traduction d'un article de 2017 en lien avec l'article sur le peuple Nutabe

Cette communauté ancestrale est située dans le canyon de la rivière Cauca, la zone d'influence de Hidro-Ituango, qui sont les Nutabes et pourquoi leur reconnaissance en tant que communauté indigène est-elle importante ? pourquoi la tension persiste sur le plus grand projet hydroélectrique de Colombie ? Culture et biodiversité menacées.

La résolution 0071 du Ministère de l'Intérieur du 19 mai 2017, dont Claves21 a eu la connaissance exclusive , a reconnu la communauté d'Orobajo del Puebajo du Peuple Nutabe, dans le département d'Antioquia, et l'a inscrite au registre des communautés indigènes.

La résolution reconnaît 57 familles ayant des unités familiales dans les villages d'Orobajo, La Loma, La Aurora et La Meseta, dans la municipalité de Sabanalarga ; dans les villages de Llanón Cañanoa, Guayabal et La Bastilla, dans la municipalité de Peque ; et dans les villages de El Tinto, La Florida, La Honda et La Hundida à Ituango dans le département de l'Antioquia.

Edelider Zapata Valle, gouverneur du cabildo Nutabe de Orobajo, a reçu la nouvelle avec joie. Zapata a 42 ans et vit dans la municipalité d'Ituango (Antioquia), zone du projet hydroélectrique.

"Nous avons toujours été organisés. Conserver nos usages et nos coutumes est la chose la plus importante pour qu'ils ne disparaissent pas. Nos grands-parents étaient dans le canyon de la rivière Cauca, mais ils ont dû partir à cause du conflit armé ", ajoute Zapata.

Dans cette région, il décrit les Nutabes qui ont été persécutés. Ils ont été victimes de plusieurs massacres, dont celui d'Orobajo en 1998, au cours duquel Don Virgilio Sucerquia a été massacré avec d'autres par des paramilitaires.

Deux des conséquences de l'attaque contre cette communauté indigène ont été le déplacement forcé d'Orobajo, dans la municipalité de Sabanalarga, vers d'autres municipalités d'Antioquia et le silence des autres dirigeants qui avaient peur de parler.

Malgré les difficultés à maintenir l'unité et la prétendue extinction de ce peuple et le refus initial du ministère de l'Intérieur de le reconnaître, ils survivent.

Architecture propre à Orobajo, les maisons en bareheque. Photo : Jorge David Higuita.

Architecture propre à Orobajo, les maisons en bareheque. Photo : Jorge David Higuita.

Pour l'anthropologue Jorge David Higuita, conseiller du Conseil indigène Nutabe de Orobajo et expert dans cette communauté, il est facile de retracer leur existence dans le canyon du fleuve Cauca. Les Espagnols ont signalé leur présence et se sont référés à eux comme un peuple nombreux, organisé en chefferies dans le canyon de la rivière d'où ils extrayaient l'or et plantaient du coton, entre autres produits.

Ce registre, explique Higuita, en fait la 103e communauté indigène de Colombie.

Pour le Ministère de l'intérieur, cette communauté a fait l'objet d'un processus de récupération de son identité ethnique qui satisfait au critère de l'auto-reconnaissance et répond aux normes minimales requises en tant que communauté indigène, conformément à la résolution ministérielle.

Ce peuple, ajoute la résolution, réunit les quatre aspects de sa définition en tant que communauté indigène : (1) ascendance amérindienne ; (2) conscience de son identité ; (3) culture représentée par des valeurs ; et (4) formes de gouvernement, de gestion et de contrôle social, exprimées dans leurs propres systèmes normatifs et différenciées des autres communautés.

"Grâce aux traditions orales, ce collectif s'est appelé cannoneros et montañeros, cañoneros pour être dans le canyon de la rivière et montañeros, pour la montagne," décrit le ministère.

Actuellement, les caractéristiques des Nutabes, explique Higuita, sont liées à la pratique ancestrale du baraqueo, l'exploitation minière artisanale, héritée d'avant la Conquête.

En outre, ils se distinguent par leur proximité permanente de la rivière, leur principal habitat, et pour la pratique de la pêche, la culture du maïs et des haricots ; en outre, pour leurs relations de compadrazgo, institution et lien entre les individus, les couples, explique l'expert.

