Filtres et colonialisme
Publié le 15 Juillet 2013
Sara Rosenberg
Traduit par Maurice Lecomte
Posté le 8 Juillet 2013 par “La pupilla insome [Les yeux ouverts]“ d’Iroel Sanchez
http://lapupilainsomne.wordpress.com/2013/07/08/filtros-y-colonialismo/
La langue est toujours surprenante. Ces jours-ci les médias occidentaux ont inventé le mot «filtreur» pour définir Snowden. Filtrage, un substantif masculin ; filtre – tamis - écumoire, selon le dictionnaire. Vous devez séparer pour mieux cacher, dit l'équarrisseur. Parce qu'une fois que le mot est installé de cette manière, il cache un fait essentiel: les États-Unis, - les entreprises monopolistes qui gouvernent les États-Unis-, épient même leurs alliés. Ou [plutôt], il serait plus juste de dire, ses laquais: les gouvernements de l’Europe qui reçoivent les miettes du banquet nécrophile impérial (l’adjectif nécrophile est peut être une tautologie). Mais il y a des banquets de vie tels que les énormes avancées sociales et vers le socialisme en Amérique latine. Et l'empire a déclenché une offensive brutale contre les peuples souverains.
Les espions ne me plaisent pas je ne ressens pas une dévotion spéciale pour les convertis, mais le cas de ce jeune espion converti a un intérêt spécial parce qu'il met à nue la zone obscure du contrôle et le travail manipulatoire si cher à l'empire. Nous savions déjà qu'ils espionnaient, mais cette nouvelle affaire apporte une preuve supplémentaire. Il apporte aussi quelque chose sur la zone obscure de la conscience du citoyen moyen européen, de ce qui se nomme "occident" et parfois "[monde] civilisé", [citoyen] censé être participant de la vie civile. Néanmoins, cette zone obscure, cette zone de croyance en des non-civilisés, est un relais des messages du maître. Il souffre de la maladie coloniale. L'ami Fanon disait, que le colonisé répète le message colonial, est traversé de cette idéologie, n'en est et n’en a pas même conscience. Et c'est ce qui arrive aujourd'hui en Europe.
Des millions de morts en témoignent. Morts dans les guerres coloniales passées et présentes, présentées comme croisades démocratiques. La Yougoslavie, l'Irak, l'Afghanistan, la Libye, la Syrie et la guerre éternelle contre la Palestine. Des guerres atroces dans lesquelles la conscience du "monde civilisé" n'a fait que s’enrouler sur elle-même par et dans son refus-acceptation. Les voix qui se sont tardivement élevées, des voix qui n'ont pas réussi à arrêter la machine létale de l'OTAN, en ce jour fatidique ou le peuple d’Espagne a voté par référendum son entrée dans le cercle de la criminalité pour assurer son adhésion à "l'Europe démocratique." Quelle honte.
Il existe de nombreuses preuves cumulatives et inoubliable comme le blocus criminel et illégitime de Cuba, l'assassinat du président libyen, les livraisons d’armes aux terroristes syriens, les différentes attaques en Amérique latine, les coups d'État civilo-militaires, Guantanamo, etc. etc La liste criminelle est immense. Et le contrôle informatisé de la CIA démontrant une fois de plus que l'appareil totalitaire du système capitaliste a besoin de contrôler ses stations relais que sont les citoyens de l'Occident dans un état critique. L'état du système révèle son effondrement possible, mais seulement dans la mesure où la volonté politique [des peuples] se réveillerait.
Et il est inquiétant de constater qu’après l'attentat de l'Empire contre le président de la Bolivie, les stations relais restent silencieuses. Non seulement les grands médias du système, qui remplissent évidemment leur fonction de désinformer, mais et c’est ce qu’il importe, la mise en évidence de la façon dont la conscience des citoyens européens reste toujours prise au piège de la conscience coloniale. [Ces citiyens] restent silencieux ou imbus d’eux-mêmes. Discutant de détails absurdes relatifs à la pureté ou l'impureté de tel ou tel processus de la démocratie dans un processus de transition au socialisme, mais pas dans la rue ou dans les réseaux, là où l’on peut revendiquer et exiger justice.
- En exerçant leurs droits démocratiques contre l’impunité de leurs gouvernements fantoches.
- En réclamant des actes concrets contre l'impunité des gangsters.
