Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro

Publié le 27 Septembre 2013

Les amungme et les kamoro

Deux peuples papous qui subissent des affrontements avec le gouvernement indonésien pour la préservation de leurs terres sacrées suite à l’implantation de mines exploitant les gisements aurifères ainsi que pour leur indépendance.

Pour les situer :

La nouvelle Guinée est divisée en deux :

  • à l'ouest , la Papouasie occidentale, appelée autrefois Irian Jaya, une province de l'Indonésie depuis 1963, où les Papous réclament leur indépendance,
  • à l'est, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays indépendant depuis 1975, avec Port-Moresby comme capitale

depuis 2003, le secteur de la Nouvelle Guinée occidentale sous souveraineté indonésienne est divisé en deux provinces : la Papouasie et la Papouasie occidentale.

Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro
Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro
LES AMUNGME

Peuple papou qui vit dans les hautes terres de Papouasie occidentale dans le kabupaten de Mimika

Population : environ 13.000 personnes

Langue : le damal (mais elle porte de nombreux noms) du groupe des langues wissel lakes kemandoga (famille des langues de Trans-Nouvelle Guinée)

Amungme = « les hommes »

Amung-in = « les femmes »

Amung = les premiers ou les vrais hommes

Ils sont traditionnellement semi nomades vivant d’une agriculture itinérante, de la chasse, de la pêche et de la cueillette.

« Il n’est pas facile d’exprimer ce qui nous est arrivé. Seul notre nom, « amungme » est resté ; les montagnes, les rivières, les forêts, tout maintenant appartient à freeport et au gouvernement. Nous n’avons plus rien. »

Un aîné amungme

Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro

Mode de vie

Hommes et femmes vivent séparément, prennent leurs repas séparément.

Les hommes vivent dans la maison des hommes (hitongi) et les femmes restent avec les enfants.

Les maisons sont circulaires et faites d’écorce et de palmes. Les foyers sont au centre et chacun mange et dort autour.

Principes de vie

Les amungme ont beaucoup de principes qui régissent leur vie : générosité, réciprocité, liberté individuelle et ses relations sont renforcées par le biais des relations qu’ils entretiennent avec le monde des esprits, la religion et les relations sociales.

La colère qui les anime par rapport à la société minière par exemple est dû au fait de réciprocité avec lequel ils ont été traités : ils ont donné leur terre, leur cuivre et leur or et n’ont rien reçu en échange.

Les montagnes et les glaciers alentours sont autant de lieux sacrés : ils pensent que les esprits des ancêtres y habitent et veillent sur la terre.

Agriculture, chasse, élevage

Ils pratiquent l’essartage (agriculture sur brûlis), de cueillette de fruits et baies sauvages, de chasse et d’élevage de porcs. Les plantes cultivées sont la patate douce, le taro, l’igname, les haricots, les courges, les bananes, la canne à sucre.

Les femmes entretiennent les jardins accompagnées de leurs jeunes enfants.

Les bébés sont portés dans des filets passés autour des épaules.

Les jardins sont laissés en jachères plusieurs années avant d’être réensemencés.

La chasse est réservée aux hommes. Ils sont des territoires précis réservés aux clans et chaque arbre est la propriété d’un groupe. Aller chasser sur la terre voisine peut-être synonyme de guerre. Ils chassent avec des arcs et des flèches variées par exemple :

  • Pour le casoar : flèches en bois dur et crénelées de dents tranchantes
  • Petit gibier : flèche à lame de bambou plate

Ils posent également des pièges sur les parcours des animaux.

Tenue vestimentaire

Autrefois ils vivaient nus et possédaient des parures très riches et d’une variété infinie.

Aujourd’hui ils adoptent facilement les vêtements européens et se servent de leurs parures traditionnelles lors des cérémonies.

Les hommes, les plus âgés souvent portent encore l’étui pénien (koteka) qui est constitué d’un long fruit séché et vidé (calebasse), enfilé sur leur pénis et porté dressé vers le ciel. Certains mesurent plus d’un mètre de long.