Tension à cause du projet hydroélectrique

Avant même d'être officiellement reconnus comme communauté indigène, les Nutabes ont demandé la protection des ressources naturelles de la région où ils ont toujours vécu.

Forêt tropicale sèche à Orobajo en hiver. Photo : Jorge David Higuita.

Forêt tropicale sèche à Orobajo en hiver. Photo : Jorge David Higuita.

Le canyon de la rivière Cauca où se trouve Hidro-Ituango fait partie du territoire ancestral de cette communauté. "La région où les Nutabes ont traditionnellement vécu est très importante en termes d'écosystème. Il s'agit de la forêt tropicale sèche, la plus rare de Colombie et d'Antioquia, dont certains vestiges se trouvent précisément dans cette zone du canyon du fleuve Cauca, explique Jorge David Higuita.

La rivière Cauca n'est pas une artère fluviale qui sépare les villages d'un côté à l'autre. C'est un espace de rencontre et de sociabilité pour ceux qui l'habitent où ils se retrouvent pour chercher de l'or, pêcher, récolter les ressources de la forêt ou cultiver, dit l'anthropologue de l'Université nationale Neyla Castillo.

le barequeo en image (note de bibi) De GOJUKA - Trabajo propio, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=22817176

"Perdre le fleuve, les plages, les forêts et les terres que le réservoir inondera et les terres qu'Empresas Públicas de Medellín a achetées pour les intégrer dans la zone de protection provoque une forte rupture du tissu social et des référents symboliques de la culture des barequeos ", ajoute Castillo.

La relation des Nutabes avec la forêt a été une relation de conservation, de soin. Ces forêts ont été peu exploitées parce qu'ils n'ont extrait du bois que pour construire des maisons et des radeaux, parmi d'autres produits nécessaires.

La conservation a été possible parce qu'il s'agit de communautés d'écorceurs et de pêcheurs qui ne pratiquent pas la coupe pour la plantation, sauf dans de petites zones.

Leurs activités ont été l'autoconsommation, elles n'ont pas d'impacts environnementaux importants sur les écosystèmes forestiers et, bien qu'ils chassent occasionnellement, les espèces sont maintenues à des niveaux adéquats.

Un autre élément très important est la représentation que les communautés du canyon font de ces espaces non domestiqués : "Un monde dans lequel chaque être, chaque forme qui l'intègre et chaque événement inhabituel répond à la logique des êtres, des entités et des forces surnaturelles qui se considèrent propriétaires et protecteurs de ce que les humains prennent pour leur bien", décrit Neyla.

Dans les montagnes, ces entités sont représentées par la madremonte, les elfes et les esprits protecteurs des plantes et des animaux " qui ont leurs mystères là où se trouvent les trésors, les sanctuaires et les pépinières ", dit l'anthropologue Neyla.

un guacamaya verde, "Ara militaire", un grand symbole culturel pour les Nutabes.

un guacamaya verde, "Ara militaire", un grand symbole culturel pour les Nutabes.

HidroItuango est situé dans le "Cañón del Cauca", un tronçon dans lequel cette rivière traverse des canyons profonds et descend sur environ 800 mètres. Ce sera le plus grand barrage hydroélectrique du pays, qui entrera en service en décembre 2018 et commercialisera de l'énergie, selon son site Web.

Le projet, situé au nord-ouest du département d'Antioquia, occupe des propriétés dans les municipalités d'Ituango et de Briceño, où se trouvent les principaux ouvrages : Santa Fe de Antioquia, Buriticá, Peque, Liborina, Sabanalarga, Toledo, Olaya, San Andrés de Cuerquia, Valdivia et Yarumal.

Le développement de ce projet n'a pas manqué de tensions entre les entreprises publiques de Medellín, qui en sont responsables, et les communautés paysannes ainsi que les Nutabes.

Remigio Moreno Rueda est appelé "El Cacique" parce qu'il dit aux gens de sa communauté de ne pas avoir honte d'être les descendants de Nutabes. Il a 73 ans et vit dans la commune de Sabanalarga (Antioquia).

Remigio a raconté que les aspects les plus regrettables qui se sont produits avec ce projet sont : le déplacement forcé de la communauté où ils vivaient, par exemple, des villages d'Orobajo et Barbacoas, rien ne reste, les ranchs ont disparu.

