Les énergies communautaires : un paradigme qui fait son chemin

Publié : 02/12/2023

Photo : Juan C. Albarracín

Diverses expériences communautaires dans la région montrent que la transition énergétique sera équitable si la production d’énergie est entre les mains des communautés. Au Brésil, en Colombie, à Cuba et au Venezuela, la population rurale promeut les installations photovoltaïques, les biodigesteurs, le reboisement et les pratiques agroécologiques pour dépasser le modèle basé sur la combustion de combustibles fossiles.

Les énergies communautaires : un paradigme qui fait son chemin en Amérique latine

Par Sergio Alvez

Tierra Viva, 2 décembre 2023.- Le concept « énergies communautaires » englobe une dimension politique qui représente une alternative au modèle énergétique capitaliste. Il s'appuie sur des expériences rurales de mise en œuvre de technologies et de connaissances qui, à partir d'organisations communautaires de base, se transforment en formations et processus associatifs pour la souveraineté énergétique. Ces types d'expériences complètent les projets d'agroécologie et relèvent les défis de la crise climatique et de la privatisation du secteur énergétique qui affectent de diverses manières les communautés paysannes et autochtones à travers le continent. 

Certaines des principales technologies qui composent l'univers des énergies communautaires sont les systèmes photovoltaïques (énergie solaire), les poêles à bois efficaces , la déshydratation solaire (utilisation du rayonnement solaire pour déshydrater les aliments), les biodigesteurs , le reboisement, les pratiques agroécologiques et la plantation d'eau (utilisation de eau de pluie). Le principe est que lorsqu’on parle d’énergie, la portée du terme ne doit pas se limiter uniquement à la production d’énergie ou de carburants .

Dans le cadre de la Première Rencontre Internationale des Énergies Communautaires, qui a eu lieu récemment à Bogota, en Colombie, la coordinatrice du Mouvement des Personnes Affectées par les Barrages (MAR), Sonia Mara Marinho, a observé que « le défi que nous avons est de transformer la matrice énergétique avec une transition juste , avec un contrôle populaire et prenant en compte les droits des populations affectées par le modèle énergétique actuel. « Cette première rencontre internationale met en avant les processus de construction communautaire, d'un projet énergétique populaire », souligne-t-elle.

Juan Pablo Soler, membre de l'organisation colombienne Semer des communautés de territoires, d'eaux et d'autonomies (SETAA) et membre du MAR, a expliqué que « l'énergie communautaire devient la réponse à beaucoup de pressions que le capitalisme exerce sur nous , et lorsque nous parlons d'énergies communautaires, nous faisons référence à des projets renouvelables, propres et efficaces. Beaucoup d’entre eux sont issus de pratiques ancestrales que les communautés ont adaptées à leur contexte.

Et d'ajouter que "la transition énergétique équitable ne se produira que dans la mesure où les organisations sociales de tous les territoires, et les autres acteurs de la société, agissent en accord avec les défis climatiques".

Expérience de l'énergie photovoltaïque. Photo : Juan C. Albarracín

160 délégués de base ont participé à la rencontre et dans des espaces d'échange, d'exposition et de débat, ils ont pu montrer les expériences concrètes de chaque organisation et appliquées aux communautés rurales, éducatives et même urbaines, dans différents coins de l'Amérique latine.

Les énergies communautaires sur le territoire

« Énergie communautaire pour une transition énergétique juste » est une proposition globale née en Colombie et qui s'est étendue ces dernières années à d'autres pays d'Amérique latine, sur la base d'initiatives promues par les organisations colombiennes CENSAT Agua Viva et le Mouvement Ríos Vivos . Les expériences accumulées ces dernières années se multiplient. Chacune a des caractéristiques uniques, puisqu’elles visent à apporter des solutions dans des territoires et des contextes spécifiques.

 À Bajo Sinú, l'une des sept sous-régions du département colombien de Córdoba, un projet réalisé par l'Association des pêcheurs, paysans, indigènes et afro-descendants pour le développement communautaire de la Ciénaga Grande del Bajo Sinú (Asprocig) est en cours depuis 2021. Il se compose de 35 systèmes d'oxygénation, utilisant l'énergie solaire, pour la production d'engrais organiques à partir de déchets agricoles. Le système augmente le volume de production d'engrais organiques de 108,67 pour cent (163 tonnes produites), bénéficiant à 420 familles. Le système a ainsi réussi à impacter positivement plus de cent mille hectares de systèmes agrosylvopastoraux.

