Colombie / Panama : Les peuples Emberá et Wounaan
Publié le 12 Août 2012
Les ember et les wounaan
Peuples indigènes vivant dans le pacifique colombien dans le département du Choco en Colombie et des embéra vivent sur le territoire du Panama dans le parc national de Chagrès.
Ils ont longtemps été désignés sous le nom de chocoes qui est devenue une appellation péjorative de nos jours.
C’étaient des chasseurs cueilleurs semi-nomades.
Population
Les embéra : 15.000 personnes
Les wounaan : 4500 au Panama et 2500 en Colombie
Il est difficile de distinguer les deux groupes pour les non initiés. Ils forment pourtant deux groupes linguistiques différents mais leur histoire est similaire.
Langue
Choco classée comme ci-dessous :
- Wounaan
- Langues embéra du nord : embéra darien, embéra catio
- Langues embéra du sud : embéra chami, embéra tado, epena saija
Ils vivaient avant l’arrivée des espagnols en amont des fleuves San Juan et Atrato près du Mont Tatama dans la partie orientale de la cordillère occidentale.
wounaan
Deux régions
1. Le choco en Colombie
C’est la région la plus pluvieuse au monde : exemple la ville de Lloro = taux de précipitation 13300 mm.
La saison des pluies dure dix mois, le climat est chaud et humide avec une température moyenne de 27 °.
La forêt d’une biodiversité des plus importantes au monde recouvre toute la région. Elle renferme aussi des richesses naturelles : or, platine, cuivre, hydrocarbures (pétrole) essences de bois précieux.
Une grande quantité de plantes médicinales sont convoitées par les laboratoires pharmaceutiques qui s’approprient le savoir faire ancestral des chamans en même temps que pillent les plantes.
Problèmes sanitaires
La santé est désastreuse dans les communautés isolées dans la forêt. Elle est déterminée par des facteurs climatiques, environnementaux, géographiques, culturels, sociaux, démographiques et épidémiques.
La mortalité infantile est supérieure à la moyenne nationale : 110.35/1000.
La mortalité maternelle est une des plus importantes de toute la zone Amérique latine/ Caraïbes.
La malaria, la dengue, la fièvre jaune et les maladies respiratoires sont endémiques dans la région. Les enfants meurent de la tuberculose, de maladies respiratoires et de faim à cause d’une crise alimentaire.
enfants wounaan (Gaëlle Sévenier )
2. Le Darien au Panama
Epaisse jungle tropicale, le darien est la province la plus isolée et la moins développée du Panama. Dénommée aussi bouchon de Darien (Tapon del Darien), cette zone de marais et de forêts sépare le Panama de la Colombie sur une distance de 160 km de long pour 50 km de large sur l’isthme de Panama. Les forêts tropicales couvrent 600.000 hectares et cachent d’insoupçonnables beautés. Le climat y est chaud et humide.
Les territoires sont séparés et sont nommés comarca. La région embéra –wounaan a une superficie de 4383 km2, divisée en deux enclaves dans la province du Darien, sa capitale est Union Choco.
La comarca indigène a été créée le 8 novembre 1983 avec les territoires de Chapigana et Pinogana de la province de Darien.
La comarca Embéra district Camaco est située à l’est et la comarca Embéra district Sambu à l’ouest sur le territoire du Panama.
Les colons
Lors des expéditions réalisées par les espagnols au début du XVIIe siècle dans cette zone orientale du territoire appelé Choco, plusieurs peuples indigènes ont pu être identifiés parmi lesquels les noanamaes considérés chocoes, les chocoes ou tatames qui correspondent aux actuels chamies et les citaraes. Les tribus mentionnées notamment les chocoes étaient considérées comme des tribus guerrières redoutables pas seulement pour les espagnols mais aussi pour les autres tribus.
On peut donc considérer que l’histoire des peuples sui ont habité le pacifique colombien a été déterminée par la résistance et l’opposition à l’invasion et à l’occupation matérielle et culturelle réalisée par les expéditionnaires d’occident.
