Jeunesse Génération sacrifiée ?

Publié le 24 Janvier 2010

Jeunes précaires, un sous prolétariat


Ils mettent entre huit et onze ans à décrocher un CDI. Peu ou pas payés, les jeunes en intérim, CDD ou stagiaires, vivent dans la plus grande précarité. Pour faire pression sur l’ensemble du salariat, gouvernement et patronat tentent de les y maintenir.


Une série d’enquêtes toute la semaine dans l’Humanité.


« La jeunesse est discriminée économiquement, désocialisée culturellement et sous-représentée politiquement. » Le ton est donné par Olivier Galland, chercheur du groupe d’études des méthodes de l’analyse sociologique, dans le Journal du CNRS de septembre 2009 qui consacrait un dossier à « la longue route vers l’âge adulte ». Il existe une catégorie pour qui cette route est encore plus longue. « 1,7 million de jeunes vivraient dans cette “zone grise” de la précarité », estime Mathieu Angotti, directeur du département évaluation du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). La dénomination « jeunes précaires » englobe les 18-25 ans, étudiants- salariés, salariés à temps partiel, en CDD, intérimaires, diplômés, voire surdiplômés en stage rémunérés 30 % du smic ou non, etc. Les catégories se superposent mais la réalité est toujours la même : la galère.


Benjamin Pruvost, la vingtaine, travaille en intérim depuis qu’il a dix-huit ans. En septembre, il témoignait dans l’Humanité de la précarité de cette situation, qu’il a pourtant choisie. « Vous vous plaignez, on vous vire ! Vous êtes trop lent, trop faible, pas prêt à faire des heures sup’ ? On vous vire ! Vous refusez trop souvent des missions ? L’agence ne vous rappelle plus. Le travail intérimaire n’offre aucune garantie (d’embauche, donc de salaire à la fin du mois), aucun droit (de grève, par exemple). En définitive, pour le patronat, l’intérim, c’est la soumission de la main-d’oeuvre pour plus de profit : de l’esclavage moderne. »

 Constat sans appel, souligné par un sondage Ifop de novembre 2008 : « 48 % des intérimaires ont moins de vingt-cinq ans. » Sans surprise, les femmes et les ouvriers souffrent encore plus : 50 % des femmes entrent sur le marché du travail en signant un CDD (contre 36 % des hommes), et 73 % des ouvriers débutent en CDD ou en intérim (contre 50 % pour les cadres). « Les conditions d’embauche se sont dégradées, souligne le Monde du 3 octobre 2009. Cinquante-quatre pour cent des jeunes ont signé un CDI en 2009, contre 61 % en 2008. » Et seulement « 64 % ont accédé au statut de cadre, contre 70 % en 2008 ». Pas étonnant qu’en 2008 – et la tendance se conforte –, seulement « 25 % des jeunes Français (étaient) pleinement convaincus que leur avenir (serait) prometteur », au plus bas des scores de toute l’Europe, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique.

 

Ce qui n’était hier que la préoccupation des organismes de jeunesse (l’Unef, notamment, tente d’imposer ce sujet de débat depuis des années) est devenu au fil des années un problème de société majeur. Pour cette « force de travail en pointillé », comme l’appelle le sociologue Michel Vakaloulis (dans l’Humanité des débats du 7 décembre 2009), le processus d’intégration au marché du travail est toujours long et pénible. Dans le numéro du 17 janvier, le directeur adjoint du Centre de sociologie européenne, Gérard Mauger, enfonce le clou :

 « Un éventuel CDI s’obtient au terme d’une sorte de parcours initiatique, où il s’agit pour le nouvel entrant de faire montre d’une dévotion sans bornes et d’une docilité irréprochable à l’égard de l’entreprise et de l’encadrement pour le “mériter ”. » Selon l’OCDE, un jeune de France met entre huit et onze ans pour entrer durablement sur le marché de l’emploi, c’est-à-dire décrocher un CDI, contre trois à cinq ans dans les autres pays membres. Les entreprises n’ont aucun scrupule à utiliser une main-d’oeuvre sous-payée, surqualifiée et que l’État subventionne grassement en allégements de charges. Quant à régulariser leur situation…


