Hommage à Pierre et Marie-Rose Kerhervé
Publié le 16 Janvier 2012
Ceux qui me connaissent et suivent ce blog savent qu’il a la particularité d’être un devoir de mémoire, une
sorte de continuité du combat militant de mon grand-père Pierre Kerhervé, ainsi d’ailleurs que mes engagements au PCF et à la CGT récemment.
Le moment est venu pour moi de tourner une page difficile de ma vie et de passer à une époque qui verra je
l’espère s’accomplir pour moi une libération personnelle fort attendue.
Mes valises en effet, étaient si chargées, qu’un jour elles ont alourdit ma vie au point de mettre une
barrière importante m’empêchant d’avancer plus loin sur les chemins de la vie.
Il fallait donc ranger dans les tiroirs de mon cerveau, tous les attributs alourdissant la valise et mettre
un terme à ces souffrances définitivement.
J’espère que cela sera bientôt réalisé et j’ai grand espoir en mon médecin, en mon potentiel et en
l’avenir.
Il est important à ce jour que je rende encore un petit hommage aux êtres qui m’ont permis d’arriver jusque
là et qui m’ont offert tout leur savoir, leurs valeurs, leur foi en l’avenir et en l’être humain.
Parce que sans Pierre et Marie-Rose Kerhervé, Caroleone ne serait pas et elle n’aurait jamais trouvé ses
branches humanistes et dévouées offertes par leur exemple, des branches auxquelles elle s’est accrochée maintes fois et qui lui ont permis de s’en sortir.
Chez mes grands-parents, c’était le paradis, je sais, les enfants ont souvent tendance à exagérer les
souvenirs mais c’était le ressenti de tous ceux qui ont connu mes grands-parents, aussi bien famille, qu’amis et collègues de travail de mon grand-père.
Monter les escaliers vers leur humble petite maison de bois construite de leurs mains, abritée sous un
immense tilleul, c’était déjà prendre le chemin de la paix et de l’harmonie.
On se sentait bien dans cette petite maison sans fioritures ni façons, on savait qu’on allait trouver le
calme, l’écoute, l’amour, l’affection, le partage autour des petits plats, les parlottes sur la politique, l’histoire, les enfants, le passé, l’avenir….on refaisait sans cesse le monde chez mes
grands-parents.
Bon, c’est vrai, quand Marchais passait à la télé, alors là, il fallait se taire, nous les gamins, Marchais
c’était comme notre oncle, il faisait partie de la famille et son écoute était plus religieuse que la messe.
Les seules fois où mon grand-père s’énervait, s’était à cause des informations, et il faut dire qu’en tant
que communiste, il avait de quoi trouver à redire sur l’info déjà à l’époque. Et il s’emportait, s’étouffait de rage et ses convictions politiques étaient si fortement présentes et le guidaient
si sincèrement, que l’on ne pouvait qu’adhérer à ces combats.
Petite parenthèse, c’est d’ailleurs bizarre que je sois la seule des six petits-enfants à avoir « repris le
flambeau » mais il faut dire que j’allais souvent chez mes grands-parents qui m’apportaient ce dont j’avais besoin.
Ce sont eux qui m’ont transmis l’amour de la nature, des plantes, des fleurs, de la culture aussi bien des
plantes que de l’autre, l’amour des enfants et de l’éducation de ces derniers à l’ancienne et autour d’une vie simple et naturelle.
Ma petite grand-mère Marie-Rose était une femme d’un dévouement exemplaire, elle a voué sa vie aux autres,
sans se plaindre, de son enfance au troisième âge. C’était une femme que chacun admirait, elle ne critiquait jamais personne, elle était bonne, douce et aimante, elle donnait toujours une chance
aux gens et trouvait des excuses même aux plus pourris. Elle n’avait d’ailleurs pas du tout hérité du caractère de sa mère, qui elle avait plutôt le profil « sorcière ».
Ma grand-mère voulait être missionnaire dans le tiers-monde, elle n’a pu réaliser son vœu parce qu’elle
s’occupait de toute la famille pour qui elle faisait la bonniche et parce qu’elle a ensuite rencontré mon grand-père.
Ce dernier venait de se faire crever violemment son œil sur son lieu de travail, il avait environ 20 ans et
portait un gros pansement qui a de suite attiré Marie-Rose qui avait un cœur tendre. Cette histoire qui aurait pu mal tourner parce que l’on peut se demander si la pitié se transforme en amour, a
été une histoire exemplaire, de plus de 50 ans sans nuages.
Je sais que je dois beaucoup de traits de mon caractère et mes engagements àc es derniers, l'écologie,
l'anticonformisme, la liberté d'action et de pensée, tout ceci vient d'eux.
Mes grands-parents comme de nombreuses personnes de leur génération avaient connu deux guerres et redoutaient
plus que tout qu’une autre arrive forcément et comme ils avaient connu des privations, leur leitmotiv était concentré sur le bon vivre et la nourriture. Chez eux, chaque nouveau venu avait sa
place à table et les repas étaient de vrais rituels, mon grand-père mettant le tablier dès qu’il fut à la retraite.
Ils vivaient quasiment en autarcie avec un grand jardin permettant de cultiver toutes les espèces de fruits
et de légumes et un poulailler apportant la viande et les œufs plus des à côtés. Ils achetaient peu de victuailles et nous passions beaucoup de temps à faire des conserves, au cas où il y aurait
une guerre, comme ils le disaient.
Lorsque la saison des harengs arrivaient, mon oncle allait à Varengeville en acheter directement au retour de
pêche en grande quantité et nous les conservions au sel ou marinés (miam miam).
On fabriquait tout chez eux, sirops, confitures, boissons, liqueurs et j’ai appris la taxidermie également,
j’étais experte en tannage de peaux (tiens, j’me ferais bien celle du nain !!)
Cette vie simple que chacun de nous a connu permettait l’épanouissement d’enfants curieux de tout, qui
vivaient dans la nature en toute liberté mais étaient conscients de toute l’importance de la vie familiale et du partage.
Ce sont toutes ses valeurs qui forgent un individu et que l’on peut ensuite transmettre sereinement à nos
enfants en adaptant évidemment les choses à l’époque vécue qui est loin d’être aussi belle.
Chez eux, on pouvait tout faire, il y avait l’espace, la liberté, le bazar de l’atelier, une mini serre et
pour ma part c’était un terrain de jeu formidable me permettant de mettre en application toutes les belles choses retenues dans le livre des 5. Ma grand-mère soignait les immanquables bobos et
couvraient les bêtises des petits diables, comme toutes les mamies.
Mais surtout, ce que je leur dois et dont je me rends compte plus encore aujourd’hui, c’est de m’avoir donné
cet espoir, cette petite flamme dont j’avais tant besoin pour me permettre de ne pas en arriver à satisfaire mes idées noires. C’est ce passé que j’enterre aujourd’hui en narrant cette histoire,
c’est la petite Caroleone que j’enterre avec toute sa tristesse et son chagrin qui n’ont pas manqué de resurgir tout au long de ma vie.
Je lui dis adieu et je sais qu’elle me laissera en paix à présent puisque les pages de la vie se tournent
telles celles d’un livre et que les accidents de parcours, il faut les soigner, les noter et les ranger dans les tiroirs de notre petite chambre de bonne. Tout ceci pour offrir aux autres, l’aide
sincère et efficace d’un être qui avance la tête libre……c’est mon souhait le plus cher et je le dois à Pierre et Marie-Rose, les premiers à avoir cru en moi. Ils me manquent chaque jour depuis
leur disparition.
Caroleone