Mileyda Correa Tapia, bénéficiaire et membre du conseil d'administration d'Asprocig, a déclaré : « Des panneaux solaires ont été installés qui ont permis le remplacement des installations diesel pour améliorer les systèmes d'oxygénation des unités de pisciculture ; Cela s’est traduit par une économie de près de 95 pour cent de la consommation d’énergie et une augmentation de la production de systèmes communautaires et familiaux.

Photo : MAR Presse

Concernant le sens de la transition énergétique, elle réfléchi : « On pense souvent que la transition vers des modes de vie à faibles émissions de carbone représente une dépense, mais cela montre le contraire :  des familles qui consomment de l'énergie durable, qui améliorent leur productivité et qui sont conscientes des combat que nous devons mener contre le changement climatique .

Au Brésil, entre-temps, l'un des projets énergétiques communautaires les plus importants est celui promu par le Mouvement des personnes affectées par les barrages (MAB, pour son acronyme en portugais), une organisation qui défend les droits des communautés touchées par les grands barrages hydroélectriques. depuis 1970, proposant un modèle énergétique populaire. Depuis mars, le projet est géré par le groupe Vereda Sol y Lares dans l'État de Mina Gerais et est considéré comme la première expérience de gestion collective de l'énergie électrique en Amérique latine.

Il s'agit de la centrale photovoltaïque flottante installée dans la petite centrale hydroélectrique (PSH) de Santa Marta, à Grão Mogol, au nord du Minas Gerais. Il a une capacité de production de 1,2 mégawatts, soit une production suffisante pour desservir 1 250 familles.

« En plus de son potentiel d'innovation, en optimisant deux sources de production d'énergie électrique dans une seule entreprise, la proposition de gestion et de distribution de la production de l'usine est sans précédent en Amérique latine. En effet, la production générée par les 3 070 modules solaires sera gérée par une association composée de familles du territoire où se situe le projet. La proposition est le résultat d'une construction collective, développée sur cinq ans », souligne-t-on au MAB.

Une rencontre pour renforcer la transition énergétique juste

De retour à la Première Rencontre Internationale des Énergies Communautaires, Marilin Peña, membre du  Centre Mémorial Martin Luther King de Cuba, a souligné l'importance de l'événement : « Nous apportons les leçons que Cuba a en matière de transition énergétique, autour de tout ce qui a été fait dans le cadre de la Révolution, pour pouvoir réaliser l'énergie comme un droit du peuple ; sans nier les énormes défis auxquels nous sommes confrontés en ce moment. Il est essentiel d’avoir des énergies communautaires pour apporter aux populations et aux familles ce qui est nécessaire au développement et à la vie quotidienne.

De son côté, Andrés Gómez, membre du Censat Agua Viva, a souligné la nécessité de renforcer « la formation et l'apprentissage, c'est-à-dire d'approfondir l'éducation à la fois sur la transition énergétique équitable et sur les énergies communautaires ».

Expérience de biodigesteur. Photo : Juan C. Albarracín

Liss Lares, coordinatrice du projet d'écotourisme Todosana Orgánica, du Venezuela, a souligné : « Le chemin vers une transition énergétique juste et durable doit être basé sur le travail communautaire et l'intégration d'expériences et de connaissances diverses . Nous devons penser à l'intégralité des énergies communautaires, en comprenant que l'énergie n'est pas seulement l'électricité, c'est aussi la biomasse, c'est aussi la nourriture et tout ce qui permet d'ajouter de la valeur à la production et à la qualité de vie.

La réunion internationale a marqué une étape importante et a encore élargi la volonté des organisations qui ont soutenu ces expériences, renforçant le dialogue et la recherche de consensus avec les États, le monde universitaire et d'autres domaines. Des organisations de 15 pays d'Amérique latine se sont réunies du 18 au 20 septembre à Bogota.

Pendant trois jours, elles ont montré la portée de ce type d'expériences, basées sur une foire et un programme qui, en plus de présentations et de débats, comprenait la participation d'une délégation internationale du Mouvement des Personnes Affectées par les Barrages en Amérique Latine. Dans ce cadre, une audience publique a également eu lieu au Congrès de la République , dont l'axe thématique central était la feuille de route pour la transition énergétique juste en Colombie.

Photo : MAR Presse

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Source : Publié par l'agence de presse Tierra Viva et reproduit dans le respect de ses conditions : https://agenciatierraviva.com.ar/energias-comunitarias-un-paradigma-que-se-abre-paso-en-latinoamerica/

traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 02/12/2023

Energías Comunitarias: un paradigma que se abre paso

Diversas experiencias comunitarias de la región muestran que la transición energética será justa si la producción de energía está en manos de las comunidades. En Brasil, Colombia, Cuba y Ven...

https://servindi.org/actualidad-reportaje/02/12/2023/energias-comunitarias-un-paradigma-que-se-abre-paso