Mexique : Le peuple Masewal

Publié le 31 Octobre 2023

Des femmes et des hommes libres, fiers de leur identité et de leur territoire, libres de penser et de créer de nouveaux modes d'organisation et d'honorer leurs divinités selon leurs croyances (le soleil, l'eau, le feu, la terre mère). Ainsi, depuis 1175, le peuple Masewal habite ce territoire ancestral, reproduisant sa culture de différentes manières.

https://www.jornada.com.mx/2023/05/20/delcampo/articulos/pueblo-masewal-yeknemilis.html

 

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Peuple autochtone du Mexique vivant dans l’état de Puebla dans la Sierra Norte.

Les municipalités sont :

Tlatlauquiltepec, Zacapoaxtla, Cuetzalan, Yaonahuac, Hueyapan, Nanzontla, Xochitlán, Yancuitlatpan. Elles sont toutes situées sur le territoire ancestral.

L’origine du peuple Masewal ou Nahua remonte à 1174 date à laquelle culmina la migration teochicimeca-tlaxcalteca qui donnera naissance au peuple Masewal.

Un nouvel altepetl (cité-état) est configuré dans la région citée ci-dessus portant le nom de Masewal.

Les Masewaltin formaient la classe majoritaire dans la société aztèque, celle des agriculteurs et des artisans.

Leur nom provient de maseawa = mériter.

Ils pouvaient bénéficier des dieux en faisant leurs propres sacrifices à ces dieux tutélaires ce que les esclaves ne pouvaient pas faire dans la société aztèque.

Ils possédaient des terres et des ressources communautaires et honoraient leurs dieux représentant les forces de la nature, la dualité des genres, le temps et les phénomènes naturels.

Sur le nom

Pour le peuple Masewal contemporain, le mot Masewal a une connotation etnico-culturelle sans référence à la classe sociale. Il s’oopose à Koyot (Koyomeh = étranger non autochtone).

Le mot masewaltahtol désigne la langue nahuat.

Mais traditionnellement, le mot masewal a un sens plus large pour désigner d’autres groupes indigènes « In Tutunako no masewalmeh (Les Totonaques sont aussi masewalmeh).

 

Le yeknemilis, la « bonne vie »

 

"En bref, je considère Yeknemilis comme une relation de nous-mêmes avec ce que nous avons autour de nous pour une vie stable et saine"

(Miguel Ángel Vázquez Diego, 2019).

 

En 2002, plusieurs promoteurs directeurs et conseillers de la coopérative Tosepan ont décidé de nommer un nouvelle organisation Yeknemilis AC. Ils récupèrent et réfléchissent au concept de yeknemilis qui, dans les premières traductions était utilisé pour désigner une « vie digne ».

Pour éviter toute confusion avec les usages développementalistes et clientélistes que l’état donne au mot dignité dans les discours avec lesquels il met en œuvre des programmes comme « plancher digne », « plafond digne », ils ont décidé que le mot yeknemilis signifiait « bonne vie ».

Ils ont réfléchi et mis en place dans les assemblées municipales leurs rêves de territoire pour les 40 prochaines années.

 

codex masewal

Comme leur propre système éducatif masewal vise à éduquer à l’exercice du yeknemilis à l’identité et à la solidarité communautaire, leurs principes se basent sur les savoirs locaux, les valeurs et l’amour de la nature dans un large respect des coutumes tout en les identifiant en tant que peuple autochtone et encourageant le travail coopératif. (1)

 

Terre sacrée

 

Pour les Masewal la terre est sacrée, Talokan est le lieu où vivent les seigneurs de la vie et où se trouvent les graines, les plantes, les animaux, l’eau et le feu. Le Tlaltipak est la petite terre qui englobe tout ce qui vit sur terre.

