Pérou : La dimension environnementale dans les plans gouvernementaux 2021-26

Publié le 19 Mars 2021

Nous partageons un examen des plans gouvernementaux de Acción Popular (AP), Victoria Nacional (VN), Renovación Popular (RP), Juntos por el Perú (JP) et Fuerza Popular (FP) dans sept domaines prioritaires : l'eau, les sols, la biodiversité et les écosystèmes, la pollution, l'institutionnalisme, le changement climatique et les forêts. L'analyse est de Beatriz Salazar du Centre péruvien d'études sociales (CEPES).

Par Beatriz Salazar*

16 mars 2021 - Le Pérou traverse une crise environnementale qui risque de compromettre la viabilité du pays. Au Pérou, on compte 17,6 millions d'hectares d'écosystèmes dégradés, 535 espèces sont menacées, 2 284 889 hectares de forêts ont été perdus entre 2001 et 2018, le passif environnemental minier s'élevait à 8 791 en 2018, et en 2019, 263 millions de m3 d'eaux usées ont été rejetés sans traitement (1). 

Que proposent les candidats à la présidence pour remédier à cette situation critique ? 

Nous avons examiné les plans gouvernementaux de

  • Acción Popular (AP) Action Populaire
  • Victoria Nacional (VN), Victoire Nationale
  • Renovación Popular (RP), Rénovation Populaire
  • Juntos por el Perú (JP) Ensemble pour le Pérou
  • Fuerza Popular (FP) Force Populaire sur sept questions prioritaires : l'eau, les sols, la biodiversité et les écosystèmes, la pollution, l'institutionnalisme, le changement climatique et les forêts. 

Eau

La disponibilité actuelle et future de l'eau est menacée. La surface des glaciers a été réduite de 51,1% depuis 1962. 50 % des ressources en eau ne répondent pas à une ou plusieurs normes de qualité et 7,5 millions de personnes consomment une eau potable de qualité insuffisante. (2)

Face à ce problème, les propositions envisagent le renforcement des bassins hydrographiques avec des mesures telles que la plantation et la récolte d'eau (FP, VN), la récupération des écosystèmes aquatiques et la rétribution des services environnementaux (AP), un réseau de surveillance et de contrôle des bassins hydrographiques et des sources d'eau naturelles (JP) ou l'amélioration du cadre institutionnel pour une gestion technique efficace des bassins (RP).

Tout ceci nous semble positif, mais ces mesures devraient avoir une vision territoriale basée sur des accords entre les utilisateurs de l'eau dans les bassins, sous-bassins et micro-bassins, encadrés dans des processus de planification de l'utilisation des terres (3) qui sont seulement mentionnés par le JP et le PA. Ils exigent également des informations sur la diminution de la quantité ou l'altération de la qualité de l'eau dans tout le pays, ce qui n'a été prévu que par JP.

Il existe également des propositions restrictives et sanctionnantes telles que la lutte contre la surexploitation (AP, VN), le zonage de la production en fonction de l'empreinte hydrique (VN) ou la pénalisation des transgresseurs (RP). Mais le succès de ces propositions dépend de la volonté politique de donner la priorité à la durabilité avant de promouvoir les investissements, notamment dans l'agro-exportation sur la côte où les aquifères sont surexploités. En ce sens, il est préoccupant que le RP propose l'irrigation des zones désertiques.

De même, il est proposé de créer une autorité de bassin et le renforcement du Conseil national de l'eau (RP), ainsi que des procédures administratives simplifiées pour les autorisations d'utilisation de l'eau (FP), qui doivent être évaluées avec soin car toutes les exigences que l'État demande pour accorder des autorisations ne sont pas superflues, certaines sont nécessaires pour sauvegarder la durabilité des ressources en eau.

Sols

Le Pérou compte 3,9 millions d'hectares désertifiés et 30,5 millions d'hectares en voie de désertification. (4) Cependant, le problème des sols ne retient pas l'attention des candidats. Seul VN propose des mesures concrètes avec des programmes de stabilisation des sols dans les parties supérieures des bassins et de l'agroforesterie pour récupérer les sols dégradés et empêcher la salinisation des sols due aux rejets d'eau intenses. 

Les plans gouvernementaux doivent tenir compte du fait que les propositions visant à lutter contre la salinisation et la dégradation sont liées aux politiques d'expansion de la frontière agricole, en particulier sur la côte où la mise en œuvre de grands projets d'irrigation a favorisé l'utilisation excessive d'eau pour l'irrigation, provoquant la salinisation des sols. L'utilisation massive de produits agrochimiques a également contribué à la contamination des sols agricoles. L'objectif de réduction de la dégradation des sols ne sera pas atteint si ces facteurs ne sont pas traités de manière globale. Il est également nécessaire de disposer d'informations au niveau national sur la détérioration physique et chimique des sols, qui n'est pas non plus prise en compte dans les plans gouvernementaux. (5)

Il est nécessaire de disposer d'informations au niveau national sur la détérioration physique et chimique du sol, qui n'est pas non plus prise en compte dans les plans gouvernementaux. 

