Bolivie : Efforts et espoir pour sauver l'ara de Lafresnaye

Publié le 13 Juillet 2019

PAR YVETTE SIERRA PRAELI LE 27 JUIN 2019

  • Les réserves  pour la conservation avec la participation des communautés indigènes développent des projets touristiques d'observation des oiseaux et ont réussi à arrêter la capture des espèces destinées au trafic.
  • Le gouvernement promeut un plan d'action pour la conservation du ara de Lafresnaye, qui devrait être approuvé cette année.

Depuis 13 ans, Marlene Rivas fait partie d'une équipe qui travaille à la protection du ara de Lafresnaye ou parabas (Ara rubrogenys), un oiseau endémique de la Bolivie qui a été catalogué en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).

"Avant, on ne s'occupait pas des oiseaux. Nous ne savions pas qu'ils étaient en danger. Les parabas ont été capturés comme animaux de compagnie et tués parce qu'ils endommageaient les cultures ", explique Marlene au sujet de certaines des causes qui ont mené cette espèce au bord de l'extinction.

Au lieu de cela, les villageois de San Carlos, Amaya et Perereta sont maintenant fiers d'avoir cet oiseau dans leur localité. Ces villages situés dans la municipalité d'Omereque, département de Cochabamba, font partie de la Réserve naturelle communautaire Paraba Frente Roja, l'un des espaces consacrés à la conservation de cette espèce en Bolivie.

En raison de sa situation critique, des refuges et des espaces de protection des oiseaux ont été créés dans plusieurs régions du pays. Mais ils veulent maintenant aller plus loin avec la nouvelle proposition du Plan d'action pour la conservation du ara de Lafresnaye, qui vise à jeter les bases pour éviter que cet oiseau emblématique ne disparaisse de la planète.

La population d'ara de Lafresnaye en Bolivie est estimée à 800 individus. Photo : Asociación Civil Armonía.


Un refuge pour les oiseaux
 

La Réserve naturelle communautaire Paraba Frente Roja a été créée en 2006 comme zone de conservation privée pour cette espèce par l'Asociación Civil Armonía en coordination avec les communautés de San Carlos, Amaya et Perereta. "C'est le site le plus important pour la reproduction de l'espèce", déclare Rodrigo Soria, directeur exécutif d'Armonía.

Pour Soria, le principal résultat de toutes ces années d'exploitation du refuge a été l'engagement des communautés pour la conservation de l'espèce, empêchant la chasse de continuer et mettant fin au conflit qui existait avec leurs cultures de maïs, car ces oiseaux se nourrissent de ces céréales. Actuellement, les cultures ont été diversifiées et des aires d'alimentation pour les oiseaux ont été installées dans le secteur réservé.
 

Les communautés de San Carlos, Amaya et Perereta, à Omereque, Cochabamba, participent au projet de réserve naturelle communautaire Paraba Frente Roja. Photo : Asociación Civil Armonía.


"Le plus important, c'est que les gens ont compris que l'ara de Lafresnayer est en danger d'extinction et qu'il a été renforcé par cette initiative ; ils se préoccupent de la population reproductive résidente, au point que lorsqu'ils voient un étranger, ils l'approchent et s'assurent que ce n'est pas un trafiquant," explique Soria.
Cette réserve est aussi un lodge touristique dédié à l'observation des oiseaux. Dans ce lieu, qui couvre environ 50 hectares, jusqu'à 184 espèces d'oiseaux ont été enregistrées, comme on peut le voir sur le portail e-bird, la plate-forme mondiale créée par le Laboratoire d'ornithologie de l'Université Cornell, aux États-Unis, pour que les observateurs d'oiseaux rapportent leurs observations.

Parmi les oiseaux que l'on trouve dans ce refuge, on trouve l'émeraude spendide (Chlorostilbon lucidus), le condor des Andes (Vultur gryphus), le fournier roux (Furnarius rufus), le martinet des Andes (Aeronautes andecolus), l'aigrette neigeuse (Egretta thula), etc.

"C'est un endroit magique. Il vous touche parce qu'il y a des oiseaux de toutes les couleurs et ils sont là, près de chez nous. On n'a pas besoin de jumelles pour les voir ", dit Laura Velarde, coordinatrice de la Conservation Touristique d'Armonía.

Velarde ajoute que l'intérêt pour l'observation des oiseaux est à la hausse et que dans le secteur réservé il y a aussi des vestiges archéologiques de la culture préhispanique Omereque, ce qui ajoute de l'intérêt au lieu. Les revenus, explique Mme Velarde, profitent aux communautés qui participent au projet de conservation.
 