D'autres difficultés - ajoute-t-il - sont la perte de la pratique du travail du sol, sur les berges des rivières, les graines d'absinthe*, la citronnelle et bientôt le relief utilisé comme plantes médicinales, qui disparaissent en raison de la nécessité de couper la forêt pour inonder la zone du barrage.

De plus, l'exploitation forestière fait fuir les oiseaux qui perdent leurs maisons, dit-il avec nostalgie, pensant au toucan citronnier (Rhampastos vitellinus citroelameus), au toche groupé (Ramphocefus flamigerus), une espèce endémique, et à l'ara vert (Ara militaris), entre autres oiseaux dans cette région.

Ríos Vivos Antioquia, mouvement de défense des rivières et des personnes touchées par les barrages, a présenté un rapport alternatif au ministère de l'Environnement, à l'Institut Humboldt et à la Corporation régionale autonome d'Antioquia (Corantioquia) sur les impacts du projet Hidro-Ituango.

Le rapport de l'année dernière intitulé : Appel à la raison environnementale dans l'écosystème de la rivière Cauca autour du projet Hidro-Ituango, abordait les préoccupations des communautés, y compris l'impact sur les écosystèmes, la destruction d'environ 4 000 hectares de forêt tropicale sèche.

Paradoxalement, le conflit armé dans cette région, qui a empêché l'établissement de cultures, a permis leur conservation. "C'est ainsi qu'un véritable corridor biologique et un grand écosystème fluvial ont été créés, qui vont maintenant être réduits sans les mesures compensatoires nécessaires", indique le rapport alternatif.

Rios Vivos a mené plusieurs actions pour renforcer les connaissances ancestrales des peuples, ce qui permet la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la forêt dans la vie des communautés.

Barequeo, essentiel pour la culture Nutabe et Cañonera

Ríos Vivos Antioquia a accompagné les communautés dans le processus de reconnaissance en tant que communauté indigène et dans la nomination du barqueo comme patrimoine culturel immatériel par le Ministère de la Culture, ce qui a été refusé en décembre 2014. (en espagnol sur l'article en lien)

Cette application et postulation décrit en profondeur les relations entre les cannoneros et leur habitat, les plantes qu'ils utilisent pour séparer l'or. La communauté dédiée à le barequeo n'utilise pas de produits chimiques pour séparer l'or, clarifie la sociologue Isabel Zuleta, les plus habiles dans ce domaine ce sont les femmes elle, le séparer sans rien utiliser, seulement avec le mouvement du plat, les autres le font avec l'urine.

"D'autres utilisent le cèdre de plage, la coquille de l'arbre Achi et l'avocat (Persea caerulea), qui permettent de séparer l'or de façon ancestrale. Tout d'abord, dans un moulin artisanal en bois, les sables plus lourds sont séparés des sables plus légers, laissant la jagua*, une sorte de "farine" plus noire. Ensuite, ils font macérer les feuilles de ces arbres, ce qui permet de séparer l'or, sans utiliser de produits chimiques polluants". précise Zuleta.

La candidature du barequeo en vue de son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel (LRPCI) a échoué, mais la résolution 2636 du 7 septembre 2015 du Ministère de la culture a refusé cette inscription.

La résolution du ministère de la Culture explique que l'anthropologue Neyla Castillo dit que ce n'est pas aussi clair. "En disant que c'est une manifestation, ils acceptent apparemment son caractère culturel mais pas sa valeur patrimoniale, ce qui est une contradiction (....)

Les contradictions sont plus grandes, poursuit Castillo, lorsqu'elle examine la documentation du processus parce que le ministère de la Culture a ignoré le concept de la Commission de vérification qu'il a nommée pour évaluer la demande. La Commission a soutenu qu'il s'agissait d'une manifestation culturelle de caractère patrimonial qui devait être protégée et incluse dans le LRPCI.

Castillo, anthropologue à l'Université nationale, rappelle qu'après le refus du ministère de la Culture d'inclure le barequeo comme patrimoine culturel immatériel dans la LRPCI, ils ont utilisé les ressources juridiques appropriées.

Ils ont déposé un recours en réintégration contre la résolution qui refusait d'inclure le barequeo dans le patrimoine immatériel. Ils ont demandé à la mairie de Sabanalarga d'initier le processus de candidature mais ils ont refusé à deux reprises, la dernière fois le 8 novembre 2016, arguant que c'est la compétence de l'Institut de la Culture et du Patrimoine d'Antioquia.