Biodiversité et écosystèmes

On estime que 15,7 millions d'hectares d'écosystèmes situés en dehors des zones naturelles protégées (ZNP) sont dégradés au niveau national. (6) Les écosystèmes terrestres sont menacés par la déforestation, l'expansion de la frontière agricole, l'élevage du bétail, l'urbanisation et les grands projets d'infrastructure, ainsi que par la surexploitation de la flore et de la faune. (7)

Que proposent les candidats à cet égard ? VN propose de reconnaître les zones d'agrobiodiversité et les agriculteurs conservationnistes et d'élever le niveau de résilience de chaque écosystème. JP propose de promouvoir la protection des vallées et des écosystèmes fragiles dans les territoires urbanisés, notamment les collines et la restauration des écosystèmes. RP propose une agriculture sans OGM, évite la dégradation des écosystèmes, arrête la destruction et le trafic illégal de la diversité biologique et place le Pérou comme une puissance dans l'application de sa biodiversité. PA fait une mention générale de la protection des écosystèmes et de la mise à profit de la mégadiversité en harmonie avec l'environnement.

Mais pour que les propositions ne restent pas de bonnes intentions, il est nécessaire de disposer d'études spécialisées sur les facteurs qui affectent la santé des écosystèmes. Il est également nécessaire d'endiguer les facteurs de dégradation, tels que la surexploitation des ressources, le changement d'affectation des sols, la pollution et l'introduction d'espèces exotiques. De même, des mesures - de préférence des infrastructures naturelles - sont nécessaires pour rétablir la qualité de l'eau, du sol et de la biodiversité, ainsi que le renforcement des capacités aux trois niveaux de gouvernement et des actions de suivi.

De même, il est recommandé de créer de nouvelles zones naturelles protégées (ZNP) qui constituent un échantillon représentatif des écosystèmes du pays, respectant ainsi les engagements internationaux tels que la Convention sur la diversité biologique et les objectifs d'Aichi. Un pas en avant serait la création de la réserve nationale de la mer tropicale du Grau, qui ne s'est pas encore concrétisée en raison de l'opposition de secteurs qui craignent que l'exploitation pétrolière soit entravée si l'ANP est créée. Il est également nécessaire que les ANP constitués fassent l'objet d'une surveillance et d'un contrôle adéquats. En 2019, 95,71 % des hectares totaux d'ANP présentaient une surveillance et un contrôle inadéquats. (8)

Pollution

Selon le Minem, en janvier 2020, il y avait 8 448 passifs environnementaux liés aux mines et 3 389 liés aux hydrocarbures. Mais la pollution ne se limite pas à l'exploitation minière. Selon une étude de 2013, environ 13 300 personnes sont mortes au Pérou en raison de problèmes de santé liés à l'environnement.(9) Les activités industrielles et agricoles, entre autres, polluent également.

La plupart des plans gouvernementaux abordent cette question. JP propose d'assainir les passifs environnementaux qui présentent le plus grand risque pour la santé des gens. RP propose une modernisation de l'exploitation minière dans le respect de l'environnement et compatible avec l'agriculture. VP propose un "Plan national pour la réduction de la contamination atmosphérique", PR propose d'atténuer l'impact des déchets solides et liquides de la pêche.

Toutefois, les mesures isolées ne suffiront pas à endiguer la pollution. Une approche globale sera nécessaire, comprenant la création d'incitations et de sanctions pour faciliter le respect des limites maximales admissibles et des normes de qualité environnementale, ainsi que l'allocation d'un budget plus important au contrôle environnemental. 

Cadre institutionnel

Les institutions environnementales sont confrontées à des problèmes qui limitent leur efficacité. Le transfert de compétences aux gouvernements régionaux et locaux a eu des résultats inégaux. (10) Les entités du système national de gestion de l'environnement sont confrontées à une systématisation et une centralisation déficientes et à des lacunes dans la qualité de l'information environnementale et dans l'avancement des politiques environnementales, ce qui entrave le suivi. (11)

Dans ce contexte, les plans du gouvernement proposent de créer ou de développer les facultés des entités ayant des fonctions environnementales, comme la création du vice-ministère du développement forestier et de la biodiversité du MIDAGRI (VN) ; de renforcer le MINAM, l'OEFA et le système national d'évaluation de l'impact environnemental. Intégrer également l'évaluation environnementale stratégique (JP) ; ou débattre de l'affectation de la SERFOR et de l'ANA à la MINAM (JP).

Nous considérons qu'avant de créer de nouvelles entités, il est nécessaire d'accroître les capacités du ministère de l'environnement à exercer le rôle de direction de la politique environnementale, et de renforcer les capacités des entités environnementales infranationales.