Si un projet minier était réalisé sur leur territoire (altepetl) le Talokan cesserait d’exister et tout ce qu’il contient comme la milpa (milah), la forêt ou la selva (kwohtah), la montagne (kwohtakilen), le pâturage (ixtawat), la plantation de café sous ombrage (kaffentah), les sites sacrés comme les grottes et les sources (amayalmeh et apameh) disparaîtraient. (1)

Cuetzalan est une municipalité nichée dans la Sierra nord-est de Puebla. Cette terre, riche en biodiversité, abrite également la plus grande coopérative indigène du Mexique : l'Union des coopératives Tosepan Titataniske (source image)

 

Le monde est brisé selon les Masewal

 

Pour les Masewal de Santa María Teptzintla dans la Sierra Norte de Puebla, le monde est brisé. Selon leur cosmovision, le cosmos a été fragmenté à l’origine par un dieu envieux qui a brisé les piliers reliant le ciel et la terre en 2. Les restes dudit acte étant les montagnes où ils vivent à présent. Pourtant, le monde est aujourd’hui confronté à de nouvelles formes de destruction - érosion, sécheresse, pauvreté économique qui sont diagnostiqués par le peuple Masewal comme sous-produits de l’activité humaine. Les paysans Masewal considèrent qu’ils avaient abandonné les esprits de la terre pour poursuivre des ambitions économiques et en raison de cette nouvelle vision du monde, même les anciens dieux peuvent devenir des victimes. La réponse du peuple Masewal a été de raviver cette relation avec les esprits dans l’espoir d’inverser ces conséquences et revenir à une mythologie renouvelée de l’interdépendance.

Selon leur ontologie, tous les êtres humaines (humains ou non) ne sont pas visibles à tout moment. Une grande partie de ce qui se passe dans le monde est considérée comme imperceptible et est réalisée par des forces invisibles appelées localement esprits.

Les esprits participent à l’environnement et aux activités humaines et leur influence est souvent déterminante.

Cette nature socialement inclusive accorde l’adhésion à des participants plus qu’humains permettant des négociations entre différents groupes car ils partagent tous en fin de compte des espaces sociaux-environnementaux interdépendants.

Certains Masewal se considèrent comme « responsables » de la surface de la terre et non des profondeurs ou du tlatitpak en tant que « locataires ». Ils parlent à leurs « partenaires » et à leurs compadres, les êtres souterrains invisibles qui cultivent et récoltent à leurs côtés. Les véritables « propriétaires » ou itekomej et les « hôtes » chanekej sont les êtres ancestraux non humains qui donnent vie à la terre et qui sont la force derrière la plupart de ses continuités et transformations.

D’être locataires et non propriétaires de la terre oblige les Masewal à être toujours attentifs parfois avec anxiété, car ils reconnaissent la préexistence de règles et de relations secrètes dans le monde.

 

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Danse Wewentiyo

Pour les Masewal de Santa María Tepetzintla, dans les hauts plateaux du nord de Puebla, les danses sont des façons de penser le monde. La danse du Wewentiyo ou des grands-pères présente un groupe de chasseurs ancestraux qui cherchent à obtenir le premier grain de maïs à l'intérieur de la montagne, afin de le défendre contre le Pesotl ou blaireau. Les chasseurs sont accompagnés par le Clown ou Tipewewe, le Propriétaire de la Colline, qui les aide, ainsi que le Kiritots ou Pic, dans leur quête. À la fin de la danse, les marionnettes représentant Tlaltikpak Tata et Tlaltikpak Nana, respectivement Terre Père et Terre Mère, célèbrent la récolte de maïs avec le reste des personnages. La danse se déroule autour du mantiado, une toile de couverture peinte de scènes représentant le monde des hautes terres, qui est placée autour du taro, un poteau de bambou qui représente à la fois la colline et la plante de maïs primordiale. La danse Wewentiyo montre l'origine du maïs et de l'agriculture comme le produit d'une négociation entre les hommes, les animaux et les esprits, qui se reconnaissent mutuellement comme habitants d'une même terre. À Tepetzintla, les danses sont actualisées pour expliquer des phénomènes contemporains, tels que des événements climatiques désastreux, des changements sociaux ou l'arrivée d'industries minières dans la région. (4)

 

La vie en nahuatl s’appelle yolia.

 

C’est un concept qui évoque les battements du cœur.

La vie ne peut être entretenue que par le travail continu de subsistance réciproque ou tlatkipandistl, une forme de soin mutuel exprimé par des visites, des offrandes de nourriture et des paroles respectueuses entre les maisons, les saints, les animaux et les esprits de l’environnement

Ces êtres ancestraux puissants entrent en contact avec les humains pendant les activités quotidiennes comme les rêves, la construction d’une maison, le travail de la milpa et créent un réseau de relations qui est en expansion croissante.

