle chanson étaient comme les autres militants et, de même qu’il y avait dans chaque quartier des comités d’unité populaire (C.U.P), les artistes se regroupèrent et commencèrent à agir de manière organisée. Le C.U.P discutait les problèmes spécifiques aux artistes et participait aux tâches proposées par les organisations politiques. Il y eut là même une émulation constante qui développa rapidement la conscience politique des artistes. Le nombre d’artistes gagnés à la lutte sociale augmenta à tel point que, rapidement, le groupe de la Nouvelle chanson chilienne apparut comme le noyau d’avant-garde autour duquel se pressaient de nombreux artistes de musique populaire de tous genres. A côté des artistes les plus politisés, il y avait des musiciens d’orchestre, les chefs d’orchestre populaires, des chanteurs et des interprètes de variétés. De telle manière que les mêmes qui, pour s »américaniser » commencèrent à comprendre le sens de la dignité nationale et se transformèrent en ardents défenseurs de ce que proposait la N.C.C.

Le mouvement social chilien, les partis politiques de gauche les aidèrent beaucoup en cela : acceptant tous les artistes, respectant leurs différentes formes d’expression, les intégrant en même temps à la lutte concrète, et rendant possible leur contact direct avec les travailleurs. Grâce à cela, l’influence s’étendit à des milieux de plus en plus vastes, jusqu’aux secteurs des moyens de communication qui travaillaient en liaison directe avec la musique populaire. Beaucoup de présentateurs de disques, de journalistes, de critiques se mirent du côté des artistes du peuple, et se sentant épaulés par le vaste mouvement de masse qui les poussait, ils se mirent à jouer un rôle actif dans la diffusion et la défense de la chanson chilienne.

De cette manière, ce mouvement pénétra dans les moyens d’information et de diffusion, par la pression du peuple qui exigeait que ses artistes aient aussi une place, que leur musique soit aussi écoutée et connue.

Il y eut alors un phénomène très intéressant : on se mit à entendre sur presque toutes les radios du Chili, de vrais tubes d’artistes de la Nouvelle chanson chilienne. Ce fut le moment culminant de l’influence du peuple sur les moyens de communication de masse, situation qui changera plus tard, quand, de nouveau le rapport des forces changera.

C’est ainsi que la chanson, par sa grande influence sur les masses a pu se transformer en une arme efficace de lutte du peuple. Les masses elles-mêmes, en élevaient leur propre voix et transformaient cet art lié au peuple en un moyen de diffuser ses idées et ses intérêts.

Le parti communiste et, spécialement les Jeunesses communistes du Chili, ont le mérite d’avoir vu avec beaucoup de lucidité l’importance qu’avait ce mouvement et ils ont donné leur appui le plus vigoureux au jeune mouvement de la chanson. Les Jeunesses communistes en 1967, ont publié le premier disque Por Vietnam, qui quelques mois plus tard devenait la Discothèque de la chanson populaire (DICAP).

Cette initiative reçut aussitôt l’appui des artistes qui y virent une manière de coordonner leurs activités. A partir de ce moment-là, DICAP se mit à diffuser la plupart des disques à caractère directement politique, à organiser les récitals dans les syndicats et les théâtres de quartiers. En réalité, la motivation de cette démarche venait du fait qu’aucune marque commerciale ne voulait prêter son appui à des artistes politiques, aussi DICAP fut le seul organisme qui rendit possible l’action politiques par le disque, réalisant ainsi un important travail de diffusion et de propagande idéologique.

Comme ce que se proposait DICAP correspondait exactement à ce que se proposait la Nouvelle chanson, la démarche DICAP fut non seulement de diffuser mais de contribuer à la création d’une culture chilienne. Pour cela DICAP n’est ni une simple entreprise commerciale, ni une initiative purement politique ; elle a été les deux avec, en plus, le désir d’élever la musique populaire chilienne et de lui donner la place qu’elle méritait dans la culture nationale. Beaucoup de disques édités par DICAP montrent clairement cet éventail d’objectifs.

Il est aussi intéressant de notre combien l’engagement de la chanson chilienne vis-à-vis du mouvement des travailleurs a pu l’influencer. De là, par exemple, son caractère internationaliste. Les travailleurs chiliens connaissent parfaitement les chansons qui retracent l’expérience révolutionnaire du mouvement international, de la Marseillaise à l4internationale, des chansons de la révolution soviétique, traduites en espagnol, jusqu’aux chansons des partisans italiens, de la guerre d’Espagne et de la Révolution cubaine. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que la Nouvelle chanson se soit ouverte à la musique de lutte internationale latino-américaine.

Ce caractère internationaliste et latino-américaniste a fait que dès le début les chanteurs ont mis à leur répertoire les rythmes les plus divers de l’Amérique latine, et les chansons des grands compositeurs de musique populaire comme Atahualpa Yupanqui et Carlos Puebla qui ont eu une influence de premier plan sur tous les artistes de la nouvelle chanson.

Edouardo Carrasco et Guillermo Haschke (traduction Régine Mellac)

1. Peuple qui chante ne mourra pas ICI

2. Les radios facteurs de frein ICI

3. Un art véritablement national ICI

4. Un mouvement libérateur ICI

5. La montée du mouvement populaire ICI

6. Les artistes et les travailleurs ICI

7. Le retour aux valeurs esthétiques ICI

8. Les cantates ICI

9. Les groupes ICI

10. La haine de la junte ICI

Rédigé par caroleone

Publié dans #Chili, #Arts et culture

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