Brésil : Le peuple Djeoromitxí

Publié le 8 Mai 2020

source

Peuple autochtone du Brésil qui vit dans la région sud de l’état du Rondônia. Après des contacts réguliers avec des non autochtones vers le début du XXe siècle ils ont subi de fortes pertes de population et ont été déplacés. De nos jours ils résident dans la région du rio Branco et du rio Guaporé. Selon leur mémoire orale le rio Branco est la zone traditionnelle du groupe.

Autodénomination : djeoromitxí dont l’origine n’est pas facile à retracer. C’est peut-être le nom d’un clan ou celui d’une espèce de palmier.

Les non indiens les appelaient jabuti mais ils ne reconnaissent pas ce nom.

Des noms de sous-groupes Djeoromitxí sont connus parmi les peuples d’aujourd’hui :

Kunôny’ro – kunõmbi’ro qui se réfèrent à des espèces de fourmis.

‘urikyta’re = habitant d’une vallée.

Ces noms apparaissent dans la littérature (Maldi1991).

Population : 225 personnes (2014)

Localisation

Leur environnement traditionnel est la forêt tropicale humide. Ils vivent depuis toujours sur le cours supérieur du rio Branco. Selon Franz Caspar (1975) ils vivaient jusqu’en 1955 sur la rive gauche et les affluents gauches du rio Branco au-dessus de l’endroit où se trouve aujourd’huo la ville d’Alta Floresta d’Oeste. Au-dessus d’eux vivait le peuple Arikapú, leurs voisins traditionnels étaient les Makurap et les Wayurú (parlant des langues tupari).

  • T.I Rio Branco – 236.137 hectares, 679 personnes, réserve homologuée. Villes : Alta Floresta d’Oeste, São Francisco do Guaporé, São Miguel do Guaporé. 7 peuples y vivent : Aikanã (langue aikanã), Arikapú (langue jabuti), Arúa ( langue mondé), Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe), Makurap (langue tupari), Tupari (langue tupari).

La T.I Rio Branco compte près de 400 habitants répartis en plusieurs villages le long du rio Branco. Cette T.I a été homologuée en 1986. La majorité de la population est Tupari mais il y a de petits groupes tels les Makurap, les Arúa, les Kanoë, les Arikapú,les Djeoromitxi. Le village principal est Alto Luis accessible en voiture depuis Alta Floresta d’Oeste. Les autres villages ne sont accessibles que par le fleuve et en raison de leur isolement, les langues indigènes et les pratiques culturelles traditionnelles sont mieux préservées. Ils pêchent avec l’arc et les flèches, le chaman utilise la parica pour soigner  et il y a encore des fêtes avec l’utilisation de la chicha. Ils se peignent avec du roucou (colorant rouge) et du jenipapo (colorant noir), chantent et dansent de façon traditionnelle. Les chamans Arikapú étaient traditionnellement connus comme les plus puissants de la région. Aujourd’hui encore le chaman le plus réputé et respecté appartient à ce groupe. La partie sud-ouest de la T.I rio Branco borde la réserve biologique du Guaporé. Cette réserve a une partie de sa superficie affectant la T.I Massaco où des groupes vivent en isolement et dont la langue et l’identité ethnique ne sont pas encore connus. La T.I Rio Branco et ses habitants sont constamment menacés de différentes manières par leurs voisins non autochtones et les politiciens de l’état. A cause de la déforestation, la zone ressemble de plus en plus à une île où le gibier se fait rare, accroissant leur dépendance à la pêche. Les envahisseurs entrent dans la réserve et pratiquent la pêche illégale à grande échelle. Les pesticides utilisés dans les exploitations agricoles situées dans le cours supérieur du rio Branco (hors de la T.I) finissent par polluer la rivière principale mettant en danger ceux qui y vivent. Des projets hydroélectriques irréguliers dans la région causent de graves dommages aux écosystèmes fluviaux.

Des témoignages dénoncent la destruction de sites archéologiques en fonction des travaux à Paulo Saldonha sur le cours supérieur du rio Branco. Des urnes funéraires auraient été déterrées et délibérément détruites pour cacher les preuves juridiques. Ce type d’action nuit aux options futures des Arikapú et d’autres groupes revendiquant leurs terres ancestrales.