« Vous comprenez, c’est la crise », répondent-elles lorsqu’un organisme s’attaque au dossier, rappelle Ophélie Latil, de Génération précaire Le piège se referme donc sur « une génération contrainte de confirmer d’emblée son employabilité, périssable et remplaçable au gré des besoins de l’entreprise », explique Michel Vakaloulis. « On ne donne pas aux jeunes le temps de choisir et de se former, il leur faut immédiatement être opérationnels », renchérit Emmanuel Sulzer, du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, dans l’Expansion de septembre 2009. Opérationnels, voire rentables.

 Dans leur livre, les Nouveaux Intellos précaires (paru en avril 2009 chez Stock), Anne et Martine Rambach interviewent Éric, un chercheur postdoctorant dans un laboratoire « hyperprestigieux » qui privilégie « les résultats à tout prix » pour « décrocher de l’argent ». Prometteur, Éric se voit confier des travaux qui n’entrent pas dans son champ de compétences, qui l’accaparent au détriment de son propre travail, celui pour lequel il a été remarqué et engagé. Les travaux capotent, ses relations avec sa directrice deviennent « exécrables » et la sentence tombe : elle ne le soutiendra pas pour postuler à un poste de chercheur. « Je suis ultraprécaire pour mon avenir puisque c’est mon chef qui décide s’il me présente au concours ou pas, assène Éric. Je suis précaire parce que je ne suis habilité à rien dans mon travail, je ne peux faire qu’une chose : produire du résultat. J’ai trente-quatre ans, je n’ai aucune reconnaissance. » On note au passage que pour les précaires, la « jeunesse » ne s’arrête pas à vingt-cinq ans. À trente ans, près d’un tiers (des Français) n’ont pas d’emploi stable, contre 6 % des Danois et 12 % des Néerlandais.


Si les organisations de jeunesse ont enfin trouvé des relais dans l’opinion, elles n’en abandonnent pas pour autant ce dossier. Dans son dossier « Emploi et formation 2009 », le Mouvement des jeunes communistes de France analyse les politiques menées conjointement par la droite au pouvoir depuis 2002 et le patronat comme une intériorisation de la précarité « pour nourrir le fatalisme ». Exemple criant de ce fatalisme, le témoignage de Jennifer, diplômée d’une école d’ingénieurs, dans le Monde du 3 octobre 2009 : « Jusqu’en janvier, je cherche un poste d’ingénieur. Après, je prendrai ce qu’on me proposera. » « En habituant les générations successives à l’idée que vivre dans la précarité, avec un minimum d’ambition, de moyens, écrivent les Jeunes Communistes, en (les) habituant à accepter la logique du chacunpour- soi, la droite veut façonner une société nouvelle bâtie sur l’absence totale de résistance, d’esprit critique et d’aspiration au changement. » Et ce ne sont pas les fausses mesures annoncées par Nicolas Sarkozy qui rassureront les jeunes. L’extension du revenu de solidarité active aux moins de vingt-cinq ans ? « Ce ne sont que quelque 150 000 personnes entre dixhuit et vingt-cinq ans, nécessairement des travailleurs pauvres, qui devraient percevoir un RSA d’un montant situé entre 50 et 100 euros », dénonçaient les économistes José Caudron et Catherine Mills.

