L'origine du calebassier ( légende Aztèque)

Publié le 20 Avril 2019

 

Recueillie par C.V. Hartman 

Les sorciers s'approchent des habitations pendant la nuit sous forme de chiens, de porcs, de chats ou de hiboux, pour attirer les femmes et les enlever. Les femmes connaissent une foule de ruses et d'artifices dont les hommes n'ont point idée. Les hommes dorment et ne s'aperçoivent de rien.

Sesimite, l'Ogre avait l'habitude de rôder autour d'une habitation du village d'Ahuachapan ; il enlevait à un des hommes sa femme pour abuser d'elle. Le voisin, ami du mari, ayant observé ces enlèvements, en informa le mari.

- Vous ne savez donc pas dit-il, que votre femme est une sorcière qui sort la nuit déguisée pour rejoindre son amant. Prenez garde !

Le mari, épiant sa femme, observa alors qu'elle se leva au milieu de la nuit et qu'elle plaça une bûche à côté du mari à la place qu'elle occupait d'ordinaire. Ensuite elle s'éleva jusqu'aux poutres du plafond et retombant directement par terre, son corps resta là sans tête, celle-ci ayant disparu par la porte.

Le mari raconta à son voisin ce qui était arrivé.

-Que faut-il faire demanda-t-il ?

- Nous trouverons bien quelque chose répondit le voisin. Laissez le corps où il est, mais jetez un tas de cendres chaudes à la place que doit occuper la tête. C'est là le meilleur moyen de guérir les femmes qui s'adonnent à la sorcellerie.

L'homme fit comme on le lui avait conseillé. Plus tard dans la nuit, la tête revint mais elle ne put réussir à s'attacher au tronc.

- Où êtes-vous donc cruel mari qui avez fait une chose pareille ? S'écria-t-elle.

Cependant le mari qui était monté au grenier ne répondit pas et resta immobile, blotti dans un coin. Alors la tête prit son essor et vola jusqu'au grenier. En apercevant le mari elle se posa sur son épaule et s'y attacha. Le mari savait parfaitement que lorsqu'une sorcière s'est ainsi posée sur votre corps, il est absolument impossible de s'en débarrasser ; tout désolé de son malheureux sort il alla trouver le prêtre pour lui demander conseil.

- Tranquillisez-vous et attendez dit le prêtre.

Cependant la tête restait toujours sur l'épaule du mari. Celui-ci pleurait son malheur mais en vain.

Ce ne fut que bien longtemps après que l'homme employa la ruse pour se débarrasser de la tête. Ce fut à une occasion où l'homme était dans la forêt et justement à l'époque de l'année où les zapotes commençaient à mûrir. En se promenant dans la forêt, le mari aperçut un gigantesque arbre de zapotes.

- Ma fille, dit-il à la tête, il y a dans cet arbre quelques zapotes qui sont déjà mûrs. Ne serait-il pas bon d'en avoir quelques-uns pour les manger ? Je sais que vous aimez beaucoup ces fruits. Quittez donc mon épaule pour que je puisse monter à cet arbre : en attendant vous pouvez rester sur mon manteau.

En parlant ainsi, il étendit son vêtement par terre et la tête s'y bposa. Le mari monta à l'arbre et cueillit quelques zapotes tout à fait verts qu'il lança avec force sur la tête. Celle-ci sautait et criait en demandant grâce.

- Ayez pitié, ayez pitié de moi, oh! mari cruel que vous êtes ! Vous voulez donc me tuer ?

- Que non dit le mari, mais pendant que je cherchais à trouver les fruits les plus mûrs, ces zapotes verts sont tombés par accident.

Et de nouveau il se mit à lancer sur la tête les durs fruits verts et la tête hurlait et s'agitait.

