Equateur : Le peuple Sapara gagne une action de protection contre le ministère de l'Agriculture et de l'Elevage

Publié le 20 Octobre 2021

La nation Sapara gagne un procès contre l'État équatorien.

Par Alessia Marucci

19 octobre 2021 - À 22 heures, dans la nuit du 18 octobre, au Conseil du Pouvoir Judiciaire de la Province de Pastaza, a été prononcée une sentence qui, en raison de la gravité des droits collectifs violés, est déjà définie comme " historique ".

Après deux jours d'audience, la juge Laura Cabrera a accepté la demande de protection déposée par la Nation Sapara de l'Équateur (NASE) et le bureau du médiateur de Pastaza contre le ministère de l'agriculture et de l'élevage (MAG), pour avoir violé les droits collectifs de ce peuple autochtone de l'Amazonie équatorienne.

"Nous savions que nous allions gagner, cela n'a pas été facile et notre lutte ne va pas s'arrêter. Nous continuerons à résister pour la défense de notre territoire et de notre culture", tels sont les mots de Nema Grefa, présidente de NASE, l'organisation qui représente les 23 communautés du territoire.

Le territoire contesté

Le peuple Sapara s'est historiquement déplacé dans une vaste région de l'Amazone, entre le rio Pastaza et le rio Napo, depuis les contreforts des Andes jusqu'au rio Marañon au Pérou. Déclaré par l'Unesco comme "patrimoine culturel immatériel de l'humanité", le peuple Sapara, ainsi que son territoire de vie, ont aujourd'hui été considérablement réduits. 

Comme le rappelle Nema Grefa, "malgré toutes les pressions et interférences, nous vivons, préservons et protégeons aujourd'hui un territoire de plus de 370 000 hectares au cœur de l'Amazonie équatorienne, libre de toute activité extractive". 


Avec l'historique "Marche pour la vie et la terre" de 1992, les nationalités amazoniennes de la province de Pastaza ont exigé du président Borja la reconnaissance de leurs territoires ancestraux et 251 503 hectares ont été attribués au peuple Sapara.

Au fil des ans, à mesure que le nom de l'organisation représentant la nationalité changeait, les institutions gouvernementales changeaient le nom du propriétaire du bien. 

En 2020, ce titre est passé entre de mauvaises mains. Sans consulter la NASE et sans communiquer avec elle, le sous-secrétaire des terres rurales et des territoires ancestraux, une entité du MAG, accepte la demande de l'"Asociación Ancestral Sapara de Pastaza-Ecuador Naruka" et cède, par une simple résolution, 70% du territoire de la nation Sapara. 

Retirer un territoire à un peuple "en voie d'extinction" signifie un ethnocide.

"Je vis dans le territoire, je vis avec la forêt. Nous n'aurions jamais pu imaginer que notre territoire ne serait plus le nôtre. Nos grands-parents ont marché dans ces forêts. Il semble qu'ils nous aient enlevé la moitié de notre cœur", tels sont les mots durs de Maria Ushigua, leader Sapara. 


La XIe ronda sur Oriente

Selon Nema Grefa, les intérêts de l'association Naruka sont clairs. "Ils veulent bénéficier des incitations du programme Socio Bosque et autoriser l'exploitation pétrolière dans notre forêt.

En novembre 2011, le XIe cycle pétrolier a ouvert l'appel d'offres pour 21 blocs pour l'exploration et l'exploitation du pétrole dans la région amazonienne équatorienne. Le cycle couvrait 3,6 millions d'hectares dans les provinces de Pastaza, Morona Santiago, Napo et Orellana et incorporait les territoires de 7 nationalités autochtones (Sapara, Shiwiar, Achuar, Shuar, Andoa, Kichwa et Waorani).

L'ensemble du territoire Sapara est inclus dans 7 de ces blocs.

Les entreprises n'ont pas répondu avec enthousiasme à l'appel d'offres de la Ronda Sur Oriente. En 2016, le gouvernement de Rafael Correa est parvenu à signer deux contrats d'exploration et d'exploitation des blocs 79 et 83 avec le consortium chinois Andes Petroleum. Ces blocs sont situés au cœur du territoire Sapara et chevauchent la portion de territoire prise par le MAG et remise à l'association Naruka.