Les espagnols ont donné le nom de Biru à l’actuel territoire du Choco et considéraient les sociétés qui y habitaient comme caribéens. C’est pour cette raison que certaines études relatives à la société Embéra ont indiqué que ce peuple fait partie de la grande famille linguistique caribéenne et c’est pour ça qu’actuellement les embéra ou les wounaan qui présentent une grande ressemblance culturelle sont considérés comme groupe choco.
Les chocoes, groupe insoumis, guerrier en expansion se battait contre ses voisins les kunas pour contrôler le territoire.
Les indiens chocoes réussissent à contrer les invasions espagnoles et là où les soldats conquérants n’ont pas réussit, on envoya comme à l’habitude les missionnaires pour réaliser une campagne de « pacification » surtout d’évangélisation et d’endoctrinement réalisé sous l’égide de l’épée. Mais les chocoes n’avaient pas décidé de se laisser « réduire » aussi facilement, d’ailleurs de nos jours encore ils résistent à l’envahissement de leurs terres et contre les multinationales.
Fillettes wounaan (image)
Cosmogonie
Selon les embéra, Caragabi, fils de Tatzitzatze se séparant après s’être disputé avec sa famille d’origine fonde la société embéra et créée les hommes.
Il y a quatre mondes au-dessus de celui-ci, dominés par le Caragabi et quatre en dessous dont un appelé « armukura », dominées par tutruika qui s’est créé lui-même et concurrence Caragabi. Le monde des hommes est au milieu des deux mondes mythiques. Il y a donc trois niveaux cosmiques chez les embéra : ce monde, le monde supérieur et le monde inférieur.
Les embéra n’acceptent pas les étrangers, uniquement en tant que visiteurs. En cas d’union mixte, les bébés sont accueillis mais pas le parent étranger. C’est ainsi qu’ils ont pu sauvegarder leur culture et vivre en harmonie et en paix.
Mode de vie
Habitat traditionnel
village embéra (image)
Huttes de chaume ouvertes dans lesquelles des feux sont entretenus en permanence pour les besoins de la cuisine. Des familles entières y vivent.
L’économie des embéra était basée sur l’horticulture de jungle itinérante complétée par la chasse, la pêche, la cueillette. Les cultures sont toujours celles du manioc, du maïs, des bananes et des bananes plantain.
Répartition des tâches : les hommes se chargent de défricher la jungle, de la chasse et de la pêche.
Les femmes s’occupent des récoltes agricoles, de la fabrication et de la conservation des aliments, de la fabrication des poteries et vanneries.
Village dans le Darien
Artisanat
Tous leurs talents artistiques (image)
Ils sculptent l’ivoire végétal (noix de tagua) laissé brut ou peint de couleurs vives, ils fabriquent des bijoux en fibres et en graines, sculptent des bois précieux (cocobolo), et des instruments de musique.
Vannerie : création de paniers de chunga (paille de palmier) chez les wounaan
canasta wounaan (image)
La chasse
Elle se pratiquait traditionnellement avec les sarbacanes aux flèches invisibles et imbibées d’un poison neurotoxique tuant en paralysant les muscles jusqu’à atteindre celui du cœur.
Le poison
Phyllobates terribilis (Factumquintus)
Il provient d’une petite grenouille toxique qui a été nommée Phyllobates terribilis et elle n’a été décrite qu’en 1978. Les indiens Emberà, qui habitent justement le coin utilisent son poison pour chasser.
Ils manipulent sans le savoir un des produits naturels les plus toxiques au monde. La dose létale estimée chez l’humain est de 1 à 2 microg/Kg.
Cet alcaloïde est neurotoxique et cardiotoxique.
Ils frottent leurs fléchettes contre le dos des grenouilles, là où se trouvent les glandes qui secrètent le poison. Contrairement à d’autres tribus voisines qui utilisent d’autres grenouilles que la P. terribilis, la létalité de sa toxine est telle que les Emberà n’ont pas besoin de la « torturer » pour lui faire fabriquer plus de substance. Ils les manipulent avec précaution, à travers des feuilles coupées, pour éviter de les toucher.