Le silence est complice et c'est la conscience colonialiste dont l'empire a besoin pour rester impuni. C’est maintenant, comme jamais, qu’il est nécessaire que les peuples des États-Unis et d'Europe se réveillent du sommeil colonial, tandis que les miettes chaque jour plus concises que l'empire lance aux laquais qui ont séquestré la démocratie au nom du droit financier et militaire ne sont seulement que telles :
- des miettes,
- pas une vie
- et moins encore une dignité de vivre par soi même.
Il n'est pas possible de continuer de regarder ces dictatures du capital comme si c'étaient des démocraties. Les dictatures du capital disposent de la complicité d'une masse d'esclaves, avec une masse effrayée par la crainte de perdre leurs conditions d'esclaves. Ceux qui contrôlent restent dans l'ombre pour mieux faire leurs affaires tout en invoquant une série de principes démocratiques qu'ils ne respectent jamais. Les technologies contemporaines ne varient uniquement que dans la manière d'épier, parce que l'empire a toujours espionné, contrôlé et déformé, pour assurer/garantir la confusion mentale nécessaire qui soutient son existence criminelle et illégitime. Ainsi le mot "filtreur" ne suggère/signifie qu’un renforcement de l'impunité. Ni la transparence, ni la démocratie, ne sauraient consentir à être espionnées, et la colère est seulement rhétorique, parce que l'Union Européenne recommence à tendre la main, mendiant au maître, pour signer l'Accord de libre-échange transatlantique et recevoir la paie de 119.000 millions d'euros pour son silence et sa complicité. Le cas du filtreur peut se comprendre comme un pas préalable, une preuve du degré de soumission qu’ils sont capables d'atteindre dans leur mafiocratie, avant que le déboursement ne s’opère. Ainsi le colonialisme fonctionne. Ainsi opère l'empire.
Et ce n'est pas un hasard si c’est un employé d’Aznar, une figure de l'extrême droite, amie de l'extrême-droite d’Amérique latine, un visiteur assidu du parti putschiste vénézuélien Primero Justicia, un membre de la Fondation pour l’Analyse et les Etudes Sociales (FAES) promotrice de coups antidémocratiques, l'ambassadeur de l'Espagne à Vienne, Carnero, (excusez la redondance de son nom), qui a été celui ayant essayé de "réquisitionner" l'avion du président de Bolivie à l'aéroport de Vienne, en violant tous les Codes. Le président Evo Morales ne l'a, bien sûr, pas laissé entrer dans l'avion. Ils ne pourront pas non plus, ni entrer ni tordre le cours de notre Amérique souveraine et anti-impérialiste.
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Evo: "Il est nécessaire de faire une demande internationale pour espionnage aux États-Unis"
Traduit par Maurice Lecomte
13 juillet 2013
Photo: Reuters.
Ce vendredi le président de la Bolivie Evo Morales, depuis le XLV Sommet du Mercosur, a abordé la question de l'espionnage que font les États-Unis sur certains pays d'Amérique latine, en marquant que ;
"si c'est nécessaire il faut faire une demande internationale aux Tribunaux des Etats-Unis pour espionnage de tous les pays du monde".
Evo a dit ;
"il n'est pas possible que nous soyons soumis, j'ai suggéré que nous organisions une commission juridique pour savoir quels droits des Etats-Unis sont violés avec l'espionnage".
"Nous devons travailler pour ne pas être technologiquement espionnés par le gouvernement Nord-américain", a t-il souligné.
Le président a également évoqué la violation qu’il a vécue dans l'aéroport européen, en disant ;
"mes ancêtres ont été soumis à l'extermination et moi à seulement à un blocage aérien, rien de plus, je ne suis pas en peine, je ne suis pas en colère, je ne suis pas amer non plus."
"Ces faits créent une conscience plus affutée de nos peuples, ces événements plutôt nous unissent, nous, tous les Latino-américains", a t-il asséné.
Il a par ailleurs affirmé qu’il se joignait au Mercosur pour résoudre les problèmes existants en Amérique latine.
" Notre plus grand intérêt est de répondre aux exigences de nos peuples. Le Mercosur doit donner une espérance à ceux qui habitent à la planète Terre avec tant de ressources naturelles", a-t-il affirmé.
De même il a déclaré:
"La Bolivie a été l'avant-dernier pays d'Amérique latine dans sa croissance économique, dans ses réserves internationales, dans l'extrême pauvreté, et dans peu de temps nous aurons une autre image".
Il a de plus pointé que ;
"dans le Mercosur les banquiers ne peuvent pas gouverner les gouvernements démocratiquement élus."
