Communiqué des peuples et organisations autochtones représentés devant la Commission nationale des droits de l'homme

Publié le 11 Septembre 2019

Les peuples autochtones et les autorités indigènes de Colombie, dans le cadre de la session de la Commission Nationale des Droits Humains des Peuples Indigènes - CNDDHHPI, tenue les 9 et 10 septembre 2019, nous informons le peuple colombien, les institutions gouvernementales et la communauté internationale que :

Nous sommes 104 peuples originaires qui défendent le territoire et nos droits individuels, collectifs et différentiels qui se voient  menacés par des politiques gouvernementales matérialisées par des actions régressives qui ont conduit nos communautés à une situation caractérisée par le risque d'extermination physique et culturelle.

Nos mandats de protection, d'autoprotection et de sauvegarde territoriale sont stigmatisés, signalés, démantelés et éliminés du scénario national par une méthodologie de colonisation, d'usurpation de la pensée et de pillage du territoire. En plus des processus de génocide, d'ethnocide et d'écocide, nous sommes victimes de fausses accusations envers nos processus organisationnels soutenus par la défense légitime du " bien vivre " de nos communautés dans les territoires.

Nous réaffirmons que nous ne sommes pas des alliés des groupes armés, nous sommes une collectivité qui résiste sans armes, brandissant les bâtons, les arcs et les sarbacanes de la dignité face à la barbarie de la violence, la discrimination et l'oubli. Nous ne nous apparentons pas à des idéologies politiques truquées et nous promouvons la paix parce qu'il est de notre devoir de maintenir l'équilibre entre l'homme et la nature.

Cependant, ceux qui ont historiquement exproprié le territoire, construit sa richesse économique avec l'asservissement des secteurs les plus vulnérables, l'appauvrissement des Colombiens, le rejet et le déni systématique des droits fondamentaux, ne se sentent pas pleinement satisfaits et voient dans le conflit armé une stratégie visant à affaiblir le mouvement autochtone par ses pratiques déshumanisées de meurtres sélectifs, massacres, menaces directes et collectives, et autres pratiques condamnables.

Nous rejetons les accusations portées contre nous et dénonçons :

 

  • La grave situation des violations des droits de l'homme que subissent nos communautés sur leurs territoires en raison de la négligence de l'État, des actions des groupes armés en marge de la loi et des activités extractives développées par les entreprises nationales et transnationales qui détériorent nos conditions de vie et mettent en danger la survie de nos communautés.
  • La militarisation de nos territoires et la mise en œuvre de politiques gouvernementales qui poursuivent et attaquent nos propres formes de protection telles que la garde indigène et d'autres mécanismes de résistance.
  • Le génocide continu des peuples autochtones qui nous mène à l'extermination physique, territoriale et culturelle avec des pratiques illégales de disparitions forcées, de dépossessions territoriales et de violations des droits de l'homme qui menacent notre vie, notre territoire et notre dignité.
  • L'aggravation du conflit armé dans le Pacifique colombien, où le sang et le feu se battent pour dépouiller les peuples autochtones de leurs territoires et céder ainsi la place à des mégaprojets continentaux tels que le canal interocéanique qui détruira les écosystèmes stratégiques.
  • L'ignorance de l'État des normes et traités internationaux, notamment la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention 169 de l'OIT ratifiée par la Loi 21 de 1991, l'Accord définitif pour la fin des conflits et la construction d'une paix stable et durable (chapitre ethnique spécifiquement), Loi 1448 de 2011, Décret-loi 4633 de 2011, Décret-loi 4633 de 2011, Décret-loi 1953 de 2014, Auto 092 de 2008, Accords de consultation préalable libre et éclairée avec le Système Intégral de Vérité, Justice, Réparation et Non-Répétition (SIVJRNR), Décret-loi 1955 de 2019, et la bloc constitutionnel.
  • Le non-respect des droits des victimes, qui n'attendent pas toujours les engagements de l'État.
  • Le non-respect des accords de la Commission des Droits de l'Homme - 2015-2019 : en ce qui concerne les accords relatifs aux droits de l'homme signés entre le gouvernement national et les organisations autochtones nationales, il y a un niveau disproportionné de non-respect face à la situation de conflit actuelle, ce qui expose le manque de volonté politique de la part du gouvernement national pour garantir des actions réelles et énergiques qui contribuent à l'exécution des programmes, politiques et projets ayant des répercussions nationales et territoriales.
  • Nous rejetons la mise en œuvre inadéquate du processus de substitution et d'éradication des cultures illicites qui menacent notre territoire par fumigation au glyphosate, ignorant les dommages qu'il cause à la santé et à l'environnement.

Pour ces raisons, nous demandons :

 

  • Au peuple colombien de maintenir et d'entourer les luttes sociales pour la défense des droits, de la vie et du territoire. Sensibiliser et reconnaître que les politiques gouvernementales détruisent la Terre Mère.
  • À l'État colombien d'enquêter sur les fausses accusations portées par les représentants politiques contre les peuples et les organisations autochtones qui nous mettent en danger et qui violent nos droits.
  • Renforcer les mécanismes de participation des communautés autochtones au sein du Système Général de Participations (Sistema General de Participaciones -SGP), conformément aux accords établis.
  • Mettre fin à toutes les formes de dépossession territoriale qui se produisent au sein des peuples autochtones.
  • A la communauté internationale de développer un travail d'observation, de suivi et de plaidoyer pour le respect et la garantie des droits des peuples autochtones.

Nous, les peuples autochtones, voulons et sommes attachés à la paix ; nous sommes dans la disposition permanente d'un dialogue interculturel ouvert, qui tend au respect de nos principes, territoires, oralité et modes de vie.

Nous espérons donc que les actions visant à violer les droits des peuples et communautés autochtones seront atténuées et stoppées, conformément à leurs obligations internationales, conformément au modèle d'État défini dans la Constitution de 1991 et conformément au chapitre ethnique des accords de paix, ainsi qu'à toutes celles nécessaires et pertinentes pour garantir la vie des dirigeants et peuples autochtones, où nous pouvons faire d'un État démocratique une réalité selon les principes du respect de la diversité ethnique, de la protection du territoire et de la défense de la vie.

En outre, nous devons garantir la participation réelle et effective des peuples autochtones, par l'intermédiaire de nos organisations nationales et locales, à l'élaboration de la feuille de route visant à renforcer et mettre en œuvre des initiatives durables pour la protection du bassin amazonien.

Enfin, nous appelons une fois de plus la société civile à construire ensemble la paix, le respect de la nature et la résistance pacifique en promouvant la défense de la vie.

"Comptez sur nous pour la paix, jamais pour la guerre.

traduction carolita d'un communiqué paru sur le site du CRIC  le 10 septembre 2019

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