Suriname : Le peuple Kwinti

Publié le 29 Octobre 2021

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Le peuple Kwinti est un peuple marron descendant des esclaves africains en fuite, vivant à l’intérieur forestier surinamais sir les rives de la rivière Coppename.

C’est la plus petite ethnie et la moins connue des 6 peuples marrons du Suriname et de Guyane.

Six peuples marron se sont formés au Suriname pendant la période de l’esclavage, deux d’entre eux, les Nduyka et les Saramaka sont les plus importants numériquement parlant.

Au centre du Suriname vivent les Saramaka, les Matawai et les Kwinti, dans l’est du pays, sur le Maroni vivent les Nduyka et les Boni ou Aluku. Ces derniers sont rattachés à la France, les autres au Suriname.

Le terme marronnage vient du mot espagnol cimarrón qui désignait les premiers temps de la colonisation le bétail retourné à l’état sauvage.

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Population : 1000 personnes (2014)

Langue : créole basé sur l’anglais avec des influences néerlandaises, portugaises, et autres, similaire aux langues parlées par les marrons Aluku et Paramaca. Il y a moins de 300 locuteurs.

Le Granman actuel du peuple Kwinti : Remon Clamens, depuis 2020. Résidence : Bitagro

L’esclavage au Suriname

 

village marron, fleuve Suriname 1955

L’esclavage au Suriname est réputé pour sa sévérité. Les esclaves constituaient une sorte de propriété personnelle des maîtres et ils n’avaient aucun droit civil. Même si les maîtres exerçaient un très grand pouvoir sur leurs esclaves, ils pouvaient peu de choses apparemment contre la fuite de ceux-ci. Les esclaves fugitifs nommés noirs marrons remontaient à l’origine des fleuves dans les forêts tropicales éloignées du littoral et s’établissaient dans des villages autonomes afin de vivre comme leurs ancêtres africains. C’est en raison de leur mode de vie dans les forêts qu’ils ont été appelés bush negroes (nègres des bois ou nègres de brousse) d’où provient le mot Bushi-negé (Bushinengué) qui les identifient. Les Bosnegers vivaient sur les rives du fleuve Maroni (et ses affluents) délimitant la frontière entre le Surinam et la Guyane française. Pour cette raison ils préfèrent être appelés rivermensen ou gens du fleuve.

Après les peuples autochtones et les colons blancs, les marrons sont les premiers habitants originels du pays.

Les 3 étapes du marronnage

1ère étape : l’esclave s’évade à proximité de sa plantation, dans la forêt secondaire qui l’entoure ou kapuweri. D’autres esclaves à leur tour le rejoignent, le retour est toujours possible, on parle alors de « petit marronnage ».

2e étape : les fugitifs se déplacent afin de ne pas être repérés. Ils s’écartent des plantations, commencent à cultiver. Décomposition et recomposition des groupes sont fréquentes.

3e étape : les fugitifs réussissent à se nourrir et s’éloignent réellement des plantations. Ils deviennent de véritables marrons.

Les premières traces de noirs marron sur les fleuves Suriname et Saramacca remontent avant 1667. Vers 1650/1660 est attestée une communauté de plusieurs centaines de personnes.

 

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Mode de vie commun aux peuples marrons

 

Société matrilinéaire

La femme porte les enfants, les nourrit et les éduque. Les enfants peuvent porter le nom de la mère ou celui du père, les familles sont nombreuses car il faut compenser les pertes infantiles liées au marronnage et la dure vie dans la forêt.

Ce sont les sœurs et frères de la mère qui l'aide à l'éducation des enfants. Les décisions concernant les enfants sont toujours prises par la famille maternelle. Les enfants aînés quand à eux aident leur mère dès leur plus jeune âge et s'occupent des plus jeunes.

Polygamie

Les hommes sont polygames par héritage des coutumes importées d'Afrique. Pour éviter les problèmes de consanguinité, de conflit entre les femmes rivales, les hommes choisissent leurs femmes dans des villages distants mais pas trop pour leur permettre des visites régulières.

Economie, vie sociale

L'organisation sociale est divisée en deux mondes parallèles séparés par le critère du sexe. Les hommes et les femmes ne doivent pas se confondre car les noirs marrons considèrent que la femme a des pouvoirs puissants capables d'affaiblir le pouvoir de l'homme.

Leurs moyens de subsistance proviennent de la chasse, de la pêche et de l'horticulture sur abattis-brûlis.

Il y a une division sexuelle du travail et aucun ne vient empiéter sur le domaine de l'autre.

Les femmes s'occupent de la cueillette des agrumes, des racines, des fruits, de la culture du riz, du manioc et des tubercules dans l'abattis.

Le manioc est la base de l'alimentation et compose le couac, la cassave et entre dans la composition de plats riches en viande, en légumes et épices ( colombo, calalou...).

L'artisanat des femmes se réalise dans la couture, la broderie et la coiffure.

Elles réalisent un costume pour les hommes composé d'une pièce d'étoffe portée autour de la taille, la kamiza et d'une cape, bagnano koozoe.

Leur habit est composé d'une jupe courte nouée à la taille et d'une cape semblable à celle des hommes.