Allocution du général d’armée Raul Castro Ruz,
Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste cubain et président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, à la 1e Session ordinaire de la 8e Législature de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, au Palais des Conventions,
le 7 juillet 2013, « Année 55 de la Révolution »
http://www.granma.cu/frances/cuba-f/11jul-Nous%20devons.html
Extrait ;
« …hier nos députés ont lancé un appel à tous les parlementaires du monde et aux personnalités engagées en faveur de la justice, afin de réclamer aux autorités des États-Unis la libération et le retour immédiat de Gerardo, Ramon, Antonio et Fernando, qui, le 12 septembre prochain, auront purgé 15 ans d’une prison injuste.
Par ailleurs, nous saluons les paroles émues du héros de la République de Cuba, René Gonzalez, venu renforcer la lutte pour cette noble cause, une lutte que nous poursuivrons aussi longtemps que nos compatriotes ne seront pas de retour dans leur patrie.
Ce qui est nouveau et sans précédent, c’est la manière dont le contrôle médiatique et la censure ont été imposés pour détourner l’attention de l’essentiel, c’est-à-dire de l’énorme pouvoir du gouvernement nord-américain dans le contrôle massif des technologies de l’information et des moyens de communications, pour se focaliser sur la chasse internationale de l’auteur des révélations.
Forts de leur pouvoir médiatique international — supranational puisque ces moyens s’étendent au-delà des frontières des pays —, ils se concentrent maintenant sur la persécution internationale de ce jeune informaticien. Les menaces de sanctions économiques contre l’Équateur, et l’action concertée de plusieurs pays européens pour empêcher le survol de leur territoire à l’avion du président Evo Morales, prouvent que nous vivons dans un monde où les puissants se permettent de violer le droit international, de porter atteinte à la souveraineté des États, et de bafouer les droits des citoyens.
Face à cette philosophie de la domination, tous les pays du Sud sont et seront en danger.
Nous soutenons les revendications et les déclarations légitimes des présidents du Venezuela, de l’Équateur, d’Argentine, de Bolivie, du Nicaragua, du Brésil, d’Uruguay, ainsi que celles d’autres présidents latino-américains et caribéens.
Nous appelons à la mobilisation de l’opinion publique internationale pour dénoncer et condamner énergiquement et fermement les menaces portées contre l’Équateur, ainsi que l’outrage fait au président bolivien et à l’ensemble de Notre Amérique.
Nous soutenons le droit souverain de la République bolivarienne du Venezuela et de tous les États de la région à donner asile aux personnes persécutées pour leurs idéaux ou leurs luttes pour les droits démocratiques, conformément à notre tradition. De même, nous n’acceptons ni les interférences, ni les pressions d’aucun type. Comme l’a signalé le président Nicolas Maduro, on ne peut donner refuge et refuser l’extradition au Venezuela d’un terroriste international comme Posada Carriles, auteur, entre autres crimes, de l’explosion en plein vol d’un avion de Cubana de Aviacion avec 73 personnes à bord, et en même temps prétendre que cette nation sœur ne puisse exercer son droit légitime.
Nous sommes aujourd’hui le 7 juillet. Peu de jours nous séparent de la commémoration du 60e anniversaire de l’attaque des casernes Moncada et Carlos Manuel de Céspedes. Nous affrontons les nouveaux défis avec la même conviction et la même confiance inébranlable dans la victoire, que nous a inculquées le chef de la Révolution cubaine, Fidel Castro Ruz.
Merci beaucoup. (Applaudissements)
« ces faits nous unissent »
Natif d’Algérie, je suis ce qu’on appelle un pied-noir et plus particulièrement un colon dans la plus pure acception du terme, puisque mes parents étaient de petits agriculteurs il est vrai suffisamment pauvres pour que mon père travaille à temps plein comme ouvrier mécanicien chez un gros colon, tandis que ma mère gérait la ferme héritée de son arrière grand-père a qui une parcelle de terrain avait été attribuée. Il a été l’un des fondateurs en 1853 de la petite ville qui se trouvait à une trentaine de kilomètres de notre ferme. En Algérie, on désignait les français de France comme les métropolitains. Je vis en France depuis l’indépendance de l’Algérie et je pense avoir digéré cette affaire. Je me désigne comme colon. C’est un fait.
