Guatemala : Me'k K'ub : une vie dédiée au service et à la résistance du peuple Ixil de Nebaj

Publié le 12 Août 2021

9 août 2021
16 h 01
Crédits : Pap Me'k K'ub lors d'une cérémonie maya avec les autorités et le peuple Ixil.
Temps de lecture : 4 minutes

Par Diego Petzey

Miguel Rivera a conservé et utilisé le nom ancestral qu'il a hérité de sa famille : Me'k est Miguel et K'ub' est pierre ; son père l'a hérité de son grand-père et il l'a hérité de son père et ainsi de suite, historiquement. Il s'est consacré au service communautaire pendant les moments les plus sanglants de la guerre et, plus tard, à la reconstitution de la mairie indigène dans sa communauté. La forteresse faisait partie de son héritage familial, il la portait en son nom représenté par K'ub' (pierre).

Pap Me'k K'ub, également appelé en espagnol Miguel Rivera Solís, est né le 21 juin 1956 et est décédé à l'âge de 65 ans aux premières heures du 5 août 2021, des suites de complications de santé liées au COVID-19. Dès son plus jeune âge, il a commencé son voyage en tant que guide spirituel maya, il a été musicien, chercheur, médecin maya, guérisseur, accoucheur ; il a également guéri d'autres maladies comme la peur et la dépression.

Miguel De León Ceto, actuel maire indigène de la municipalité d'Ixil, a rappelé qu'il a reçu la charge qu'il occupe des mains de Me'k K'ub, parce qu'il avait accompli un cycle de treize ans de service communautaire dans la municipalité. Selon De León Ceto, la vie de Me'k K'ub a été caractérisée par sa constance dans les moments les plus difficiles. Il est né et a vécu les premières années de sa vie dans la communauté de Vicalamá 1. Pendant la guerre, au cours de laquelle l'État guatémaltèque s'acharnait contre la population civile désarmée, lui et d'autres guides spirituels mayas ont organisé leur communauté et ont pris le nom de Communautés de population en résistance (Comunidades de Población en Resistencia -CPR-). Après la signature des accords de paix, Mek' K'ub a dirigé le retour des populations en résistance et a fondé la communauté de Flores Turranza, où il est décédé.

En 2000, Me'k K'ub et d'autres guides spirituels ont créé le Conseil des guides spirituels mayas de Nebaj. Cinq ans plus tard, ils ont dirigé la réorganisation de la mairie indigène Ixil de Nebaj, qui a eu lieu en 2008, et depuis lors, il est le premier maire de la municipalité, poste qu'il a cédé après 13 ans de service.

"Toute sa vie, il a toujours été attaché à sa spiritualité maya, à un jeune âge il a assumé son don et son leadership", a déclaré Miguel De León Ceto.

Pour Feliciana Herrera, une femme maya Ixil, journaliste communautaire et membre de la mairie indigène Ixil, "Me'k K'ub' sera toujours un leader des communautés indigènes en résistance". L'un de ses héritages les plus importants pour les jeunes est la "reconstruction du tissu social par le service communautaire". Les histoires transmises par K'ub' soulignent que les communautés Ixil étaient organisées et possédaient leurs propres autorités ancestrales avant la guerre, a déclaré Mme Herrera.

Herrera se souvient que K'ub' leur a dit qu'il avait commencé comme "mayor" dans sa communauté. Il s'agit de la position initiale au sein des structures communautaires, puis il est nommé  "regidor" et devient ensuite "maire indigène" dans sa communauté. Pendant la guerre, cette forme d'organisation communautaire a été détruite par les politiques d'extermination des peuples mayas. "L'armée ne leur permettait plus de se rencontrer, s'ils le faisaient, ils étaient identifiés comme des ennemis. Lorsqu'il était déjà maire indigène de Nebaj, il a inclus la participation des femmes, il a donné beaucoup de confiance aux femmes, il a ouvert l'espace pour que nous, les femmes, puissions être des autorités à cette époque", a conclu Herrera.

"Pour la reconstitution des autorités indigènes Ixil, K'ub' est allé de village en village pour parler aux guides spirituels mayas. À Nebaj, il a parlé avec les directeurs ; à San Juan Cotzal, ce sont les grands-mères qui se sont organisées les premières pour former la mairie de cette localité, tandis qu'à Chajul, les directeurs ont dit : nous ne devons plus attendre, nous devons le faire tout de suite. Tous les jours, ils se levaient à 4 heures du matin pour accomplir leurs cérémonies du feu sacré" Feliciana Herrera.

Pablo Ceto, recteur de l'université Maya Ixil, a déclaré que Me'k K'ub a réussi à sauver son peuple à 13 reprises afin que l'armée ne le mitraille pas, "il a toujours maintenu un dialogue avec la communauté pour survivre à la politique de persécution dans les montagnes du nord du Quiché".

Selon Ceto, les conseils des anciens l'ont reconnu comme "principal des principaux" à la mairie de Nebaj. De même, la mairie autochtone de Chajul et Cotzal a reconnu son rôle de "principal des principaux". K'ub' a signé plusieurs appels pour que les communautés Ixil aient le droit d'être consultées sur les projets que le gouvernement guatémaltèque avait autorisés. Grâce à cette action, la mairie indigène de Nebaj a réussi à suspendre la construction de deux centrales hydroélectriques appelées Vega 1 et Vega 2, et la Cour constitutionnelle a statué en 2015 que des consultations communautaires devaient être menées avant la construction de ces centrales hydroélectriques.

"Le départ de Me'k K'ub' est très douloureux, beaucoup d'entre nous le pleurent, beaucoup de gens sont tristes, il a laissé un grand héritage au peuple Ixil, il était un bâtisseur, personne n'est seul, il est tout le monde", a conclu Ceto.

En mémoire de Pap Me'k K'ub, (21/06/1956 - 05/08/2021).

traduction carolita d'un article paru sur Prensa comunitaria le 05/08/2021

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