Un indien frotte sa fléchette sur le dos d'une P. terribilis en évitant tout contact direct. Source: Myers et coll.
La pêche se fait à l’aide de pirogue et de harpons.
Tenue vestimentaire
Chez les hommes, le pagne a été remplacé par le short en coton et le torse autrefois nu est à présent couvert d’un tee-shirt.
Chez les femmes, le torse est nu et elles portant noué à la taille une bande de tissu comme un paréo, le paruma aux dessins variés et aux couleurs vives. Dorénavant les parumas sont achetés à des commerçants qui les exportent d’Asie.
Les peintures corporelles
La jagua et les tatouages tribaux
Le tatouage est une des anciennes traditions des peuples embéra et wounaan. A l’origine ils devaient être des peintures de guerre. Ces décorations sont arborées à présent lors des cérémonies ou fêtes accompagnées de danses.
C’est le jus tiré du fruit de l’arbre appelé jagua (kipar’a en embéra et k’ipaar en wounaan, genipa americana en latin) qui est utilisé pour les tatouages corporels.
Jagua, Genista americana (AndreasPraefcke)
Ces derniers ont souvent une signification traditionnelle, l’appartenance à un groupe ou être simplement esthétiques. Le jagua est utilisé par les chamans pour soigner les maladies ou chasser les mauvais esprits. Certains tatouages peuvent recouvrir tout le corps laissant peu de parties non colorées. Les femmes couvrent toute la partie basse du visage à partir de la bouche.
Le fruit est râpé et la pulpe pressée pour en extraire le us. On l’applique avec un petit bâtonnet en bois (balsa, bambou) et cette coloration est temporaire et va disparaître au bout d’environ 15 jours. Le fruit qui donne le jagua est un fruit qui sent bon le chocolat fondu quand il est brûlé lors des festivités.
Organisation interne
Le « noko », l’homme le plus âgé du village accompagné du « jaibana » ou chaman formaient l’autorité supérieure de la communauté. Aujourd’hui, des principes plus démocratiques (comité, représentants) ont été introduits et tous sont consultés sur les questions d’intérêt général. Un cacique représente les peuples au niveau national.
Mouvement indigène en Colombie
Les peuples ont créé un mouvement indigène en Colombie, né avec la création du conseil régional indigène du Cauca en 1971. Ce processus s’est diffusé et a entraîné de différentes organisations régionales jusqu’à la formation de l’organisation nationale indigène de Colombie, ONIC en 1982.
Au sein de ce mouvement a été créée l’organisation régionale Embéra-Wounaan (OREWA) du département du Choco qui a fêté ses 20 ans d’existence en célébrant son 6e congrès régional d’autorités indigènes en juin 1999.
Réflexion personnelle
Ces deux peuples font partie des peuples premiers qui se sont ouverts au tourisme solidaire ou écotourisme, ce qui explique que je n'ai pas eu de mal à trouver de jolies photos non privées. Néanmoins, je m'interroge bien souvent sur les bénéfices dont peuvent tirer ces peuples d'être visités par les touristes au même titre que la faune locale et les espèces en voie de disparition.
Les touristes peuvent apparemment compter avec leurs voyages séjourner quelques jours dans un village embéra ou wounaan ( au Panama surtout) et y vivre la vie traditionnelle de ces derniers, aller faire un tour de pirogue, voire suivre un chaman sur les traces des plantes médicinales dans la forêt.
Je doute vraiment que cela fasse bien avancer les choses pour essayer de garder ces ethnies libres de vivre dans leurs traditions, j'ai bien peur que cela ne les "gâchent". Mais sûrement vois-je le mal partout, en tout cas c'est l'une des premières ethnies qui participe à ce tourisme solidaire dont je me fait l'écho, parce que la situation des embéra de Colombie est loin d'être aussi idyllique que ce qu'il peut paraître sur ces photos.
Caroleone
Sources : Thèse de Jesus Alfonso Florez Lopez, Jacques Plassan over blog, sagapanama.fr
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