Economie

 

Historiquement, la grande majorité des activités productives des populations Masewal de la Sierra se sont concentrées sur l'agriculture traditionnelle milpera et la sylviculture, ainsi que sur les plantations de café dans les régions tempérées et de canne à sucre dans les basses terres, ainsi que sur le commerce régional et la fabrication de textiles. Cette population hétérogène, historiquement autochtone (Totonaku et Masewal) et multilingue des hauts plateaux est aujourd'hui engagée dans des activités économiques tout aussi diverses. Les Masewal se rendent régulièrement dans les villes du centre du pays en tant qu'ouvriers du bâtiment et émigrent même vers d'autres pays (principalement les États-Unis et le Canada) pour y travailler principalement comme ouvriers non qualifiés. Les Masewal ont également de nombreuses professions, allant des commerçants, chauffeurs et artisans, musiciens, charpentiers et mécaniciens, aux instituteurs, historiens, artistes visuels, designers, ingénieurs et anthropologues. Cependant, il est vrai que la majorité de la population Masewal dans les hautes terres perpétue diverses pratiques agricoles. Les raisons de cette persistance dépassent la sphère économique. Bien que la plantation de maïs, de haricots, de piments et de courges confère aux familles un certain degré d'autonomie alimentaire, elle conserve une qualité différente de toute autre activité productive, d'abord parce qu'elle inscrit les semeurs dans un monde de relations avec des cycles temporels et climatiques, marqués par des fêtes calendaires et liés aux processus de croissance des plantes et des animaux.(4) 

 

Procès contre les concessions minières

 

Après un long processus judiciaire, le 16 mars 2022, le Troisième Tribunal Collégial pour les Affaires Administratives du Sixième Circuit a annoncé sa résolution dans laquelle il a donné raison au peuple Masewal dans son procès contre les concessions minières Atexcaco I, Atexcaco II et Macuilquila, situés dans les municipalités de Tlatlauquitepec, Yaonáhuac et Cuetzalan del Progreso, état de Puebla, estimant que l'attribution desdites concessions violait leurs droits à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé, et a donc ordonné qu'elles soient rendues insubsistantes, c'est-à-dire annulées .

Cette décision constitue une étape fondamentale dans la protection des droits des communautés autochtones à l'information, à la participation à la prise de décision et au consentement préalable, en relation avec les droits de jouir d'un environnement sain et d'avoir accès à l'eau ; ainsi que dans la construction de ce que l'on appelle l'État multiculturel.

Face à la menace des activités extractives sur leur territoire, en septembre 2014, les communautés du peuple Masewal ont mandaté la défense et l'entretien de leur territoire ancestral au Conseil Masewal Altepetajpianij. Dans l'exercice de ce mandat, le Conseil a déposé, avec le soutien du Centre mexicain du droit de l'environnement (CEMDA), une action en amparo au printemps 2015, dans laquelle il a été soutenu que la loi minière violait leurs droits fondamentaux au territoire, à l'accès aux ressources naturelles gérées traditionnellement, ainsi qu'à leur droit à l'eau, en plus d'être inconstitutionnels pour contenir et développer une structure qui légitime la violence structurelle. (5)

Autres articles

Spécial Nous faisons ce dont nous rêvons. Wiki Katat : le rêve des télécommunications communautaires qui germe dans les montagnes du nord-est de Puebla

Sources

(1) https://www.jornada.com.mx/2023/05/20/delcampo/articulos/pueblo-masewal-yeknemilis.html

(2) Plan de vie  Rêvons les 40 prochaines années  https://patrimoniobiocultural.com/subidas/2022/06/PARTE-1-CO%CC%81DICE-MASEWAL-2022.pdf

(3) http://www.sanildefonso.org.mx/expos/kixpatla/territorios-37a-masewal-nahua.html

(4) Montañas en resistencia. Cosmopaisajes Masewal ante el cambio climatico y el extractivismo

(5) https://www.cemda.org.mx/pueblo-masewal-gana-lucha-en-contra-de-la-mineria/

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Mexique, #Peuples originaires

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