 Une « soi-disant générosité » qui risque de « clore le débat sur une action véritable pour aider les jeunes à sortir de la précarité ». Faire perdurer « une véritable armée de réserve » sert à « faire pression à la baisse sur l’ensemble des salariés, à les mettre en concurrence et tirer leurs conditions vers le bas ». Même analyse chez les Jeunes Socialistes : en généralisant les contrats spécifiques à la jeunesse (CNE, contrats aidés de type CAE, contrats d’avenir…), « la droite tente de les ériger en norme ». Nul doute, poursuit la jeunesse de gauche, qu’elle tentera d’« imposer ces contrats à l’ensemble du salariat », comme l’annonçait Nicolas Sarkozy à travers la mise en place du contrat unique. Les combats que livrent la jeunesse aujourd’hui seront ceux de la société demain…

 

GRÉGORY MARIN pour l'huma



Ma réaction :

Les jeunes et leur avenir font partie de ma préoccupation première, je suis très inquiète par la place que l'on fait à nos jeunes, notre avenir dans cette société française qui ne comprend rien à rien. Précaires à partir de l'école maternelle qui commence la sélection entre ceux qui réussiront et les autres, sélection intellectuelle, de classe aussi puis ensuite le parcours du combattant pour l'orientation scolaire car force est de constater que les fameux critères sociaux dont se servent les académies pour identifier les populations sont bien établies. Peu de chance qu'un fils de bobo se retrouve en alternance ou dans une classe à niveau allégé. Pour autant que je sache, le fric n'est pas tout, il ne fera jamais d'un canasson un cheval de course, je sais c'est péjoratif mais c'est tellement vrai . Par contre ce même fric servira à payer une école privée ou des filières qui s'accomoderont d'un cas particulier. Lorsque l'on relève du social, les portes sont approximativement ouvertes jusqu'au bac car les aides fonctionnent permettant à des enfants venant de milieux populaires de suivre en école publique. Ensuite, qu'ils soient brillants ou non, les chiffres sont là pour démontrer que la majorité des élèves qui continuent dans le supérieur sont issus de familles aisées ou sont enfants d'enseignants.
Pour le monde du travail, la diatribe entendue à l'école qui dit en gros que plus on fait de longues études, plus on a  de chance d'avoir un  tavail rémunéré tant ( car  on fait miroiter aux élèves des approximatifs en matière de salaire,) cet argument est démonté par ce gouvernement : plus on a de diplômes moins on intéresse les patrons et pour cause, le principal pour eux c'est de sous payer leurs emplyés. Ces jeunes très qualifiés n'ont bien souvent pas d'autre solution que d'aller proposer leurs services à l'étranger.
Pour les malheureux gamins qui n'ont pas réussi leurs études pour X raison, là c'est la précarisation obligée, exploitation, travail de nuit, petits boulots mal payés, pas de CDi et tout s'enchaîne et pourtant ces gamins là sont souvent les moins paresseux...
Je suis dégôutée par tout ça, un gouvernement qui ne met pas le paquet pour la jeunesse n'a rien compris. Qui d'entre nous à la chance de faire naitre ses enfants en milieu favorisé ?
Par contre, je suis confiante dans la possibilité d'adaptation et dans la débrouillardise de nos jeunes issus du peuple, je suis certaine que le système D, ils vont s'en servir et cela se fera sur le dos du gouvernement et sera un bon revers de médaille !!

caroleone




Rédigé par caroleone

Publié dans #PolitiqueS

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C
<br /> Alain, tu peux te servir de mes articles sans problème<br /> <br /> amitiés<br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br />
A
<br /> Très bonne synthèse caroleonne j’ai presque envie de me servir de ton analyse pour faire un papier sur mon site…avec ta permission évidement.<br /> Une société qui ne peut donner un avenir correct aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail à sa jeunesse ne peut avoir aucun avenir.<br /> Mais sans jouer les anciens combattants de 1968 les jeunes de nos sociétés occidentale ont t’il suffisamment de hargnes pour construire leurs avenirs.<br /> Je regarde autour de moi dans les différentes manifestations sociales ou politiques, la mobilisation reste faible ! Et pourtant se sont des jeunes qui souffrent le plus de cette politique<br /> De profits ultra-libérale ! Ce sont aussi la jeunesse de notre société qui va assurer l’avenir de notre pays.<br /> Quelque par je me sent coupable de leur laisser en héritage, bien souvent que de la misères<br /> Des mensonges d’une communauté égoïste .<br /> <br /> <br />