Conservation et protection de la biodiversité par les communautés

Publié le 7 Septembre 2021

Restauration bioculturelle : les systèmes de gestion des terres et des côtes Ahupua'a d'Hawaï ont presque disparu après la colonisation, mais sont en cours de restauration dans certaines régions. La photo montre la reconstruction des murs en pierre d'un étang traditionnel (faisant partie de l'Ahupua'a) grâce à un effort communautaire sur l'île d'O'ahu. Photo : Kim Moa.
 

Servindi, 5 septembre, 2021 - Dans le contexte du Congrès mondial de la nature qui se déroule du 3 au 11 septembre, il est opportun de partager le bulletin d'information sur la conservation communautaire présenté par Fikret Berkes de l'Université du Manitoba.

Ce bulletin a été publié en mai 2021 par la Commission des politiques environnementales, économiques et sociales (CPEES) de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et contient des liens vers divers documents d'intérêt sur le sujet.
 

Conservation communautaire

Par Fikret Berkes*

Alors que de plus en plus de régions terrestres et marines entrent dans la catégorie des zones protégées, l'idée de la conservation communautaire devient de plus en plus intéressante.

Comment les aires protégées des catégories V et VI de l'UICN fonctionnent-elles lorsque des personnes les habitent ? Les territoires et aires conservés par les populations autochtones et les communautés locales (ICCA) peuvent-ils contribuer à la conservation ? Comment fonctionne l'intendance communautaire ?

Ce numéro du Bulletin n'a pas été conçu intentionnellement pour traiter de la "conservation basée sur la communauté". Cependant, si elle a été ainsi désignée, c'est en raison du grand nombre de contributions sur et autour de ce sujet. Il aborde les sujets suivants :

La solution des 30 % et la conservation communautaire

Comme les membres de la CPAES le savent bien, le nombre et la superficie totale des zones protégées qui peuvent être établies sont limités. Dans le même temps, il est nécessaire de passer de la notion d'"îles" de conservation exemptes d'humains à celle d'une coexistence des humains avec le monde naturel.

La conservation communautaire s'inscrit dans cet effort de restauration et de création de nouvelles traditions de gestion. Les articles de ce numéro du Bulletin illustrent la diversité des moyens d'y parvenir.

La conservation ne peut pas reposer entièrement sur l'action communautaire ; le monde est trop complexe et interconnecté pour que ce soit le cas. Au contraire, la conservation communautaire commence au niveau local, avec des personnes, des partenariats locaux et des institutions travaillant avec d'autres niveaux de gouvernance.

Comme le montre le cas des cigognes, entre autres, l'action locale doit être coordonnée avec les autres niveaux de gouvernance, les obligeant parfois à s'engager dans une conservation plus efficace, créant ainsi des incitations et un espace politique. 

Approches bioculturelles et restauration

L'une des façons dont la conservation communautaire diffère de la conservation conventionnelle est l'attention portée à l'interconnexion de la nature et de la culture, l'approche bioculturelle.

La diversité culturelle est en partie déterminée par la biodiversité, et la biodiversité (en particulier la biodiversité des cultures) est en partie un produit des pratiques culturelles humaines.

Ces deux types de diversité évoluent ensemble dans une relation bidirectionnelle, ce qui donne lieu à des paysages culturels dans une grande partie du monde, comme dans les aires protégées (AP) de catégorie V de l'UICN.

Ainsi, la restauration de l'écosystème dans de nombreux endroits est, en fait, une restauration bioculturelle de systèmes socio-écologiques intégrés, comme dans l'article sur les Fidji. Et qui protège ce type d'écosystème unique ? L'article malaisien montre que ce sont les communautés qui luttent contre la destruction des récifs.

Ces articles ne sont que deux exemples de la restauration bioculturelle qui a lieu dans de nombreuses régions du monde, de la restauration des mangroves dans une grande partie de l'Asie du Sud-Est à la restauration traditionnelle Ahupua'a à Hawai'i (photo).

Les AP et les TICCA gérées par les autochtones

L'un des types d'initiatives d'AP les plus intéressants est celui mené par les groupes indigènes. Environ 20 % des terres des peuples autochtones se trouvent déjà dans des aires protégées, ce qui représente environ 40 % des aires protégées dans le monde.

En Australie, les aires protégées indigènes représentent environ 50 % du système de réserves nationales. Les peuples autochtones (les "propriétaires traditionnels") peuvent décider de désigner ou non leurs terres comme des aires protégées, et du type de cogestion qui doit régir ces terres.

Comme le résume l'ouvrage de Berkes intitulé Advanced Introduction to Community-based Conservation, le Canada, comme d'autres pays, est en train de développer des aires protégées dirigées par des autochtones, dont certaines sont très vastes. Encore en phase de formation, Tallurutiup Imanga dans l'Arctique de l'Est, qui couvre 109 000 km2, est la plus grande AP du Canada. Deux caractéristiques notables de ces nouvelles aires protégées sont la gouvernance conjointe et la participation officielle des populations autochtones en tant que gestionnaires.

Le rôle clé des institutions locales dans la gouvernance avec la conservation
Les institutions font référence aux règles en vigueur, selon la lauréate du prix Nobel Elinor Ostrom. La conservation communautaire nécessite des institutions locales actives. Il peut s'agir d'institutions gouvernementales formelles. Ou, plus couramment, comme dans de nombreuses TICCA, il peut s'agir d'institutions informelles. Cela ne les rend pas moins "réels" lorsqu'il s'agit de fixer et de faire respecter les règles du bien commun, ce qu'Ostrom aimait souligner.  

Le livre de Nayak, Making Commons Dynamic, comprend des exemples provenant de nombreuses régions du monde et portant sur différents types de ressources. Ces exemples permettent de comprendre les processus par lesquels les terres et les ressources sont utilisées ensemble dans le cadre d'institutions et d'actions collectives communes (communisation), et les circonstances dans lesquelles l'utilisation conjointe et l'action collective échouent (décommunisation).

Les pessimistes utilisent souvent des exemples d'échec de la conservation. Mais il est important de savoir qu'il est également possible de construire des institutions pour la durabilité. En fait, tous les cas de cogestion d'aires protégées en Australie, au Canada et ailleurs sont des exemples de création d'institutions communes axées sur la conservation.

Comme l'affirme "Advanced Introduction to Community-based Conservation", la conservation de la biodiversité subit une transformation, passant de la gestion biologique à la gouvernance interdisciplinaire. La conservation communautaire est un élément clé de cette transformation.

Energising Communes révèle l'énorme potentiel des nouvelles institutions des biens communs à la base. Avec la publication de l'UICN de Charles, Communities, Conservation and Livelihoods, qui a été mise en avant dans le dernier bulletin, ces publications mentionnent le consensus émergeant vers un type de conservation socialement juste et démocratisé dans lequel les communautés font partie de l'écosystème et disposent d'institutions de gestion pour conserver non seulement la diversité biologique, mais aussi la diversité bioculturelle.

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* Fikret Berkes est professeur émérite au Natural Resources Institute, Université du Manitoba, Canada. Les travaux du Dr Berkes portent sur la résilience socio-écologique, les communes, la cogestion et les connaissances écologiques locales et traditionnelles. Il a publié onze ouvrages, dont Advanced Introduction to Community-based Conservation d'Edward Elgar (2021) et Sacred Ecology 4th edition, Routledge (2018).

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source d'origine IUCN: https://www.iucn.org/zh-hant/node/34530

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 04/09/2021

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