La culture traditionnelle dévaluée s’accélère d’autant plus suite à l’arrivée d’une église protestante fondamentaliste qui désapprouve le chamanisme et les fêtes traditionnelles créant la division interne de la communauté.

  • T.I Rio Guaporé – 115.788 hectares, 911 personnes, réserve homologuée. Ville : Guajará Mirim  peuples y vivent : Aikanã (langue aikanã), (langue jabuti), Arúa ( langue mondé), Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe), Kujubim ( langue txapakura), Makurap (langue tupari), Tupari (langue tupari), Wajuru (langue tupari), Wari’ (langue txapakura).

 La T.I du Rio Guaporé compte environ 600 habitants divisés en différents villages dans les baies et les lacs le long du grand rio Guaporé l’homologation de cette réserve a eu lieu en 1996. La population est composée de familles mixtes Arúa, Wayurú, Makurap, Kanoê, Aikanã, Djeoromitxi, Arikapú, Wari’ et Kuyubi. La plupart vit dans le village surpeuplé Ricardo Franco. Il y a un poste de la FUNAI, un poste médical et une école. Sur cette T.I l’influence de la culture indigène est forte. Par contre les jeunes ont peu d’option de vie et d’avenir ce qui cause des problèmes sociaux.la vie dans les autres villages est meilleure pour la chasse, la pêche et  l’agriculture sur brûlis. Les langues et les cultures y sont mieux préservées.

La région autour de la T.I n’est pas entièrement connue et il peut y avoir la présence de peuple isolés. Comme sur la T.I du rio Branco, la pêche illégale existe mais l’exploitation forestière et la contamination aux pesticides sont moins importants (il faut dire que l’emplacement est isolé).

  • T.I Rio Cautário – en cours d’identification. Villes : Guajará-Mirim et Costa Marques. 3 peuples y vivent : Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe) et Kujubim (langue txapakura)

Langue

De la famille des langues jabuti.

Un premier enregistrement de la langue est réalisé par l’ethnologue allemand Emil Heinrich Snethlage qui visite la région du rio Guaporé pour le musée d’ethnologie de Berlin (1937). Il rencontre de nombreux peuples sur le rio Guaporé dont les Djeoromitxí (qu’il appelle kipui) et revient à Berlin avec une collection d’objets, de photos, de films, d’enregistrements musicaux. Les peuples étaient alors victimes d’épidémies de rougeole et de grippe se propageant très rapidement.

fête de la chicha -  (Baia das Onças). Foto: Hein van der Voort, 2001

Culture

Caractéristiques communes aux peuples du complexe culturel régional :

  •  Absence de culture du manioc et de farine non alimentaire.
  • Construction de maisons rondes avec un poteau central abritant une famille patrilocale élargie (12 à 20 personnes).
  • Consommation de chicha de maïs dans le régime alimentaire régulier et de chicha fermentée lors des cérémonies.
  • Confection de marico (paniers de différentes tailles en fibres de ticum tissées).

L’organisation sociale traditionnelle Makurap comprenait des clans nommés et patrilinéaires dont la plupart de nos jours ont disparu. Souvent les groupes sont accompagnés du suffixe nian (exemple guüt nian) nian pouvant se traduire par « personnes ». en 1991 les membres de la T.I du rio Guaporé se sont identifiés comme appartenant aux sous-groupes Souris, Urubu, Mucura, Roucou (Urucum), Mutum, Morcego, Tatou-Canastra, Saúva (ce qui représente 9 des 21 sous-groupes qui existaient).

L’ensemble des 21 sous-groupes susnommés était divisé en deux autres, 10 sur la rive gauche et 11 sur la rive droite du rio Colorado. Les groupes réglementaient le mariage, étant exogames, ils formaient des groupes territoriaux occupant des zones définies, des noms, des origines, des mythologies. Ils étaient des régulateurs du mariage par l’exogamie, des régulateurs de la progéniture par la patrilinéarité et la résidence patrilocale. Ils pouvaient selon ces caractéristiques correspondre au nom de clans.

Le mariage préférentiel était celui d’un homme avec une cousine croisée patrilatérale.

