Mexique - Notre pays a connu un schéma systématique de répression, de corruption, de collusion et d'impunité depuis les années 1960 jusqu'à nos jours

Publié le 24 Décembre 2018

Organisation de la société civile Las Abejas de Acteal

Terre Sacrée des Martyrs d'Acteal
Municipalité de Chenalhó, Chiapas, Mexique

22 décembre 2018.

XXIe anniversaire du massacre d'Acteal
XXVI ans de lutte et d'organisation non-violentes


Au Congrès National Indigène
Au Conseil Indigène de Gouvernement 
Aux défenseurs des droits humains
Aux médias libres
Aux médias nationaux et internationaux
A la société civile nationale et internationale

Soeurs et frères :

Aujourd'hui, on se souvient encore que le 22 décembre 1997, un groupe de paramilitaires du PRI de Chenalhó a massacré 45 sœurs et frères et 4 autres à naître. L'acte a été commis avec fureur, trahison et préméditation lorsqu'ils se sont réunis le deuxième jour de jeûne et de prière, pour mettre fin à la violence déclenchée dans la municipalité.

Nous avons traversé 21 ans d'obscurité qui représentent l'impunité nourrie par les dirigeants du PRI et du PAN, y compris la "Cour suprême de justice de la nation", qui a ordonné la libération des auteurs matériels du massacre d'Acteal, malgré le fait qu'ils étaient directement visés par les survivants et qu'ils avaient avoué être venus tuer à Acteal, pour lequel ils ont été condamnés jusqu'à 30 ans, maintenant ils sont en liberté à Chenalhó et dans ses environs. Et les auteurs intellectuels se moquent librement de la justice et de la mémoire de nos frères et sœurs massacrés.

Nous ne nous lassons jamais d'écrire et de dénoncer la vérité : le massacre d'Acteal est un crime d'Etat, commis dans le contexte de la guerre anti-insurrectionnelle et à travers la mise en œuvre du Plan de campagne Chiapas 94, dirigé par l'armée mexicaine sous le commandement du Général Mario Renán Castillo, qui a servi comme commandant de la septième région militaire et qui est mort sans peine le 26 décembre 2017.

Faire ce récit du contexte politique dans lequel s'est développé le massacre d'Acteal, aide non seulement à la mémoire de nos morts, mais cela doit être un acte de justice, pour ne pas oublier et pour la vérité. Acteal est un crime contre l'humanité qui porte atteinte à la conscience et à la dignité du peuple mexicain et même du monde, et il faut que cette ignominie soit condamnée et exige justice en unissant notre voix, afin que ces crimes ne se répètent nulle part au Mexique et dans le monde.

Les auteurs matériels et les auteurs intellectuels du massacre d'Acteal ont des noms et des prénoms, nous les avons soulignés plusieurs fois, mais au lieu d'être jugés, ils reçoivent des prix et des postes publics, comme Emilio Chuayffet Chemor qui a dirigé le Secrétariat de l'éducation publique pendant les six années du mandat de Enríque Peña Nieto.

Le principal auteur intellectuel de la guerre anti-insurrectionnelle au Chiapas et du massacre d'Acteal est Ernesto Zedillo Ponce de León, qui doit être jugé pour ses crimes et violations graves des droits humains commis sous son gouvernement, il s'est réfugié dans le groupe "The Elders", un groupe indépendant de leaders mondiaux qui travaillent ensemble pour la paix, la justice et les droits humains, fondé par Nelson Mandela. (https://www.theelders.org/profile/nelson-mandela).

Depuis le 22 décembre 1997, les partis politiques, les mauvais gouverneurs, les juges, les fonctionnaires ont contribué à l'érosion des victimes et des survivants d'Acteal, ainsi qu'à la re-victimisation. C'est pour cette raison qu'ils doivent aussi être identifiés comme les auteurs du massacre pour avoir couvert les auteurs matériels et intellectuels. En outre, ils sont responsables de l'omission de la série de meurtres, de disparitions forcées et de massacres tels qu'Atenco, Ayotzinapa, Tlatlaya, des féminicides, entre autres.

Notre pays a connu un schéma systématique de répression, de corruption, de collusion et d'impunité depuis les années 1960 jusqu'à nos jours. Acteal, c'est la continuité d'un aspect des répressions et massacres contre le peuple mexicain, comme le massacre de Tlatelolco en 1968, El Halconazo ou Jueves de Corpus le 10 juin 1971 commis par les gouvernements du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI). D'autre part, la persistance d'une politique génocidaire au Chiapas contre les peuples indigènes qui luttent pour leur autonomie.

Il est important de noter que dans cette longue période de ténèbres de l'impunité depuis l'année 2000 où Vicente Fox Quesada et Pablo Salazar Mendiguchía ont pris le pouvoir dans le pays et au Chiapas, avec la prétendue "alternance", leur gouvernement a appliqué une stratégie de contrôle politique  de diviser et coopter les organisations sociales, dont notre organisation ne faisait pas exception. Cependant, les survivants et plusieurs communautés de Las Abejas d'Acteal continuent à se battre pour la Vérité, la Justice et l'Autonomie.