Les femmes portent des jupes en fibres végétales séchées.

Les parures sont variées, dents de chiens, petits coquillages blancs en colliers (cauris), plumes aux couleurs vives portées en couronne autour de la tête, mandibules d’insectes passées au travers de la cloison nasale, peintures multicolores sur le visage, pendentifs de nacre……

Les fêtes

Elles sont toujours l’occasion de partager la viande de cochon qui est cuit sur place à l’étouffée sous des feuilles de palmes et accompagné de patates douces.

Ils dansent ornés de leurs belles parures, des danses guerrières bien souvent rythmées au son des tambours.

Système de tenure foncière

Il est régi par les clans et les familles. Les clans possèdent les terres sur lesquelles les individus, hommes et femmes ont des parcelles qu’ils défrichent et entretiennent.

Il est interdit de vendre la terre.

Si la terre est prise pour y bâtir une école ou ouvrir une mine, les propriétaires reconnaissent un droit sur les profits qu’on en tire, que ce soit des patates douces, du cuivre ou de l’or.

LEMASA

En 1996, les amungme créent un conseil tribal composé de chefs de tous les clans, le LEMASA pour tenter de lutter contre l’exploitation de leurs sols et de leurs forêts. La région est la plus militarisées d’Indonésie avec la présence de plus de 6000 soldats. Le président de LEMASA à même traduit FREEPORT en justice aux EU en réclamant 6 millions de dollars de dommages et intérêts.

Le mouvement pour l’indépendance prend de l’ampleur malgré la féroce répression en cours et l’exhibition des drapeaux aux couleurs de la Papouasie occidentale libre s’est multiplié en maints endroiots de la province depuis la chute de suharto.

KAMORO

KAMORO

Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro

LES KAMORO

Peuple papou qui vit en Papouasie occidentale dans la kabupaten d’Asmat

Population : 8000 personnes

Langue : kamoro, sous-groupe asmat-kamoro (familles des langues Trans-Nouvelle Guinée)

Ils sont traditionnellement des nomades chasseurs pêcheurs et cueilleurs de sagou

Petit aperçu de leur cosmovision

Ils sont les « vrais humains », en contraste avec les autres. Ils vivent entre deux mondes, celui des ancêtres et le monde supérieur. Les humains n’habitent pas la terre, c’est un simple couloir où circulent les vivants et les morts, les esprits humains, les animaux et les végétaux.

Autrefois les kamoro habitaient sur des terres qui s’étendaient sur 300 kilomètres le long de la mer Arafura, de la baie Etna aux territoires asmat. Leur nombre était d’environ 15.000 divisés en une quarantaine de villages.

Ils vivent de la chasse : oiseaux, cochons sauvages , marsupiaux.....

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De la récolte du sagou :

Il s’agit d’une fécule alimentaire qui est obtenue en l’extrayant du tronc du sagoutier (un palmier). C’est l’aliment de base des papous de nouvelle Guinée et aussi des penans de Sarawak.

pour la récolte du sagou, les tâches sont réparties entre les sexes : les hommes abattent les palmiers et les écorcent. Les femmes pilent le coeur du tronc avec les jeunes filles en s'aidant d'une herminette pour en détacher la pulpe qui sera ensuite filtrée dans des gouttières fabriquées avec des nervures de palmes.

la fécule récupérée est ensuite mise à décanter.

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Cet aliment n’a pas spécialement de vertus nutritionnelles car il n’apporte ni protéines, ni graisses, ni vitamines et minéraux mais il sert à confectionner des galettes ou, roulé en boule il est mis à cuire dans de l’eau bouillante.

Le contenu d’un arbre peut nourri 2 ou 3 familles pendant une semaine.

Ce sont d’habiles sculpteurs, une tradition qui s’éteignait progressivement et qui tend à se remettre au goût du jour, sous l’impulsion hypocrite de freeport qui essaie de verdir son image avec la complicité d’acteurs locaux voire internationaux.

Un festival d’art tribal des kamoro à vu le jour et le tourisme et la popularité de l’ethnie tend à se diffuser.