Ils se procurent des larves à  Ricardo Franco. Foto: Hein van der Voort, 2002

Le complexe culturel « marico »

Les Arikapu vivaient dans de grandes malocas en forme de ruche et leur subsistance était basée sur la pêche, la chasse, la cueillette de fruits et d'insectes et l'agriculture sur brûlis. Ils plantaient du maïs, du manioc, des arachides, des ignames, des bananes, des citrouilles et élevaient des larves comestibles de diverses espèces d'insectes.

Ils enterraient leurs morts dans des maisons, assis et dans des urnes en céramique, fermées par des couvercles. Au-dessus du tumulus, un bûcher était allumé pendant quelques jours pour aider à préserver les restes. Lors d'un déménagement, la famille emportait souvent les urnes pour les enterrer dans la nouvelle maison.

En termes culturels, les Arikapu sont assez semblables aux autres groupes du sud-est du Rondônia et partagent avec eux de nombreuses caractéristiques. Selon l'ethno-historienne Denise Maldi (1991), le "complexe culturel Marico" comprend plusieurs groupes linguistiques tupi, les deux groupes linguistiques jabuti (Arikapu et Djeoromitxí), ainsi que les Kanoê, les Aikanã et les Kwazá, qui parlent des langues isolées.

"En ce qui concerne la culture matérielle, certains éléments témoignent sans équivoque de la similitude entre les peuples de la région du Guaporé : l'absence de la culture du manioc "brava" et de la farine dans l'alimentation ; la consommation de chicha de maïs dans l'alimentation régulière et de chicha fermentée dans les occasions cérémonielles, et la fabrication du marico. Il s'agit de paniers en fibres de "tucum", tissés en petits ou moyens points, qui peuvent être de différentes tailles et qui sont non seulement caractéristiques mais aussi exclusifs aux groupes indigènes qui vivent aujourd'hui sur la terre indigène Guaporé et sur la terre indigène Rio Branco.

 Un autre élément culturel, outre la fabrication du marico, qui pourrait être considéré comme exclusif aux peuples des Rio Branco, Colorado et Mekens est l'aspiration de la poussière d'angico dans les actes chamaniques.

 La structure sociale traditionnelle des groupes de la région du Guaporé a subi de graves menaces en termes de reproduction et de perpétuation en raison des pertes démographiques. Entre-temps, une nouvelle réalité sociale émerge de l'intensification des relations entre les groupes, du moins au sein du territoire indigène guaporé. Certains éléments culturels sont valorisés et agissent comme des mécanismes de solidarité entre différentes sociétés : la consommation de chicha, qui établit une règle d'étiquette non coercitive, et le chamanisme, par l'action conjointe d'individus de différents groupes indigènes dans l'aspiration de la poudre d' angico et dans les cérémonies de guérison.

 C'est sans doute lors des cérémonies de guérison que les relations entre les groupes se sont intensifiées, notamment grâce à deux mécanismes : les fêtes de chicha et les mariages. Les fêtes de la chicha étaient des pratiques traditionnelles de tous ces groupes, au cours desquelles les villages alternaient dans les rôles d'hôte/invité, créant des réseaux ininterrompus de solidarité et de réciprocité. Après le contact, les différents villages, à la différence des différents villages du même groupe ethnique, ont commencé à alterner dans ces rôles. Les mariages intergroupes sont apparus en réponse aux besoins démographiques et, avec le temps, ont servi à renforcer les liens entre les peuples de la région" (Denise Maldi, 1991).

Chamanisme

Il est régit, comme pour les autres peuples du complexe régional par l’utilisation d’un hallucinogène constitué par les graines d’angico (cebil, anadenanthera colubrina, fabacées) qui sont macérées et transformées en une poudre mélangée à une espèce de tabac cultivé à cet effet. Ils ne fument pas mais s’en servent en tabac à priser avec un appareil ingénieux constitué d’un bambou long de 2 mains avec à une extrémité un récipient chargé de poudre de tabac. La personne, pour le consommer se pince les narines et une autre personne en se servant de l’autre extrémité du bambou souffle dedans et fait pénétrer le tabac dans les fosses nasales du fumeur. 

Source : pib.socioambiantal.org

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Peuples originaires, #Djeoromitxí

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