Dans ce contexte des 21 ans du massacre d'Acteal, notre position sur la conjoncture politique nationale à l'entrée du nouveau gouvernement fédéral, sur la proposition d'amnistie pour les auteurs de violations graves des droits humains, nous, las Abejas d'Acteal, disons que nous ne devons pas confondre justice et vérité comme "vengeance". Dans notre cœur tsotsil et en tant qu'organisation pacifique, pour nous le pardon n'est pas une vengeance. Mais cela ne signifie pas laisser impunie une violation grave des droits de l'homme, comme le massacre d'Acteal continue de l'être. Et d'autres cas demandent la justice pour les survivants et les victimes en ville et à la campagne.

Au sujet des mégaprojets tels que le train maya ou le mégaprojet de l'isthme de Téhuantepec, nous, Las Abejas, nous voyons que ce ne sont pas des initiatives du peuple, mais celles des grands capitalistes, à cet égard nous nous demandons s'il faut continuer à piller les ressources naturelles que le peuple a défendues au cours de ses origines ou est-ce que leur intérêt est de continuer à piller notre pays comme l'ont fait les gouvernements au temps du PRI ?

Chers frères et sœurs, les 21 ans d'impunité du massacre d'Acteal nous ont apporté de nombreux défis et obstacles, mais aussi de nombreux enseignements et espoirs. Au cours de notre long voyage depuis la naissance de notre organisation Las Abejas il y a 26 ans, nous avons appris à combattre et à défendre nos droits humains en tant que peuple indigène Tsotsil . Nous avons appris à parler, à regarder et à décider de notre voie pour ne pas être trompés par un gouvernement néolibéral.

Nous voulons vous dire que malgré la lassitude, les attaques et le harcèlement de notre organisation, nous réaffirmons notre lutte non-violente pour une véritable justice dans le massacre d'Acteal, la construction de notre autonomie et le renforcement de nos domaines de travail et des hommes, femmes, jeunes, filles et garçons des différentes communautés qui donnent vie à l'Organisation de la Société Civile de Las Abejas d'Acteal.

Nous disons clairement que l'Organisation des Abejas d'Acteal fondée en 1992 et les survivants qui ont vu les paramilitaires massacrer nos proches le 22 décembre 1997 ici à Acteal, ne cherchent pas le dialogue avec le gouvernement actuel, alors que la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), où se trouve l'affaire Acteal, publie le rapport de base dans lequel nous espérons  que l'état mexicain soit déclaré responsable . Nous réaffirmons que la justice ne sera en aucun cas échangée contre de l'argent.

Le véritable objectif de notre pétition devant la CIDH est que l'État mexicain reconnaisse sa responsabilité dans l'action et l'omission du massacre d'Acteal et garantisse la non-répétition d'actes tels que Acteal.

Chers frères et sœurs, à cette même date, mais il y a 21 ans, il y avait de la douleur et des pleurs, nous avons su les transformer en vie, en force et en joie et nous voulons que vous les ressentiez et les viviez aussi. Nous pensons que la justice des peuples se construit, se pratique et se vit au quotidien, dans le cadre de notre autonomie comme le faisaient nos ancêtres. Et de cette façon, nous voulons terminer en vous remerciant pour votre accompagnement en ce jour et aussi pour les personnes qui n'étaient pas physiquement présentes.

Tout ce dont nous parlons dans ce document est entendu par nos 45 frères et sœurs et les 4 bébés. Ainsi que de notre père et de notre mère Dieu qui nous ont donné force et sagesse pendant 26 ans dans des moments difficiles et des réalisations, nous les remercions de tout notre cœur.

Sœurs et frères solidaires, nous vous disons que nous n'oublions pas votre cheminement depuis votre espace, mouvement, collectif ou familial, nous sentons et ressentons votre lutte et faisons partie de cette lumière qui chaque fois qu'elle se fait ici à Acteal nous illumine et nous embrasse comme une espérance.

Nous espérons que notre Mexique sera libre et que le moment viendra où nous prendrons nos décisions et qu'elles seront respectées, que le système capitaliste de mort disparaîtra, parce que nous voulons tous vivre en paix dans l'harmonie et la dignité.

Depuis Acteal, Site de la Conscience et Maison de la Mémoire et de l'Espoir, nous crions :

Non, plus d'impunité !
Justice vraie et digne !
Vive la lutte non-violente !


CORDIALEMENT

La voix de l'organisation de la société civile Las Abejas d'Acteal.

Pour le conseil d'administration :

 Martín Pérez Pérez                                        Mariano Gómez Ruiz

 Pedro Pérez Pérez                                        Manuel Pérez K’oxmol

Alonso Ruiz López                                         Manuel Pérez nuñez

Pour les représentants des survivants et survivantes du massacre d'Acteal :

Victorio Gómez Pérez                                   Javier Vázquez Pérez

             Acteal                                                   Quextic Centro

traduction carolita d'un communiqué paru sur le site de Las Abejas le 22 décembre 2018

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article