Suriname / Guyane : Les peuples Bushinenge

Publié le 29 Juin 2015

Il y eut des marrons dès qu'il y eut des esclaves .

Victor Schoelcher

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

image « Cimarrón » par User:Schlacke-Heiner — Rare Book Division, The New York Public Library, Astor, Lenox and Tilden Foundations. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons 

Le marronnage

Un esclave qui s'enfuit de la plantation qui l'asservit et se réfugie dans la nature est nommé un marron.

Cela se passait au temps des colonies en Amérique, aux Antilles et dans les Mascareignes.

Ce mot "marron" vient de l'espagnol cimarrón (vivant dans les cimes, cima = cime). Ce terme apparaît lors de la conquête à Hispaniola. Le mot est emprunté aux Arawaks qui désignent alors les animaux qui retournent à l'état sauvage tel le cochon. Il passera ensuite aux esclaves en fuite mais également pour qualifier les indiens fugitifs pour devenir plus largement le terme du sauvage qui retourne à la nature.

Les marrons trouvaient refuge dans des lieux inaccessibles, dans les profondeurs de la forêt ou dans les hauteurs. Ainsi, protégés des vicissitudes de la colonisation, ils purent préserver leurs coutumes et leurs rites ancestraux venus d'Afrique.

Certains se réorganisent en sociétés appelées les nègres marrons. C'est le cas des Bonis et des Djuka.

Le terme Bushinenge ou Bushninegué veut dire les hommes de la forêt.

Les sous-groupes nommés marrons sont donc les descendants des esclaves emmenés au Suriname pour le travail dans les plantations.

Ils naissent des grands mouvements de marronnage. Ils avaient fui à partir du XVIIe siècle les conditions d'esclaves et c'étaient réfugiés au Suriname et en Guyane pour travailler en tant que piroguiers pour les orpailleurs (c'est le cas des Saramaka) sur les fleuves Oyapock et Approuague.

image « Pirogue sur le maroni » par Polo973 — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons -

Suriname / Guyane  : Les peuples Bushinenge

Les Bonis (Aluku) durent quand à eux fuient d'autres Bushinengués et se réfugient en Guyane dans la région de Papaïchton-Maripasoula.

Ils vivent dans la forêt et remettent à jour leur culture d'origine africaine s'adaptant à la vie amazonienne grâce aux indiens avec lesquels ils vivent en bons termes.

Il y a environ 70.000 Bushinenge en Guyane et 120.000 au Suriname.

Les 6 sous-groupes de Bushinenge :

- Les Bonis (Aluku)

- Les Paramaca

- Les Ndjuka

- Les Saramaka

- Les Kwinti

- Les Matawai

Les Paramaca

Suriname dans la forêt intérieure et Guyane française sur le Maroni. Ils sont moins nombreux en Guyane. Ils sont plus cultivateurs que navigateurs.

1000 personnes parlent le créole paramaca.

Les Ndjuka ou Djuka

20.000

Implantés au Suriname le long du Maroni hollandais près du Grand Santi. Ils sont les réfugiés de la guerre civile du Suriname. Des groupes vivent sur le Maroni en Guyane. Célèbres pour leurs révoltes anti esclavagiste et leurs aptitudes à faire plier le pouvoir hollandais lors de la signature des traités.

Les Kwinti

Ils vivent au Suriname dans la forêt intérieure. Leur langue, un créole comprenant une base lexicale anglaise est parlé par moins de 1000 locuteurs.

Les Matawai

Ils vivent au Suriname et sont proches des Saramaka. Leurs langue est un créole nommé matawai.

Les Bonis

Peuple déjà présenté sur ce blog :

Les Saramaka

Les langues

Les langues sont différentes mais celle qui se différencie le plus des autres est le samaaka des Saramaka en raison de la présence de mots en portugais. La langue des Bonis, des Ndjuka et des Paramaca est un créole à base lexicale anglaise.

Ils ont une langue commune qui est indépendante de leur propre langue, le taki-taki. C'est un mélange de hollandais, d'anglais et de portugais. Cette langue sert également à échanger avec les amérindiens .

C'est au Suriname (Guyane hollandaise alors) que le marronnage connaît son apogée. C'était en effet dans ce pays que le système esclavagiste était à sa phase de développement majeure et très rigoureux. Il avait commencé à la seconde moitié du XVIIe siècle.

Le nombre d'esclaves y était important et croissant à la fin du XVIIe siècle, de l'ordre de 4300 esclaves pour 800 blancs. Il est évoqué les chiffres de 300.000 à 325.000 africains déportés dans le cadre de la traite.

Au XVIIIe siècle, le mouvement est considérable, le péril est grand pour les fugitifs mais il fait aussi planer un autre péril sur l'avenir économique de la colonie.

