Chili,dictature de pinochet: la culture au bûcher !!

Publié le 10 Septembre 2012

Un devoir de mémoire pour le Chili, afin que le peuple actuel se souvienne qu'un jour on brûla les oeuvres émancipatrices sur le bûcher du fascisme, que l'on brûla les oeuvres des poètes chiliens, les oeuvres de ceux qui ouvrent les esprits en permettant au peuple de se libérer des jougs.

Les étudiants chiliens sont en grève en 2011, le combat pour la liberté est un éternel recommencement, ne pas laisser faire en mémoire de ceux qui se sont sacrifiés !!

 

Caroleone

 

 

 

 

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                                                      Soldats chiliens brûlant des livres de gauche en 1974

 

 

La junte n’a pas seulement vendu le pays, elle a essayé de vendre l’âme de la nation, de tuer ou d’étouffer la chanson. Si la floraison culturelle est allée de pair avec la révolution, le fascisme se propose d’étrangler la révolution et d’étouffer la floraison intellectuelle.

La contre-révolution culturelle commence le 11 septembre 1973.

On prétend supprimer la vie et le développement de la pensée en partant du principe que la préoccupation culturelle est inutile. L’art est un ornement non nécessaire, la science un investissement non rentable, l’activité intellectuelle franchement suspecte et les universités des « foyers de conspiration ».


La culture chilienne, construction vivante, déjà séculaire, portait en elle les résonnances des luttes et controverses des époques passées, des heurts des tendances politiques, des courants philosophiques, des écoles esthétiques. Les meilleurs d’entre eux avaient pour préoccupation dominante le respect de l’homme, le respect du peuple, le progrès de l’esprit national fécondé par tout ce qu’on pouvait apprendre de la culture universelle.


Notre culture pouvait se regarder avec fierté dans deux miroirs : Gabriela Mistral et Pablo Neruda.

 

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Aujourd’hui, on invoque en vain la première et la junte la bafoue à chaque fois. L’unité populaire avait élevé comme un symbole de l’effort populaire une vaste construction monumentale, au service de l’amitié entre les peuples, de l’art et de la jeunesse, baptisée précisément : Edifice Gabriela Mistral.


La junte a effacé son nom et l’a remplacé par celui de Diego Portales, un homme politique conservateur du siècle passé. Là ont logé les quatre généraux.

Sur le nom effacé de la poésie, sur l’emplacement des peintures détruites et volées, celles que les grands artistes de notre temps avaient offertes pour le Musée de la solidarité du Chili populaire, se dressèrent les quatre fauteuils du fascisme sur le peuple persécuté, sur la mort de la culture.

 

Ils ont la haine de ceux qui pensent, de ceux qui lisent, de ceux qui créent et c’est l’expression d’un chauvinisme zoologique, d’un irrationalisme illettré.


Pinochet affirme : « Je n’accepterai pas de doctrines étrangères ».


Toutes les idéologies et les pensées de quelque nation ou terre qu’elles viennent sont donc proscrites. Voici le pire ennemi : les idées qui ne sont pas nées au Chili. D’autant qu’elles se cachent partout : dans les livres, les journaux, derrière les façades des églises et des partis, dans les syndicats et les universités, dans la tête des gens. Pinochet refuse tout ce qui abrite l’œil du malin. Il dénonce le parfum vénéneux des mots Liberté et Démocratie.


Ils viennent de l’étranger. Leur arôme prestigieux et mortel ne le trompera pas. Dans le fond se blottit parmi un vaste, interminable, séduisant déploiement de déguisements, le grand tentateur et corrupteur de l’ère contemporaine : le marxisme.


Pinochet le sait : le marxisme est un fléau aux mille têtes.


Il emprisonne dans ses rets les institutions les plus sacrées.


Il se glisse et se camoufle dans le paysage politique et idéologique. Il est actif même dans les décors les plus innocents.


Ne nous laissons leurrer ni par le christianisme (étranger), ni par le libéralisme (étranger), ni par la social-démocratie (étrangère). On les connaît. Ils sont comme les vêtements unisexes. Ils habillent tout le monde. On ne se laissera pas avoir. Nous ne sommes pas des indiens di tiers-monde. Nous savons découvrir la queue du malin derrière l’habit améthyste de l’évêque. Et repérer le Manifeste communiste derrière les couvertures des missels. C’est pourquoi nous n’accepterons pas de « doctrines étrangères. Chrétiens ou maçons. ..]