Il m’est assez souvent arrivé au cours de mon histoire post-Algérie de me dire en côtoyant mes compatriotes et en appréhendant leurs réactions/non réactions à certains évènements, que décidemment ;
« Bon Dieu ! Ils sont plus colons que moi qui en suit un ! »
Eh bien, c’est le cas en ce moment à propos de ce qui est arrivé au président Bolivien. Globalement, c’est comme si rien de notable s’était passé. C’est ce que dit entre autre cet article et il s’agit de la maladie coloniale. La première question à l’ordre du jour, celle qui conditionne tout le reste, est la reconquête de notre souveraineté qui ne peut être que nationale parce que c’est le seul cadre constituant [encore, car le processus européen en cours est en train de le détruire et c’est son but !] existant. C’est cette question qui est posée, et posée en préalable. Alors, comme l’a dit Evo Morales soit « ces faits nous unissent » et nous rejoignons ce « nous », soit nous sommes et serons serves. Tel est le choix, qui plus est, choix vital.
Notre devoir ;
- d’hommes respectueux d’eux-mêmes,
- de républicains
- et de révolutionnaires
est ;
- de nous déclarer solidaires de la dernière résolution des l’Organisation des Etats d’Amérique
- d’exiger des explications sur ce qui s’est passé
- de condamner avec la plus grande fermeté l’acte d’interdiction de vol à l’avion présidentiel bolivien. Il est gravissime et intolérable que la France ait pu violer la lettre et la pratique internationale en vigueur depuis la création de l’ONU.
- d’exiger réparation,
et une réparation digne du respect ;
- de la Bolivie et de la France, Nations Indépendantes et Souveraines,
- et de la Charte des Nations Unies pour le Maintien de la Paix dans le Monde.
N’est-ce pas aujourd’hui, en France, le 14 juillet ?
La servilité des satellites
L’affaire Snowden a été encore plus révélatrice sur l’Europe que sur les États-Unis.
Certes, les faits d’espionnage de la NSA sont importants. Mais beaucoup de gens se doutaient de quelque chose dans ce genre. Le refus de la France, de l’Italie et du Portugal d’autoriser l’avion privé du président de la Bolivie de traverser leur espace aérien sur le simple soupçon que Edward Snowden pouvait se trouver à bord est un peu plus étonnant.
Ensemble, toutes ces révélations confirment l’achèvement de la transformation des "démocraties occidentales" en quelque chose d’autre, une entité qui n’a pas encore reçu de nom.
L’outrage fait au président bolivien a confirmé que cette entité transatlantique n’a absolument aucun respect pour le droit international, même si ses dirigeants s’y référent lorsque cela leur convient. Mais respecter ce droit ou se laisser entraver par lui d’une manière quelconque ? Certainement pas.
Et ce mépris de la loi est lié à un changement institutionnel plus fondamental : la destruction de la démocratie réelle au niveau national. Aux Etats-Unis, cela a été accompli par le pouvoir de l’argent, où les candidats sont comparables aux chevaux de course appartenant à des milliardaires. En Europe, ce fut l’oeuvre de l’Union européenne, dont la bureaucratie a progressivement repris les fonctions économiques essentielles des Etats indépendants, délégant aux gouvernements nationaux la tâche de concocter d’énormes controverses autour des questions de vie privée, telles que le mariage, tandis que la politique socio-économique se voit dictée par la Commission européenne à Bruxelles.
Mais derrière cette Commission, et derrière le jeu électoral américain, se trouve le pouvoir anonyme identique qui dicte ses volontés à cette entité transatlantique : le capital financier.
Ce pouvoir devrait être officiellement étendu dans un proche avenir par la création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis. Cette évolution est le résultat de la soi-disant « construction européenne » qui depuis plusieurs décennies a transféré des compétences des Etats européens souverains à l’UE, qui à son tour va transférer ses pouvoirs à des institutions transatlantiques, le tout sous le contrôle décisif des « Marchés » - euphémisme pour désigner le capital financier.
Les citoyens ne sont informés de la dernière étape de ce processus de dé-démocratisation en cours que lorsque cette dernière est déjà bien engagée. Le résultat est un fossé toujours plus large entre d’un côté "la classe politique", qui comprend à la fois les hommes politiques et les médias de masse, et de l’autre côté la population en général. La principale tâche encore dévolue à la classe politique est de divertir la population avec l’illusion qu’elle vit toujours dans une démocratie, et que les représentants qu’elle élit agissent dans ses intérêts.