Naruka et les intérêts pétroliers

L'actuel président de l'association Naruka était en charge de la vice-présidence de Nase pendant les années les plus conflictuelles que le peuple Sapara ait connues. 

En 2012, ce conseil a donné le feu vert à l'exploitation pétrolière sur le territoire. 

"Ces mêmes personnes ont permis aux institutions chargées de la consultation préalable de la ronda sur oriente d'entrer malgré la décision des communautés qui ont toujours rejeté et rejetteront toujours l'exploitation pétrolière sur notre territoire", rappelle Gloria Ushigua, leader Sapara et défenseur des droits collectifs de son peuple. 

Plutôt qu'un processus de consultation, il s'agissait d'un "simple processus de socialisation inadéquat "qui ne respectait pas les normes des garanties constitutionnelles et internationales du droit au consentement libre, préalable et éclairé. 

La même année, cette directive a signé quatre "accords d'investissement social" d'un million de dollars avec le ministère des hydrocarbures, au mépris total des communautés de base et, une fois de plus, sans leur consentement. 

Une dépossession brutale

Avec l'arrivée du nouveau président de la République de l'Équateur, Guillermo Lasso, la matrice productive de l'Équateur basée sur l'extractivisme se confirme une fois de plus. Avec les décrets exécutifs 95 et 151, l'expansion redoutée de la frontière extractive devient à nouveau une réalité avec la mise en œuvre de plans d'action dans les politiques des secteurs pétrolier et minier en Équateur. 

En août, Lasso a repris la proposition de la Coalición Petrolera Energética de doubler la production de pétrole en cinq ans. 

Dans son "Portefeuille de projets pour atteindre l'objectif d'un million de barils moyens par jour", la Coalition détaille les projets pétroliers nouveaux ou à optimiser. 

Il fait spécifiquement référence à un certain nombre de blocs et de champs à développer et à optimiser en cinq ans. 

Selon Alexandra Almeida, de l'organisation Acción Ecológica, "la pression sur le territoire Sapara va être très forte. Encore plus lorsque l'État cède déjà le territoire à une association pro-pétrole".

Et elle poursuit son analyse : " Si l'on considère l'objectif que s'est fixé le président Lasso de doubler la production de pétrole, il est évident qu'il regarde aussi le territoire de Sapara. Le territoire est menacé depuis les années 1990 et la population a fait preuve d'une résistance totale".

Force majeure ou résistance Sapara

En mars 2018, la société Andes Petroleum, invoquant " l'opposition radicale des communautés installées dans les blocs 79 et 83 à tout type d'activité d'hydrocarbures ", a demandé la cause de force majeure pour non-respect des clauses prévues dans les contrats. 

"En analysant la pétition de force majeure, on comprend que Nema Grefa, son conseil d'administration et les communautés de base sont le problème, l'obstacle à l'exploitation. En fait, l'État ne voulait pas accorder la nomination à l'actuel conseil d'administration avant qu'il ne gagne une action de protection en 2018", assure Alexandra Almeida.

Action en justice 

Le 31 août, Nase et le bureau du médiateur de Pastaza ont déposé une action en protection contre le MAG pour violation du droit à la consultation et au consentement, des droits collectifs et du droit à l'intégrité culturelle du peuple Sapara. 

Tout au long de la procédure judiciaire, les autres peuples amazoniens ont été solidaires de la nation Sapara, l'accompagnant dans les différentes mobilisations et actions qui ont eu lieu non seulement dans la province de Pastaza, mais aussi à Quito et à Guayaquil.
Au milieu des célébrations de la victoire de l'affaire, Gloria Ushigua regarde une carte qui est un réseau de lignes représentant des blocs pétroliers, des territoires indigènes et des frontières. "Le vieux rêve serait un territoire global, sans frontières, entre tous les Amazoniens. Nous avons marché partout. Nous devions seulement respecter les limites de l'espace et les cycles du temps. Mais maintenant, nous, les indigènes, nous connaissons l'argent. Et ces lignes peuvent aussi représenter beaucoup d'argent. Les luttes des peuples sans frontières seraient plus fortes. L'Amazonie est une, et nous sommes ses habitants et ses gardiens.

Plus d'infos  www.resistenciasapara.org

traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 19/10/2021

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