Le tourisme et l'éducation à l'environnement font partie de la proposition d'Omereque. Photo : Asociación Civil Armonía.


"La communauté s'est rendu compte qu'elle bénéficie des revenus du tourisme parce qu'elle est située à un endroit clé pour l'observation de cette espèce", ajoute Soria de Armonía. Il mentionne également qu'il n'est pas possible de déterminer si l'espèce augmente, mais que le nombre de couples reproducteurs comptés dans ce refuge est d'environ 40 chaque année, en plus des individus qui ne sont pas en phase de reproduction. Soria souligne que la dernière étude de population a été réalisée en 2011, il serait donc important de mener de nouvelles recherches pour connaître l'état réel de l'espèce.

La voie de la protection
 

Sixto Aguilar est garde forestier dans la zone protégée municipale de Jardín de las Cactáceas (Jardin des Cactées, situé dans le département de Santa Cruz, un espace de plus de 22 000 hectares créé en 2005 pour la protection de diverses espèces de cactus, mais qui est aussi devenu un refuge pour l'ara de Lafresnayer.

Cette proposition implique les communautés Anamal et Las Juntas qui, en coordination avec la Fondation pour la Conservation des Perroquets de Bolivie, ont arrêté la chasse à ces oiseaux, ainsi que le vol de poussins dans leurs nids.

"Il y avait beaucoup de parabas, mais ils ont été considérablement réduits par la chasse. Les gens posent des pièges pour attraper ces aras, puis les vendent ", explique Aguilar, expliquant que lorsqu'ils prenaient les adultes, ils perdaient aussi les poussins qui mouraient parce qu'ils ne recevaient pas la nourriture que leurs parents étaient censés leur apporter. "C'est pourquoi ils ont disparu rapidement."
Les choses ont changé à présent. Les membres de la communauté participent à la surveillance de la zone et tirent des revenus des visites de l'aire protégée. De plus, un comité d'administration, composé d'un représentant de chaque communauté, du maire et du garde forestier, a été mis sur pied pour gérer la zone.
 

Le front rouge niche dans les fentes des rochers. Photo : Fondation pour la conservation des perroquets en Bolivie.


Jhony Salguero, directeur des opérations de la Fondation pour la Conservation des Perroquets de Bolivie (CLB), explique que la répartition de l'espèce complique également sa conservation. L'ara de Lafresnaye vit dans les forêts sèches des vallées andines, dans les départements de Santa Cruz, Cochabamba, Chuquisaca et Potosí. "Ils sont culturellement divers et ont des coutumes différentes. Souvent, les gens de la région ne savent pas que l'espèce est en voie d'extinction. Par conséquent, il est important d'effectuer un travail coordonné ", dit-il.

Salguero mentionne également que les avoir comme animaux de compagnie est une pratique profondément enracinée dans de nombreuses communautés, ainsi que le conflit qui existe entre les oiseaux et les agriculteurs, puisque ces animaux consomment du maïs et des arachides, deux des cultures de la région.

Le spécialiste du CLB souligne que la population totale de l'espèce avoisine les 800 individus, selon une dernière étude menée en Bolivie en 2012. Il mentionne également la faible reproduction de l'espèce, ce qui exacerbe le problème de sa survie.
D'autres lieux dédiés à la conservation du perroquet à face rouge sont le Parc National de Torotoro, le Parc National d'El Palmar, le Centre pour la Biodiversité Génétique, et la Zone de Protection Municipale de Moyepampa Lacarpampa.

Actuellement, la Direction Générale de la Biodiversité et des Aires Protégées (DGBAP), du Ministère de l'Environnement et de l'Eau, prépare le Plan d'Action Ara de Lafresnaye, une proposition qui vise à arrêter la réduction des populations des espèces.

Une proposition qui a été reprise après quelques années d'attente. Rodrigo Herrera, conseiller juridique de la DGBAP, explique qu'à cette occasion, outre les scientifiques, les organisations de conservation civile et le gouvernement, les communautés indigènes et les municipalités locales sur le territoire desquelles l'espèce vit ont été incluses.

"La proposition est alignée sur ce qu'indique la nouvelle Constitution de la Bolivie et inclut la participation de tous les acteurs liés à la conservation de l'ara. Nous prévoyons le présenter en août et espérons terminer l'année avec le plan approuvé ", dit M. Herrera.

M. Herrera indique que le plan propose davantage d'études scientifiques, un recensement de la population et l'élaboration de programmes d'observation des oiseaux avec les communautés autochtones dans les endroits où l'on peut encore voir le paraba.

traduction carolita d'un article paru sur le site Mongabay.com le 27 juin 2019

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