Abolition de l'esclavage : le 1er juillet 1863

Village marron en 1955 au Suriname

« Maroon village, Suriname River, 1955 » par John Hill — Originally from en.wikipedia; description page is/was here (I inherited this photo from my father, Ted Hill, who took it in 1955.). Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons -

En Guyane Française

Le code noir

C'est un recueil de textes qui régit la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises. Il est élaboré par Colbert et promulgué en 1685 par Louis XIV appliqué en Guyane à partir de 1704.

Les esclaves sont présentés comme des "meubles" que le maître peut vendre.

Les sanctions par exemple concernant le marronnage :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gravure de William Blake représentant un esclave pendu par un crochet, probablement extrait d'un ouvrage de John Gabriel Stedman racontant une expédition de 5 ans (1772 à 1777) au Guyana contre les esclaves noirs révoltés du Suriname. De telles gravures, en informant le public européen des traitements infligés aux révoltés, ont probablement renforcé les courants abolitionnistes.Dmitrismirnov

 

Article 38

"L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compté du jour que son maître l'aura dénoncé en justice aura les oreilles coupées, sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule et s'il récidive un autre mois, à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé et sera marqué d'une fleur de lys sur l'autre épaule et la troisième fois, il sera puni de mort."

En Guyane française en 1794 est votée la Convention de Paris, un décret pour abolir l'esclavage. A partir de cette date et jusqu'en 1805, la Guyane sera un lieu de déportation (bagne de Sinnamary) pour les opposants politiques aux régimes révolutionnaires se succédant en France.

En 1802, Bonaparte rétablit l'esclavage ce qui provoque la fuite d'une partie de la population noire de le Guyane privant l'économie locale de cette main d'œuvre.

A la veille de la Révolution il y avait 10.000 esclaves pour 1300 blancs et affranchis et en 1830, 19.261 esclaves pour 3786 blancs et affranchis. Les gouverneurs alors se plaignaient du "manque de nègres" pour développer l'économie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« PlaceSchoelcher » par Original uploader was Raybx973 at fr.wikipedia — Transferred from fr.wikipedia; transferred to Commons by User:Bloody-libu using CommonsHelper.. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons

L'abolition définitive de l'esclavage est votée le 27 avril 1848 préparé par Victor Schoelcher et sera effective le 10 juin 1848.

Il y avait alors en Guyane 12.500 esclaves.

Pour remplacer cette main d'oeuvre, le prince Louis Napoléon décide en 1852 de faire passer un certain nombre de condamnés en Guyane. Ce sera le début de la colonie pénitentiaire avec les bagnes de St Laurent du Maroni, de St Jean du Maroni, des îles du Salût.

Le marronnage en Guyane

Le marronnage en Guyane quand à lui avait commencé à la fin du XVIIe siècle. Le phénomène est plus restreint qu'au Suriname et à la veille de la révolution on comptait une centaine d'esclaves en fuite.

Lors des années 1820/1830, il y avait environ 300 esclaves en fuite parmi lesquels Pompée.

Pompée

Lorsque l'esclavage se rétablit en Guyane en 1802, le chef Pompée de la nation africaine Macoua entre en résistance. Il s'enfuit emportant avec lui des outils aratoires et une arme à feu volée dans l'habitation de son maître.

Il fonde avec des autres les établissements de "Bois Fer", "Jolie Terre" et "Trou Couleuvre" amis ils sont attaqués par les troupes de Victor Hughes en 1807. Il s'échappe avec les siens de l'autre côté de la rivière Comté (Couri Mo) et s'enfonce jusqu'au sud-est su saut Brodel. Ils établissent le camp "Maripa". Pompée marronne une vingtaine d'année mais il est arrêté le 5 août 1822 et condamné à mort, il sera gracié par Louis XVIII qui se basait sur une ordonnance coloniales du baron de Lausset accordant le pardon aux noirs marrons se rendant volontairement.

Mode de vie commun aux peuples marrons
Société matrilinéaire

La femme porte les enfants, les nourrit et les éduque. Les enfants peuvent porter le nom de la mère ou celui du père, les familles sont nombreuses car il faut compenser les pertes infantiles liées au marronnage et la dure vie dans la forêt.

Ce sont les sœurs et frères de la mère qui l'aide à l'éducation des enfants. Les décisions concernant les enfants sont toujours prises par la famille maternelle. Les enfants aînés quand à eux aident leur mère dès leur plus jeune âge et s'occupent des plus jeunes.

Polygamie

Les hommes sont polygames par héritage des coutumes importées d'Afrique. Pour éviter les problèmes de consanguinité, de conflit entre les femmes rivales, les hommes choisissent leurs femmes dans des villages distants mais pas trop pour leur permettre des visites régulières.

Economie, vie sociale

L'organisation sociale est divisée en deux mondes parallèles séparés par le critère du sexe. Les hommes et les femmes ne doivent pas se confondre car les noirs marrons considèrent que la femme a des pouvoirs puissants capables d'affaiblir le pouvoir de l'homme.