En ce moment, une biche vint à passer tout près de là. Alors la tête s'éleva dans l'air et alla se placer sur le dos de la biche, qui, terrifiée s'enfuit dans la forêt. Les cheveux de la tête qui venaient de se dénouer flottaient au gré du vent. Arrivée à un précipice, la biche se jeta dans l'abîme et il ne resta des deux que "de la poussière et des têtes de mort /pinole y calavera".

Alors le mari retourna auprès du prêtre et lui raconta ce qui s'était passé. Il répondit :

- Maintenant il faut que vous suiviez les traces de la biche et que vous ramassiez tous les cheveux qui vous aideront à retrouver la place où est la tête. Ensuite il vous faudra enterrer la tête avec tous les cheveux à cette même place et bien soigner le tertre, car de cette tête, il sortira sûrement quelque chose.

L'homme suivit les recommandations du prêtre. Après avoir enterré la terre, il prit l'habitude d'aller tous les 15 jours pour soigner la tombe et arracher les mauvaises herbes. Il s'était rendu ainsi plusieurs fois à la tombe, quand un jour il y vit une petite plante sortir de la terre. La jeune plante poussa vite et devient bientôt un arbre qui produisit un jour une fleur qui, par sa forme, ressemblait au fourneau d'une pipe. A cette fleur succéda un fruit vert, rond et très grand. C'est cet arbre que nous appelons maintenant huachkal-quahuit (le calebassier).

De nouveau le mari retourna auprès du prêtre et lui raconta ce qui était arrivé.

- Prenez bien garde à ce fruit dit le prêtre. N'y touchez pas avant qu'il ne soit mûr.

Quand enfin le fruit fut mûr et devenu jaune, il tomba à terre. Le prêtre alors prêta à l'homme une scie, avec laquelle il commença avec beaucoup de précautions, à scier la coque en deux. A sa très grande surprise, il vit quelque chose remuer dans le fruit. Sa surprise se changea en effroi quand il entendit des voix enfantines partir de l'intérieur de la calebasse. La coque du fruit venait alors de s'ouvrir. Il y avait là quatre petits enfants, trois garçons et une fille qui lui demandèrent tout de suite :

- Es-tu notre père ? Où est donc notre mère ?

La mère était morte.

Sesimite le géant et Tanteputz l'ogresse prirent soin des enfants.

La Vierge en haut du ciel, la Lune envoya un messager portant un morceau de bambou rempli de lait de son propre sein pour les petits orphelins trouvés dans la calebasse.

Le messager donna le morceau de bambou avec le lait qui y était contenu à l'alligator qui pourtant bu lui-même tout le lait. Quand le lièvre apprit cela il alla demander à l'alligator ce qu'il avait fait du lait envoyé par la Lune pour les orphelins de la calebasse :

- Le voici dit l'alligator ouvrant la gueule et tirant la langue.

D'un seul coup de couteau le lièvre coupa la langue à l'alligator, n'en laissant qu'un tout petit bout dans sa gueule. Là-dessus l'alligator plongea dans une profonde mare. Et depuis le temps où il a perdu sa langue, l'alligator tout honteux réside dans les endroits les plus profonds des rivières pour s'y cacher.

La jeune fille de la calebasse reçut le nom de Xochit-Sihuat , la "fille-fleur". Avec le temps elle devint la femme la plus belle qui ait jamais existé. Elle avait les cheveux noirs très longs et répandait toujours autour d'elle le parfum frais qui émane d'une femme sortant d'un bain.

"Aucun homme ne me touchera jamais" dit-elle mais après ma mort, tous les peuples de la terre jouiront de la force glorieuse qui est en moi". Elle mourut très jeune et selon les vœux qu'elle avait fait, elle mourut vierge.

Sur sa tombe, on vit pousser une plante à laquelle on donna le nom de yet* qui répand un parfum encore plus suave et qui possède des qualités plus divines qu'aucune plante au monde.

* Yetl est le nom aztèque de la ,plante du tabac, Yet dans le dialecte pipil ou aztèque du Salvador.

 

source

https://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1910_num_7_1_3576

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