Changement climatique

Depuis 2018, 81 % des urgences du premier semestre sont dues à des phénomènes climatiques. En 2017, les pertes économiques dues aux inondations se sont élevées à 3 milliards de dollars américains. En 2019, plus de 1,7 million de personnes vivaient dans des zones à risque élevé ou très élevé de gel et de froid.

Tous les plans gouvernementaux proposent des solutions pour atténuer le changement climatique basées sur la promotion des énergies renouvelables, l'économie circulaire, la conservation et la séquestration du carbone dans les forêts, les transports "propres" et la reforestation. Mais seul VN mentionne les contributions déterminées au niveau national qui constituent l'engagement du Pérou à lutter contre le changement climatique dans le cadre de l'accord de Paris, ou la stratégie nationale sur le changement climatique. Il propose même la création d'un vice-ministère du changement climatique et de la désertification. Seul JP mentionne l'intégration de cette question dans les plans subnationaux. Si les mesures visant à lutter contre le changement climatique ne sont pas articulées dans une politique nationale impliquant tous les secteurs et niveaux de gouvernement, les résultats seront insatisfaisants.

Forêts

La déforestation - en particulier en Amazonie - liée à l'agriculture, à l'exploitation forestière, à l'exploitation minière et à la construction de routes constitue le principal secteur d'émissions de gaz à effet de serre (12) et contribue à la perte de biodiversité.

La plupart des propositions sont orientées vers des investissements dans le boisement et le reboisement (RP, FP, VN, JP), certains dans de grandes extensions (RP, VN) avec la création d'un programme massif de semis et de pépinières forestières (FP). D'autres partis favorisent la gestion communautaire des forêts et la participation des communautés à un système national de surveillance des forêts (JP), la création de clusters ou de réseaux pour le reboisement et la valeur ajoutée (VN) ou l'interdiction ou la limitation des monocultures (VN, JP). Un autre point commun est la lutte contre l'exploitation illégale des forêts, et il existe des propositions de changements institutionnels, comme la création d'une autorité forestière.

Cependant, la plupart de ces propositions entrent en conflit avec les politiques d'incitation aux investissements qui ont affaibli le secteur de l'environnement. Et l'accent mis par de nombreux plans du gouvernement sur la promotion de grandes plantations forestières, qui ne peuvent être assimilées à des forêts naturelles et pourraient finir par constituer une menace pour la biodiversité, est inquiétant.

En résumé, les plans qui nous semblent les plus complets, bien que présentant certaines lacunes, sont ceux de Juntos por el Perú et de Victoria Nacional, qui proposent des mesures plus développées ; tandis que Fuerza Popular, Acción Popular et Renovación Popular tendent à signaler leurs intentions plutôt qu'à avancer des propositions concrètes.

Les candidats à la présidence de la République doivent garder à l'esprit que le développement du pays ne peut se faire au détriment de la durabilité environnementale. Le modèle actuel de développement fondé sur l'exploitation des ressources naturelles et les grands investissements privés doit reconnaître les externalités négatives qu'il génère et les politiques publiques doivent viser à rendre le progrès économique compatible avec la protection de l'environnement.

* Beatriz Salazar est responsable du programme sur le changement climatique au Centre péruvien d'études sociales (CEPES).

Notes

(1) INEI (2020). “Perú. Anuario de estadísticas ambientales 2020”. Lima. https://www.inei.gob.pe/media/MenuRecursivo/publicaciones_digitales/Est/Lib1760/libro.pdf

(2) MINAM (2020b) “Diagnósticos de la situación de las brechas de infraestructura o de acceso a bienes/servicios”. https://www.minam.gob.pe/oficina-general-de-planeamiento-y-presupuesto/wp-content/uploads/sites/139/2019/04/Diagnostico-de-la-situacion-de-brechasSector-Ambiente.pdf

(3) MINAGRI (2016) “Rumbo a un Programa Nacional de Siembra y Cosecha de Agua, del Ministerio de Agricultura y Riego” 

(4) CEPLAN (2011) “Plan Bicentenario: el Perú hacia el 2021”. file:///C:/Users/Beatriz/Desktop/Planes%20de%20gobierno/plan_bicentenario_ceplan_index.pdf  

(5) MINAM (2020b) op. cit.

(6) MEF, MINAM (2020) Formulación de proyectos de inversión de servicios ecosistémicos en regulación hídrica”.

(7) OCDE (2016) “Evaluaciones del desempeño ambiental PERÚ. Aspectos destacados y recomendaciones”.

(8) MINAM (2020b) op.cit.

(9) MINAM (2020b) op cit.

(10) OCDE-CEPAL (2016)  op. cit.

(11) Lanegra, Ivan. (2021) op. cit.

(12) Lanegra, Ivan (2021) op. cit.

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source https://cepes.org.pe/2021/03/16/dimension-ambiental-en-los-planes-de-gobierno-2021-26/

 

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 18/03/2021

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Pérou, #PACHAMAMA, #PolitiqueS, #Environnement

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