Les hommes : ils doivent fournir l'essentiel de la nourriture avec la chasse et la pêche. Ils abattent et brûlent les arbres sur les parcelles des abattis.

Les jeunes garçons sont initiés par leur oncle : pratique de la forêt, pose des filets dans les criques.

Les hommes sont maîtres de la navigation sur les fleuves, ce sont des canotiers professionnels qui enseignent leur savoir aux enfants.

Les hommes travaillent le bois :

- objets à usage domestique

- objets rituels

- objets décoratifs

Le jeune garçon pour accéder au statut d'adulte doit être capable de fabriquer ses jouets à 7 ans, des bancs à 14 ans et un canot à 20 ans.

La construction de la maison de sa future femme achève l'étape au passage à l'âge adulte.

Les sociétés sont basées sur la famille, les liens familiaux et le Gran-Mam, le chef spirituel et religieux (qui peut très bien être une femme) qui détient les pouvoirs d'un juge, d'un sage et d'un conciliateur.

Même si l'esclavage est aboli, les conditions de travail qu'ils rencontrent avec l'exploitation liée à l'orpaillage peut faire penser à une autre forme d'esclavage.

Malgré leur attachement à leurs coutumes traditionnelles et communautaires, ils n'en participent pas moins à la vie sociale et politique de leurs pays.

rivière Coppename By Ian Mackenzie - originally posted to Flickr as Coppename River, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9554275

Religion

La religion  traditionnelle est le winti qui est une synthèse des traditions religieuses africaines.

Dans la zone partagée avec le peuple marron Matawai, l’église morave a connu de grands succès après que Johannes King, un Matawai soit devenu leur premier missionnaire marron. L’église morave dirige une mission à Kaaimanston. Dans les années 1920 , l’église catholique commence des activités missionnaires dans la région de Coppename.

By -JvL- from Netherlands - View of the Suriname River from the Gunsi shore, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=69680614

 

Les villages

District de Sipaliwini

  • Bitagron

Bitagro = terre de mes ancêtres. C’est le lieu de résidence du Granman Kwinti. En 1987 pendant la guerre civile du Suriname, Bitagro a été en partie détruit. Après la guerre, il sera reconstruit grâce en partie à l’aide du Programme des Nations Unies pour le Développement. Ce village occupe une place importante car c’est la porte d’entrée de la réserve naturelle Centre du Suriname et il est situé près des chutes de Raleigh, un lieu touristique attrayant.

  • Heidoti

Ce village est situé dans la municipalité de Boven Saramacca (station balnéaire) dans le district de Sipaliwimi. Il a été construit comme un camp pour les services géologiques et miniers. Plus tard s’y installe Nicomède qui a déplacé sa famille en 1915. Nicomède est nommé chef du village depuis 2009. Heidoti abrite le par tropical Heidoti.

  • Kaaimanston
  • Des minorités vivent dans les villages Pakka-Pakka et Makajapingo.

 

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Origines

Il y a 2 origines possibles au peuple Kwinti. Tout d’abord un récit oral qui mentionne le soulèvement d’esclaves de Berbice en 1763 en Guyane. L’autre mentionne une plantation dans le district de Para  de laquelle une fuite d’esclaves menée par Boku qui meurt en 1765, est remplacé par Kofi un prétendu frère Boni. La tribu est connue depuis le XVIIIe siècle, il y a eu plusieurs raids de commentés sur des plantations menés par des Kwinti.

Le 19 septembre 1762, les hollandais signent un traité de paix avec les Saramaka.

En 1769, les Matawai se séparent des Saramaka et demandent au gouvernement des armes contre les Kwinti qui avaient attaqué des plantations en novembre 1766.

A la fin du XVIIIe siècle , la tribu est attaquée plusieurs fois par les Matawai et par des colons.

Dans les années 1850 les Kwinti signent un traité de paix avec le granman Matawai et s’installent parmi les Matawai à Boven Saramacca.

Il y a de nos jours, deux villages habités par les deux tribus.

Une autre partie des Kwinti s’installe sur la rivière Coppename et fonde Coppencrisie. Plus tard le village sera abandonné et ils établiront les villages de Bitagro et Kaaimanston.

Au cours du XIXe siècle la tribu n’est jamais mentionnée jusqu’à un traité de paix avec le gouvernement du Suriname signé en 1887. Ce traité désigne Alamun comme capitaine en chef et non comme granman. Le traité lui donne le contrôle des Kwinti vivant le long de la rivière Coppename. Les Kwinti de la rivière Saramacca restent sous l’autorité Matawai.

En 1894 une zone de contrôle est décrétée autour de Bitagro et Kaaimanston à cause des concessions de bois et de balata à proximité. Un poste est installé pour représenter le gouvernement.

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Les articles sur les autres peuples marrons

Suriname/Guyane française/Guyana : Le peuple Ndyuka ou Aukan

Suriname / Guyane : Le peuple Saramaka

Guyane / Surinam : Le peuple Boni ou Aluku

Suriname / Guyane : Les peuples Bushinenge

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Peuples originaires, #Suriname, #Afrodescendants, #Kwinti

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