Les cinq aigles blancs (légende des Mirripuyes)

Publié le 6 Mars 2024

 

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Peuple Tatuy

 

Selon la tradition des Mirripuyes (Tatuy), Caribay fut la première femme. Elle était la fille du fougueux Zuhé (le Soleil) et de la pâle Chía (la Lune). Elle était considérée comme le génie des forêts aromatiques. Elle imitait le chant des oiseaux et jouait avec les fleurs et les arbres.

 

LES CINQ AIGLES BLANCS

 

Un jour, cinq aigles blancs survolèrent le ciel bleu, cinq aigles énormes, dont les corps resplendissants produisaient des ombres errantes sur les collines et les montagnes. Venaient-ils du Nord ? Venaient-ils du Sud ? La tradition indigène dit seulement que les cinq aigles blancs sont venus du ciel étoilé à une époque très reculée.

C'était l'époque de Caribay, le génie des forêts aromatiques, la première femme parmi les Indiens Mirripuyes, habitants des Andes escarpées. Elle était la fille du fougueux Zuhé et de la pâle Chía ; et imitait le chant des oiseaux, courait légèrement sur l'herbe comme une eau cristalline et jouait comme le vent avec les fleurs et les arbres.
Caribay voyait voler dans le ciel avec les énormes aigles blancs, dont les plumes brillaient au soleil comme des feuilles d'argent ; et elle voulait orner son pectoral d'un plumage si rare et si splendide. Elle courait inlassablement après les ombres vagabondes que les oiseaux dessinaient sur le sol ; survolait les vallées profondes;  gravissait une montagne et une autre montagne ; elle arriva finalement, fatiguée, au sommet solitaire des montagnes andines. On apercevait au loin les palmiers immenses d'un côté, et de l'autre, une montée cyclopéenne, tachetée de gris et d'émeraude, la montée formée par les montagnes longeait la vague bleue du Coquivacoa.

Les aigles blancs s’élevaient perpendiculairement à cette hauteur jusqu’à se perdre dans l’espace. Leurs ombres ne se dessinaient plus sur la terre. Alors Caribay passa d'une falaise à l'autre le long des montagnes escarpées, arrosant la terre de ses larmes. Elle invoqua Zuhé, le Roi étoile, et le vent emporta sa voix. Les aigles avaient disparu et le soleil se couchait. Transie de froid, elle tourna les yeux vers l'Est, invoqua Chía, la lune pâle, et aussitôt le vent s'arrêta pour se taire. Les étoiles brillaient et leur vague lueur en forme de demi-cercle se dessinait à l'horizon. Caribay brisa le silence auguste des landes avec un cri d'admiration. La lune était apparue et les cinq aigles brillants et fantastiques volaient autour d'elle.

Et pendant que les aigles descendaient majestueusement, le génie des forêts aromatiques, la femme indienne mythologique des Andes, modulait doucement son chant de jungle au-dessus des hauteurs. Les oiseaux mystérieux voletaient au-dessus des crêtes dénudées de la chaîne de montagnes et finissaient par s'installer, chacun sur une falaise, enfonçant leurs griffes dans le rocher vivant ; et ils restaient immobiles, silencieux, la tête tournée vers le nord, leurs ailes gigantesques déployées dans l'attitude de s'envoler à nouveau vers le firmament bleu.

Caribay voulait décorer son armure de ce plumage rare et splendide, et elle courut vers eux pour arracher les plumes tant convoitées, mais un glacier froid engourdit ses mains, les aigles furent pétrifiés, transformés en cinq énormes masses de glace. Caribay hurla de terreur et s'enfuit terrorisée. Les aigles blancs étaient un mystère terrifiant.

La lune s'assombrit soudainement, l'ouragan frappa les rochers nus avec un bruit sinistre et les aigles blancs se réveillèrent. Ils se hérissèrent furieusement et, tandis qu'ils agitaient leurs monstrueuses ailes, le sol se couvrit de flocons de neige et la montagne entière se para de leur plumage blanc.

C'est la fabuleuse origine des Sierras Nevadas de Mérida. Les cinq aigles blancs de la tradition indigène sont les cinq hautes falaises toujours couvertes de neige. Les grandes et orageuses chutes de neige sont le réveil furieux des aigles, et le sifflement du vent en ces jours de paramo est l'imitation du chant triste et monotone de Caribay, le beau mythe des Andes vénézuéliennes.

 

Tulio Febres Cordero.

traduction carolita

source 

https://tatuy.wordpress.com/tatuy/cultura-tatuy/

 

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