Adam Smith non plus n’est pas né au Chili. Au fait qui est-ce ?

Peut-être pourrions-nous faire une exception pour lui ? Et hitler , Ah ! Pour lui, ne mesurons pas les adjectifs élogieux. Il est mort en luttant contre le communisme. Il mérite notre respect comme francisco franco et c’est pourquoi je me suis incliné devant sa dépouille. Il fut un croisé du XXe siècle comme je suis, moi, pinochet, le vainqueur du nouveau Lépante.

Surtout, méfiance envers l’intellectuel. Les malheurs de la patrie viennent d’eux en grande partie. Rien de plus dangereux que la plume, que les recueils de vers empoisonnés d’un Neruda que les critiques proposent à la vénération de l’avenir !


Nous prenons la responsabilité historique de brûler la littérature nocive.


Non seulement Marx, Engels, Lénine, mais Le pays des aveugles de Wells, Au feu ! Quai des brumes de Mac Orlan ; Thomas Mann, Tchekhov, au feu ! Non seulement Tchekhov mais Brecht, Sartre, Albee. Les livres sont les nouveaux ennemis de la junte militaire chilienne, tel est le titre d’une dépêche du New york times du 25 septembre 1973. D’orgueilleux militaires posèrent devant les caméras de la presse étrangère, en allumant des bûchers composés d’œuvres d’Agatha Christie, d’Arthur Conan Doyle et de John Kenneth Galbraith. Au fait ils n’ont pas de préjugés : deux auteurs policiers en compagnie d’un sociologue.

 

La junte militaire déclare :

 

«  On ne brûle pas de livres au Chili. Au Chili, on publie des livres de toutes les tendances idéologiques et le peuple a accès à toutes les œuvres de la littérature universelle, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays qui ont eu l’audace de calomnier le Chili. »

 

Les visages des militaires en train de brûler les livres expriment la félicité alors qu’ils jettent de nouveaux tomes au feu. Chaque livre en cendres est une victoire sur le mal, un triomphe de la patrie. La voix rauque de l’officier les encourage. Ils accélèrent en riant, détachent les volumes trop gros pour que la combustion, qui est un glorieux évènement se fasse bien. Attention, voici un livre très dangereux : Histoire du cubisme.


Ni Fidel ni le CHE  ne seront acceptés par l’armée, suprême rédempteur.

 

]….]

 

On couronne la grossièreté, le ridicule. On poursuit l’authentique. On impose les critères du superficiel, du mauvais goût. On lance l’offensive des marches militaires, de la déification du fascisme. L’authentique folklore est remplacé par les œuvres mercantiles.

Ce que disant Gabriela Mistral dans une lettre à Benjamin Carrion, au temps où elle-même souffrait des pressions d’une dictature militaire, s’est accompli :

 

«  Ni l’écrivain ni l’artiste ni le savant ni l’étudiant ne peuvent remplir leur fonction, qui est d’élargir les frontières de l’esprit, si sur eux pèse la menace des forces armées de l’état, gendarme qui prétend les diriger. Le travailleur intellectuel ne peut demeurer indifférent au sort des peuples, au droit qu’ils ont d’exprimer leurs doutes et leurs volontés. »

 

Volodia Teitelboim (homme politique et écrivain chilien, membre du comité central du parti communiste chilien)

 

La culture du Chili paru dans la revue EUROPE

 

 

 

 

Et puis, voici le dernier discours du président Allende

 


 

Travailleurs de mon pays :


Je crois au Chili et en son destin.


D’autres hommes dépasseront ce moment gris et amer où la trahison prétend s’imposer.

Continuez et sachez que le jour où ils ouvriront les larges avenues par où passe l’homme libre pour construire une société meilleure est plus proche que lointain.

 

Vive le Chili ! Vive le peuple !


Vivent les travailleurs !


Voici mes dernières paroles. J’ai la certitude que mon sacrifice ne sera pas vain.

J’ai la certitude qu’il sera au moins une leçon morale pour châtier la félonie, la couardise et la trahison.

 

Santiago, La Moneda, 11 septembre 1973

 

 

 

 

 

 

 

     

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Chili

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