Les Soviétiques, au début de l’insurrection

Publié le 24 Août 2010

24-08-2010
 

troupes-20soviets-20liberation-20DR.jpg 


 

Photo DR
Troupes allogènes. Il était une fois des soldats de l’Armée rouge, enrôlés de force dans l’armée allemande. Retournés par les militants de la MOI, à leur arrivée en Provence, pour faciliter la Libération.

 

C’est une histoire singulière et méconnue que relate Grégoire Georges-Picot, historien et auteur de L’innocence et la ruse. Des étrangers dans la résistance en Provence*. Celle de soldats de l’ex-Union-Soviétique enrôlés de force dans l’armée allemande et qui pour certains déserteront afin de rallier la Résistance et les maquis de France.
Lors de l’invasion de l’URSS par les troupes du IIIe Reich, en juin 1941, beaucoup sont faits prisonniers dans des camps où les exécutions, les coups et la faim les déciment. Etant donné le traitement que leur réservent les nazis, la plupart des prisonniers de guerre soviétiques sont, de fait, condamnés à mort. Sur 4 millions de prisonniers, la moitié sera anéantie.
Russes, Arméniens, Ouzbeks, Azéris, Georgiens, Ukrainiens… sont répartis suivant leurs origines, ils constituent des unités nationales et sont intégrés dans l’Ostheer (c’est le nom de la Wermacht sur le Front russe). Méfiants à leur égard, les Allemands les enverront sur le Front de l’Ouest, notamment en France, où des bataillons atterriront en Provence.
Venus de l’Union des républiques socialistes soviétiques, six troupes stationnent sur la façade méditerranéenne au printemps 1944. Des unités ukrainiennes et géorgiennes se retrouvent dans les Alpes-Maritimes. Vers Saint-Tropez ce sont des Azerbaïdjanais, dans le Var des Arméniens couvrent le secteur de Hyères, Cavalaire, Le Lavandou et du côté de Béziers place aux Russes. Soit au total 5 000 à 6 000 hommes possédant une expérience militaire et des armes.


Former des partisans
parmi ses troupes


Quelle que soit leur obédience, les mouvements et réseaux de résistance vont chercher à débaucher ces Soviétiques qui sont devenus, malgré eux, soldats de l’armée allemande. Ce sera principalement le rôle de la MOI (Main d’œuvre immigrée) parce qu’aux yeux des communistes ces recrues sont des citoyens de l’URSS et des soldats de l’Armée rouge. Et comme de nombreux militants de la MOI viennent des pays d’Europe de l’Est, ils ont pour mission d’aller à la rencontre de leurs frères d’Union soviétique.
« Le travail principal consiste à former des partisans parmi les troupes allogènes », résume le chef des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans) en Provence, Max Brings. Cet Allemand, un ancien des Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne, supervise les opérations en Paca, de Marseille jusqu’à Nice. Depuis 1943, les résistants arméniens de la MOI ont noué des contacts avec deux bataillons de la même origine qu’eux dans le Var. Mihail Florescu, Roumain et ex-brigadiste international, est également chargé d’organiser la sédition.
Grâce aux informations obtenues sur le mouvement des troupes allemandes, les résistants organisent des attaques à grande échelle. Et lorsque ces Arméniens de la Wermacht veulent entrer en lutte ouverte contre les Allemands, Nazarian Sarkis, résistant arménien de Marseille, reçoit la mission de les conduire au maquis, mais la mutinerie des bataillons échoue. Il y a des morts parmi les mutins, la veille du 14 juillet et de l’appel national à l’insurrection du peuple français par le Front National.
A Barjols, Léon Aivazian, Arménien d’URSS, déserte avec quelques camarades, grâce à la rencontre avec un compatriote de la Résistance française qui les entend chanter des chansons du pays alors qu’ils sont dans un camion. Les déserteurs sont cachés dans la campagne. Le 17 août, armés de mitraillettes, ils empêchent l’entrée des Allemands dans Barjols. Le lendemain, c’est la libération de la ville.


Sur la place Castellane
et boulevard Baille


Au printemps 1944, des prisonniers russes abandonnent les chantiers de l’organisation Todt** à Marseille et sur la base aérienne de Salon, Georges Bohacek, Tchèque, et Vichka Welykanowicz, juive polonaise, se chargent d’eux. « Il a fallu les organiser, les nourrir parce qu’ils n’étaient pas beaux à voir, complètement sous-alimentés, maigres, pas rasés, avec des vêtements en loques », témoigne Georges Bohacek.
Idem pour le résistant des Alpes-Maritimes, Gilbert Dargemont, qui contacte des Russes, sur ordre de Max Brings, par l’intermédiaire de Tamara Paghis, venue de Bessarabie (l’actuelle Moldavie). Il leur faut traverser des champs de mines pour rejoindre les cantonnements de ces soldats soviétiques (russes et ukrainiens) situés entre Cannes, La Napoule et Anthéor. « On s’est mis d’accord : ils tuaient leurs officiers et partaient avec leurs armes. Mais où allais-je les emmener ? », s’interroge le résistant des Alpes-Maritimes.
Georges et Gilbert retrouvent ces Soviétiques place Castellane à Marseille et boulevard Baille. Aguerris au maniement des armes, munis de grenades, ils investissent une maison avec balcon à un point stratégique et ripostent aux Allemands. Georges Bohacek y était : « A ce moment-là, c’était le début de l’insurrection, l’armée française n’était pas encore là, la Résistance n’était pas organisée pour riposter aux Allemands et eux, les Russes, ils ont su se préparer pour les empêcher de passer. »
Ce travail de sape, de démoralisation des rangs ennemis récoltera ses fruits. Ces troupes allogènes ont facilité le débarquement sur les côtes de Provence en ne se battant pas aux côtés des soldats allemands et, à certains endroits, en retournant leurs armes contre eux.


PIEDAD BELMONTE

* « L’innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence 1940-1944 », de Grégoire Georges-Picot, Editions Tirésias, 312 p.
** Amenés en France par l’Allemagne nazie pour travailler à la construction de fortifications.

 

 

 

Journal la marseillaise

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article