Bien que le ministère ait engagé une commission de vérification à l'époque, il n'a pas pris en considération le concept de la commission et a refusé sa nomination. Le Ministère de la Culture, en réponse à un droit de pétition pour ce rapport, a répondu : "Bien que le Ministère de la Culture n'ait pas recommandé l'inclusion de "El barequero como forma tradicional de producción en el cañón del río Cauca/ Le barequeo comme forme traditionnelle de production dans le cañon du rio Cauca" dans le LRPCI national, il a pris des dispositions pour établir un accord-cadre avec les Entreprises Publiques de Medellín (EPM).

"Dans le but de mener des actions de sauvegarde de la culture immatérielle de la population liée à la manifestation. L'Institut du patrimoine et de la culture d'Antioquia a été invité à accompagner la compagnie hydroélectrique Ituango dans ses relations avec ces communautés. Le Ministère n'a pas d'autres actions concrètes que de fournir les conseils et l'accompagnement nécessaires dans ces processus.

Il a ajouté : "Le ministère de la Culture n'a pas reconnu comme patrimoine culturel immatériel les pratiques d'extraction minière. Selon la législation sur le patrimoine culturel, une telle activité n'est pas envisagée dans les domaines du patrimoine immatériel."

Cependant, cette récente reconnaissance des Nutabes en tant que communauté indigène avec ses pratiques ancestrales pourrait changer cette situation.

C'est pourquoi cette reconnaissance officielle des Nutabes en tant que communauté indigène est importante car deux de leurs principales pratiques sont la pêche et le barequeo. "Je crois que l'impact réside fondamentalement dans la reconnaissance juridique des droits que les agents du projet et les gouvernements dans différents cas leur ont refusés de façon permanente. D'autre part, elle ouvre une porte à la reconnaissance de la valeur patrimoniale du travail du sol sur l'ensemble du Canyon. C'est un problème qui n'a pas encore été résolu ", ajoute Castillo.

Le mouvement Rios Vivos Antioquia affirme que tous les cañoneros y cañoneras, les habitants de ce territoire, sont les descendants des Nutabes.

Par conséquent, lundi dernier, le 5 juin, nous avons déposé une requête en révision contre la résolution 0071 de 2017.

Pour sa part, l'anthropologue Jorge David Higuita estime qu'il y a environ 1500 Nutabes, cet anthropologue a écrit un livre d'histoires intitulé : Chroniques d'un ethnocide imminent dans le Canyon du Cauca."

Dans l'intervalle, le Mouvement Rios Vivos continuera d'attendre que le ministère de l'Intérieur et l'ANLA se prononcent tout en continuant à travailler sur la question de l'identité.

"De plus, le Cabildo de Orobajo a déposé une requête auprès du Tribunal administratif d'Antioquia pour protéger leur droit fondamental à une consultation préalable dans le cadre du projet Hidroituango ", explique Isabel Zuleta.

Les communautés du cañyon du río Cauca "El patron mono", comme ils appellent le rio Cauca , attendent le résultat de cette situation, qui affecte la continuité de leur culture. Ils ont résisté pacifiquement depuis la conquête et maintenant au milieu de ce gigantesque projet hydroélectrique en Colombie.

Photos : Jorge David Higuita et Neyla Castillo

traduction carolita d'un article paru sur revista claves21 le 22/06/2017

Colombia: el pueblo Nutabe resiste la construcción de una mega represa | Revista Claves21

Colombia: el pueblo Nutabe resiste la construcción de una mega represa | Revista Claves21

Esta comunidad ancestral está asentada en el Cañón del Río Cauca, área de influencia de HidroItuango. ¿Quiénes son los Nutabes y por qué es importante su reconocimiento como comunidad indí...

https://claves21.com.ar/colombia-nutabe-represa-hidroituango/

Colombie - Le peuple Nutabe - coco Magnanville

Colombie - Le peuple Nutabe - coco Magnanville

image Peuple autochtone de Colombie vivant dans le cañyon du rio Cauca. Leur centre était le village disparu d'Orobajo dans la municipalité de Sabanalarga, Antioquia. Le village de Nutabe était...

http://cocomagnanville.over-blog.com/2019/02/colombie-le-peuple-nutabe.html

projet hydroelectrique