Une piste pour comprendre le mystère de la disparition des Mayas
Publié le 29 Janvier 2010
Un sarcophage de pierre vieux de plus de 1.000 ans a été découvert dans le sud du Mexique et pourrait apporter de nouveaux indices sur les causes du déclin
de la culture maya, a annoncé jeudi 28 janvier l’archéologue mexicain responsable des recherches.
La tombe avait été localisée en novembre par des spécialistes de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (Inah) dans la ville maya de Tonina, dans l’Etat du Chiapas, frontalier du
Guatemala. Ce genre de sarcophage "est unique dans le Mexique antique", selon l’Inah. Le sarcophage et la pierre tombale qui l’accompagne doivent dater d’une période comprise entre 840 et 900 de
notre ère, a précisé à la presse l’archéologue, Juan Yadeum.
Les restes pourraient être ceux d’une femme ou d’un adolescent de haut rang, selon lui. Cette découverte apportera de nouveaux éléments sur "les responsables du
déclin" de la civilisation maya, car la tombe a été ouverte entre 1490 et 1495, a-t-il expliqué. Cela pourrait permettre d’identifier si ces "responsables" étaient des locaux influencés par un
groupe de l’Altiplano andin, ou s’ils venaient d’Amérique centrale ou de régions limitrophes du Mexique actuel, selon lui.
Une civilisation fantasmée et méconnue
- L’Empire des Mayas (300 à 900 ap. J.-C.) Carte Alain Houot, Tonina est située au sud de Palenque
Les Mayas habitent l’isthme mexicain et la péninsule du Yucatán, au sud du Mexique et en Amérique centrale, depuis deux millénaires avant JC. Ils ont hérité des civilisations Olmèques sur la côte
du Golfe et en Oaxaca. Les premiers sites importants émergent entre la naissance de l’écriture et les premiers calendriers solaires gravés dans la pierre ; même s’ils étaient peut-être déjà
connus des Mayas, avant cette date. Autour du Vème et du IVème siècle avant notre ère, des sociétés hiérarchiques se mettent en place et les cités se construisent.
La civilisation Maya a souvent été considérée comme la civilisation "la plus évoluée" du Mexique pré-hispanique, nourrissant tous les fantasmes et les théories fantaisistes des occidentaux en mal
d’exotisme. Aujourd’hui les recherches avancent et ont permis de mieux connaître les autres peuples qui ont précédé, suivi ou cohabité avec les mayas, même si les recherches sont rendues
difficiles à cause de la destruction de nombre d’archives par les colons espagnols à partir du XVIème siècle. La chute de la civilisation maya est une des plus grandes énigmes de l’histoire
mexicaine, puisqu’autour du IXème et du Xème siècle, les sites sont abandonnés par les habitants. On sait maintenant qu’il s’agit plus d’un déclin culturel étalé sur un siècle, que d’un
effondrement ou d’une disparition brutale. On sait aussi qu’il ne faut pas chercher la cause dans une seule catastrophe, comme un tremblement de terre, une épidémie ou un typhon, et que le
phénomène ne peut être compris qu’en invoquant une pluralité de facteurs.
Habituellement, on situe l’histoire de la civilisation maya de 300avant J.C à 950 après J.-C. dans les Basses terres, une période marquée par un ensemble d’innovations et l’émergence de pouvoirs
politiques puissants dans les célèbres Cités-États. Les édifices les plus importants datent de 550 à 800 avec les ensembles architecturaux comme celui de Tikal. C’est également l’apogée de
Palenque, au VIIe siècle avec le roi Pacal et qui décline dès 800. Des cités rivales et guerrières dont les stèles témoignent des jeux d’alliances et de rivalités. Calakmul triomphe sur Tikal en
657 et le roi de Tikal se réfugie à Palenque ; en 695 Tikal capture le roi "Patte de jaguar" de Calakmul. La situation va changer au cours du IXè siècle avec la naissance et le développement des
cités Puuc (qui signifie montagne), comme Uxmal, Labna, Kabah dans la péninsule du Yucatán.Lorsque le Yucatan connaît son apogée, les Basses Terres centrales connaissaient le déclin qui se
traduit par la fin de l’érection des stèles et de l’activité architecturale, comme à Tikal, Copán et Palenque après 800.
Tonina, une clé de l’énigme
Situé dans l’État du Chiapas, le site de Tonina, d’une taille moyenne, est organisé autour d’une grande place. À une de ses extrémités se situe une colline, qui fut artificiellement relevée, et
sur laquelle se situent la plupart des bâtiments. Elle est constituée de 7 terrasses pour une hauteur totale d’environ 80 mètres et compte sur ses flancs temples,palais, bâtiments officiels et
habitations. Ceux-ci furent principalement construits entre le VIe siècle et le IXe siècle. Les ruines de Tonina offre sur le site la plupart des éléments caractéristiques de la civilisation
maya, avec une grande place autour de laquelle se répartissent les principaux édifices de la cité. La pyramide gigantesque ; le Temple de la Guerre Cosmique au sud, et sur un côté, on trouve un
jeu de balle qui fut inauguré autour de 780. La pyramide de Tonina, montre la hiérarchie sociale et l’architecture complexe, répartie sur plusieurs étages, reflète les rapports sociaux d’une
société foncièrement inégalitaire et militariste.
- Tonina, Chiapas - Le dieu maya de la mort, Xibalba saisit la queue de cheval d’un guerrier décapite. Crédit : Frédéric sur picasaweb.
La cité connut son
apogée au VIIème qui coïncide avec un changement de dynastie. Elle devient la grande rivale de Palenque. Cette nouvelle dynastie contesta le pouvoir régional de la grande cité. Durant la période
de renouveau qui suivit, Palenque et les villages l’entourant furent attaqués par Toniná. Conjointement avec Calakmul, la ville harcela constamment Palenque à partir de 690. Elle captura au moins
trois seigneurs de Palenque. L’un d’entre eux, Kan-Xul II, fut décapité autour de 720. En 730, Toniná mit à sac Palenque, contribuant à son déclin. Tonina atteignit son apogée dans la décennie
suivante. Elle était connue comme le "Lieu des Captifs célestes" car elle avait fait prisonnier de nombreux captifs importants. Ceux-ci étaient en général libérés contre de fortes rançons ou
décapités. De nombreuses sculptures de Toniná représentent des captifs soumis à la torture ou décapités.
- Vue depuis la pyramide.
La cité est une zone d’études privilégiée car la présence de stèles trouvées sur le site et datant de 909 suggère que Toniná résista au déclin maya et resta une société active après la
chute de plusieurs cités contemporaines. Autour de 900, la ville fut reconstruite dans un style plus simple et plus austère. Le dernier seigneur de Toniná mentionné est "Jaguar Serpent" en 903.
C’est la dernière fois que Toniná aurait été constituée en société organisée. La cité en ruines fut habitée avec intermittence et ses tombes réutilisées par une population d’origine inconnue,
peut-être des mayas, mais aux pratiques culturelles différentes, notamment dans la façon d’inhumer leurs morts, que les archéologues ont choisi de baptiser a posteriori les ’cheneks’. Le
sarcophage mis à jour jeudi, peut donc apporter de nouveaux éléments sur les origines de ces populations et les premières analyses confirment une influence Toltèque parmi les objets qui
accompagnent les squelettes. Cependant, les scientifiques appellent à la prudence et soulignent qu’une seule découverte ne peut permettre de conclure à un cas général.
L.S. pour l'huma