Leurs moyens de subsistance proviennent de la chasse, de la pêche et de l'horticulture sur abattis-brûlis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les tenues vestimentaires traditionnelles : calimbé de l'homme, camisa de la femme, dessin de l'expédition de Jules Crevaux

 

Il y a une division sexuelle du travail et aucun ne vient empiéter sur le domaine de l'autre.

Les femmes s'occupent de la cueillette des agrumes, des racines, des fruits, de la culture du riz, du manioc et des tubercules dans l'abattis.

Le manioc est la base de l'alimentation et compose le couac, la cassave et entre dans la composition de plats riches en viande, en légumes et épices ( colombo, calalou...).

L'artisanat des femmes se réalise dans la couture, la broderie et la coiffure.

Elles réalisent un costume pour les hommes composé d'une pièce d'étoffe portée autour de la taille, la kamiza et d'une cape, bagnano koozoe.

Leur habit est composé d'une jupe courte nouée à la taille et d'une cape semblable à celle des hommes.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les Saramaka ont toujours des costumes composés de différents morceaux de tissus assemblés en patchwork de couleurs vives.

Les hamacs; nappes et vêtements sont brodés avec des motifs à message social ou érotique.

La coiffure est une activité artistique des femmes qui a lieu une fois par semaine. Chacun se fait coiffer avec des peignes en bois fabriqués par les hommes. La coiffure reflète le statut social de la personne, son sexe, son âge et son statut marital.

Les hommes : ils doivent fournir l'essentiel de la nourriture avec la chasse et la pêche. Ils abattent et brûlent les arbres sur les parcelles des abattis.

Les jeunes garçons sont initiés par leur oncle : pratique de la forêt, pose des filets dans les criques.

Les hommes sont maîtres de la navigation sur les fleuves, ce sont des canotiers professionnels qui enseignent leur savoir aux enfants.

Les hommes travaillent le bois :

- objets à usage domestique

- objets rituels

- objets décoratifs

Le jeune garçon pour accéder au statut d'adulte doit être capable de fabriquer ses jouets à 7 ans, des bancs à 14 ans et un canot à 20 ans.

La construction de la maison de sa future femme achève l'étape au passage à l'âge adulte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Tembe apatou » par Polo973 — Appareil photo numérique. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

 

Artisanat

Art tembé : entrelacement de courbes et de lignes colorées, cet art est profane et décoratif, géométrique qui diffère de la sculpture africaine traditionnelle qui es objet de culte essentiellement. Les outils utilisés sont la règle et le compas à pointe sèche parfois le couteau.

Pour en savoir plus

Vannerie

Elle est réalisée avec la liane d'arouman et sert aux objets utilitaires (couleuvre à manioc, manaré/tamis, pagra/pochette, catoury/chapeau).

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Les canots (botos)

Ils représentant un élément essentiel dans la vie des noirs marrons, moyens de communication, d'échanges commerciaux, œuvre d'art qui est utilisée dans les cérémonies rituelles. Il y a de petites embarcations légères, les canots-pagaies manœuvrés à la pagaie ou à la perche. Elles sont répandues dans les villages car les femmes et les enfants peuvent s'en servir, les utiliser chaque jour par exemple pour se rendre à l'abattis. La longueur est de 6 mètres, on peut y transporter des marchandises légères, et aussi 4 à 5 adultes. L'une des extrémités du canot est ornée de motifs masculins et l'autre de symboles féminins.

La pagaie

Chez les Bushninenge elle constitue un cadeau de mariage important, reflétant le talent de l'homme en tant que sculpteur et détenteur de l'art tembé. Les pagaies ornées de motifs sculptés sont reconnaissables à celles des amérindiens qui n'ont pas de décors. Les pagaies des femmes sont plus courtes que celles des hommes.

En savoir plus sur les pirogues

 

 

 

 

 

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Les sociétés sont basées sur la famille, les liens familiaux et le Gran-Mam, le chef spirituel et religieux (qui peut très bien être une femme) qui détient les pouvoirs d'un juge, d'un sage et d'un conciliateur.

En Guyane française les villages sont gérés par un capitaine et un Gran-Man auprès de l'administration.

Même si l'esclavage est aboli, les conditions de travail qu'ils rencontrent avec l'exploitation liée à l'orpaillage peut faire penser à une autre forme d'esclavage.

Malgré leur attachement à leurs coutumes traditionnelles et communautaires, ils n'en participent pas moins à la vie sociale et politique de leurs pays.

Danses

Le camougué

Il dépeint la vie et le travail dans les abattis lors de mayouris. C'est une danse au rythme saccadé qui s'exécute au son d'un tambour, le youngwé.

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K
cool
D
très intéressant mais quelle révoltante horreur que celle de la répression
C
C'est ainsi qu'il faut mettre en avant ces peuples qui n'ont pas l'heur de plaire mais encore à l'heure actuelle. Pourtant les afro descendants ont tous des cultures très riches, enrichies justement du métissage et de l'appropriation d'un milieu qu'on leur a imposé et qu'ils maîtrisent bien mieux que ceux qui les ont amenés.