Guatemala : Quand l'eau est absente et que l'Ajaw n'intervient plus

Publié le 30 Août 2019

Les habitants de la municipalité de Chisec au Guatemala sont dans une situation désastreuse en raison de la grande pénurie d'eau. Ils accusent les palmeraies d'être à l'origine de cette tragédie, car leur expansion a entraîné le détournement des rivières et des sources d'eau pour irriguer leurs cultures. Ils soulignent également la déforestation cruelle des forêts et la vente des terres.

Par Ollantay Itzamná*

Des habitants à la recherche d'eau. Chisec. OI. (Photo : ollantayitzamna.com)

Ollantay Itzamná, 27 août 2019 - Lors d'une assemblée de formation qui a analysé les origines, l'histoire et l'impact du système néolibéral au Guatemala, dans la ville de Cobán, Alta Verapaz, Héctor Seb, un robuste  indigène maya Q'echí, 38 ans, a pris la parole et a pleuré devant l'assemblée pour raconter la tragédie que vit sa municipalité Chisec, en raison du manque d'eau.

"Les rivières, les lagunes, les sources, les puits... se sont asséchés. En janvier, c'était la dernière fois qu'il a plu à Chisec. Nous n'avons pas d'eau. Notre seul puits qui a encore de l'eau dans le centre urbain est une source de discorde parce que nous allons tous faire la queue là-bas...", indique-t-il, d'une voix agitée, avant l'assemblée.

"Il y a trois jours, avec ma famille, je suis allée à la communauté de Pozo Seco pour laver deux semaines de linge accumulé. Nous avons voyagé presque deux heures en voiture pour nous y rendre. Là aussi, les autorités communautaires limitent déjà l'utilisation de l'eau... Dans la maison, on ne fait plus la vaisselle. Nous ne nettoyons qu'à moitié avec un chiffon humide. Nous nous baignons tous les deux jours avec un jumbo (2 Lts.). Les mouches et les maladies ont augmenté... Nous avons perdu toutes nos récoltes à cause du manque de pluie...", raconte Don Héctor dans une interview.

Chisec est une municipalité du département d'Alta Verapaz, à 300 km au nord de la ville de Guatemala , avec une population moyenne de 80.000 habitants, presque entièrement maya Q'echis. C'est une région tropicale, avec des précipitations permanentes, des rivières abondantes et des lagunes touristiques en surface et souterraines.

Alors que nous approchons du centre de la ville, sous le soleil piquant de midi, à 40 º de température, les indigènes Q'echís errent sur les routes avec des piles de bidons d'eau vides. Ce ne sont pas des vendeurs de plastiques. Ce sont des chercheurs d'eau. En cours de route, les rivières encore vivantes sont aspirées par des pompes allant des ponts aux camions citernes de fortune, les mêmes qui concurrencent les blanchisseries "communautaires" de vêtements de plein air.

Un chercheur d'eau pompe de l'eau dans sa citerne de fortune. Cobán. OI. (Photo : ollantayitzamna.com)


Sur le bord de la route, de jeunes hommes nous font un sourire triste en attendant de remplir leurs cruches en plastique dans une conduite d'eau publique qui coule à peine.

Dans le parc central de la municipalité, la vie commerciale s'écoule avec une normalité moyenne, bien qu'ils aient tous une eau restreinte. Le réseau d'eau municipal est également rationné, par quartier et par heure, car la rivière d'où il est alimenté est presque morte.

Même dans le Parc Central, une rangée de voitures, avec des tuyaux de fortune, rivalisent dans le seul puits d'eau municipal avec des voisins assoiffés qui font la queue avec leurs citernes. "Ces derniers jours, les gens font la queue avec leurs jerrycans pour aller chercher de l'eau ", dit Don Héctor en nous faisant visiter les lieux.

Comment les voisins expliquent-ils cette tragédie sans précédent ?


Chisec était bien connue pour ses lagons touristiques paradisiaques de Sepalau, à 7 km de la capitale municipale, mais même ceux-ci sont presque morts. Tout comme ses deux principaux fleuves (San Simón I et II).

Rio San Simón I. OI. (Photo : ollantayitzamna.com)
 

"Les entreprises de palmiers, qui au cours des 15 dernières années ont pris de l'expansion ici, ont détourné les rivières et les sources pour irriguer leurs cultures. C'est la cause principale ", disent les gens du coin. Et en effet, lorsque l'on quitte Chisec, l'horizon géographique est peint dans le vert foncé constant de la palme.

"Il n'a pas plu depuis janvier. En mai, nous attendions la pluie, mais nous avons fini le mois d'août, et il n'y a pas de pluie ", a dit la personne interrogée. Et c'est une autre cause de mortalité pour les rivières, les lacs, les puits et les sources de la région.

Mais une autre des raisons, que les habitants disent tranquillement, est la "déforestation irresponsable et généralisée des forêts, même en bordure des sources d'eau, et la vente des terres aux entrepreneurs de palme. Ceux qui le pouvaient, coupaient les montagnes humides. Et d'autres louaient ou vendaient leurs terres tropicales pour la "civilité" de la palme.

Quelles solutions existent ?


Les voisins et les autorités locales sont stupéfaits et immobiles face à cette tragédie sans précédent. "Personne ne peut identifier la cause avec certitude. "Encore moins entreprendre une solution technique au problème."

Cultures affectées par le manque de pluie. OI. (Photo : ollantayitzamna.com)


"Nos autorités sont déjà allées faire plusieurs cérémonies mayas dans les grottes et les sources d'eau les plus éloignées pour demander à l'Ajaw ("créateur et formateur" pour les Mayas) de rendre l'eau," dit Seb avec un regard impuissant.

Des familles avec leurs citernes attendent des citernes improvisées pour acheter de l'eau (Photo : ollantayitzamna.com)
 

100 km plus haut, dans le département du Petén, des défenseurs des droits communautaires du Mouvement Sociopolitique CODECA-MLP débattent des conséquences du système néolibéral, analysent les solutions possibles à l'"orphelinat de l'eau" dont ils souffrent également, et proposent de constituer un mouvement communautaire de reboiseurs, d'éleveurs de sources, bassins et lagons d'eau.

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* Ollantay Itzamná est un défenseur latino-américain des droits de la Terre mère et des droits humains.

 

source: Publié le 27 août 2019 par https://ollantayitzamna.com/2019/08/27/cuando-se-aleja-el-agua-y-el-ajaw-ya-no-responde/

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 27/08/2019

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