Lorsqu’un événement tel que l’affaire grotesque de l’avion présidentiel bolivien survient et expose la servilité des fonctionnaires du pays, on peut compter sur les grands médias pour le balayer sous le tapis. La télévision française a largement ignoré l’événement - une négligence facilitée par le récent soulèvement en Egypte. Un seul grand événement international par jour est considéré suffisant pour un public dont le régime « informationnel » de base est centré sur la météo, les sports et les crimes sexuels.
Pour mesurer l’ampleur de la reddition de l’indépendance française au cours des dernières décennies, on peut rappeler que dans les années 1970, le gouvernement de centre droit du Président Valéry Giscard d’Estaing avait facilement accordé l’asile aux Black Panthers fuyant les États-Unis. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur d’un gouvernement soi-disant de « centre gauche » exclut d’accorder l’asile à tout citoyen des États-Unis, au motif que les États-Unis sont un pays « ami », une « démocratie » avec un système judiciaire indépendant.
En Allemagne, la propagande anticommuniste ayant eu recours aux dénonciations constantes des indiscrétions de la Stasi pour enterrer tout souvenir des avantages perdus du régime est-allemand, comme le plein emploi, la garde des enfants et l’égalité sociale pour les femmes, les révélations sur l’espionnage de la NSA ne pouvaient être ignorées. Même les dirigeants politiques en Allemagne semblaient sincèrement indignés.
En France, les dirigeants politiques ont murmuré quelques vagues désapprobations et rapidement changé de sujet. Et dans le cas où on daignait mentionner cet incident, la ligne officielle était qu’il n’y avait pas lieu de faire un grand tapage à propos de pratiques que nous, les grandes puissances sophistiquées, connaissons de toute façon et pratiquons nous-mêmes.
L’auto-incrimination béate "nous aussi, nous le faisons" est une façon d’affirmer que la France est toujours une grande puissance malfaisante, et non un simple satellite des États-Unis.
Lors d’une interview télévisée hier, on a montré au ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius une vidéo du président Obama se référant à plusieurs reprises au président français François Hollande comme "président Houlon". Fabius a rapidement changé de sujet pour louer le rôle important de la France dans la promotion de la guerre en Syrie. Le fait que le président français est considéré comme tellement insignifiant qu’Obama n’a pas besoin de s’embêter à apprendre son nom ne méritait pas d’être relevé.
Le mépris d’Obama pour Hollande, le mépris de Hollande pour le Président de la Bolivie, illustrent bien ce nouvel ordre mondial gouverné non par des préoccupations humaines, mais par « les marchés ». Ce n’est pas que les marchés donnent des ordres directs sur ces sujets. Mais la réduction du gouvernement à la "gouvernance" dont la fonction principale est de faire taire la populace pendant que les institutions, les lois et les forces armées poursuivent la tâche de rendre le monde plus sûr pour les capitaux d’investissement afin de récolter le maximum de profits, rend l’humain hors jeu et la politique devient un exercice vide dans la conformité.
L’explication d’une telle reddition réside dans l’idéologie qui a dominé l’Europe, et peut-être surtout la France, au cours du dernier demi-siècle. Une interprétation particulière de l’histoire du milieu du XXe siècle a sapé la confiance dans la souveraineté populaire, accusée (à tort) de conduire au « totalitarisme ». Cette idéologie a préparé les élites à abdiquer en faveur des institutions techniques et des « marchés » qui semblent innocents de tout péché politique. La puissance du capital financier et de son champion américain est moins la cause que le résultat de cette abdication politique.
C’est la seule chose qui puisse expliquer la ruée extraordinaire des gouvernements européens à obéir au moindre caprice du maître américain, à la veille des négociations pour une zone de libre-échange transatlantique que les dirigeants européens vont présenter à leurs populations comme une compensation pour la destruction continue du modèle de protection sociale européenne. Les principes, la décence diplomatique, Edward Snowden, doivent tous être sacrifiés à cette dernière tentative désespérée de mettre l’Europe hors de la portée de l’influence de son peuple.
Quelques commentateurs sont allés jusqu’à suggérer qu’Edward Snowden serait une sorte de coup monté, soi-disant pour montrer aux gens que le gouvernement américain est tout-puissant. L’affront fait au président bolivien en est une illustration même plus frappante. Mais à long terme, la prise de conscience de la portée de ce pouvoir est la première étape vers la libération.
L’original en anglais de cet article a paru dans CounterPunch le 5 juillet 2013.
Source : Maurice Lecomte