Ils étaient parmi les meilleurs sculpteurs aux côtés des asmat, leurs célèbres voisins. Les pièces sculptées possédaient des fonctions bien souvent religieuses.

Petit exemple de leurs œuvres :

  • Les mbitoro : il s’agit de totems sculptés dans un tronc d’arbre sacré à l’occasion du décès de personnes importantes.
  • Wemawe : représentation d’ancêtres accroupis, sculptés dans un tronc de sagou(sagoutier)
  • Boucliers yamate : des pièces toujours très créatives avec une grande variété de formes
  • Pekoro : des bols et des coupes de toutes les formes
  • Les masques d’esprits mbiikao : ils peuvent parfois recouvrir le corps entier
  • Les tambours en peau de lézard, eme et tifa : la caisse est finement scumptée, la tonalité patiemment accordée

Voir d'autres images ICI

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Papouasie occidentale : Les amungme et les kamoro
Petite histoire du territoire

L’île de la Nouvelle Guinée est partagée entre la Nouvelle Guinée occidentale qui est sous souveraineté indonésienne et la Papouasie Nouvelle Guinée qui elle, est indépendante.

Le nom

Sur les cartes établies au XVIIIe siècle par les bugis (un peuple de Sulawesi), ils sont appelés « papua » (source ethnologue Christian Pelras)

Selon le naturaliste Alfred Wallace, le mot pourrait être issu du malais « puwah-puwah » = crépu.

Ils descendent des premiers habitants de la Nouvelle Guinée, arrivés aux alentours de la première glaciation il y a environ 21.000 ans. A cette époque, l’île était reliée au continent australien.

  • Vers 7000 av JC : les papous commencent à pratiquer l’agriculture, ils domestiquent la canne à sucre, des racines ainsi que probablement l’élevage du porc.
  • Vers 3000 av JC : l’agriculture papoue sait maîtriser l’irrigation

Autrefois, chaque village papou était maître d’un territoire interdit aux tribus voisines sauf en cas d’alliances ou d’échanges ritualisés. Toute intrusion pouvait déboucher sur un conflit guerrier.

  • 1828 : la Nouvelle Guinée est colonisée par les hollandais dans sa partie ouest et par les allemands et les britanniques dans sa partie orientale.
  • Jusqu’au XXe siècle le territoire fait partie des Indes orientales néerlandaises
  • 1949 : les hollandais cèdent la quasi totalité de leur empire au nouvel état-nation d’Indonésie
  • 1961 : indépendance de la Papouasie occidentale
  • 1961 : 3 mois après l’indépendance, l’Indonésie envahit le jeune pays. L’intervention des nations unies n’a que peu d’incidence car c’est au moment de la guerre froide et le bloc de l’ouest ne voulait pas froisser sokarno qui était en bons termes avec l’URSS et la Chine. L’ONU met en place un référendum soit disant pour permettre aux papous un choix entre indépendance et rattachement à l’Indonésie.
  • 1963 : rattachement de la partie occidentale de la Nouvelle Guinée à l’Indonésie
  • 1969 acte de « libre choix » : estimant que les papous étaient trop « primitifs » pour se faire à la démocratie, le gouvernement de Jakarta sélectionne 1026 leaders papous représentatifs et les menacent de mort avant qu’ils n’aillent voter. Le résultat est sans surprise. L’Indonésie s’engage alors dans une campagne de destruction de la culture papoue.

Au moins 100.000 papous ont été tués par les indonésiens depuis le début de l’occupation mais selon les organisations de lutte pour les droits humains, on ne serait pas loin de 800.000 victimes. Les soldats indonésiens ont tué, violé, torturé et brutalisé les papous en toute impunité, le massacre continue de nos jours.

  • Depuis 2004 : présidence de Susilo Bambang Yudhoyono : les violences ont repris massivement et n’ont rien à envier à celles de l’ordre nouveau.

Cet immense territoire regroupe seulement deux millions d’habitants répartis entre autochtones et colons indonésiens provenant d’autres îles de l’archipel, ces derniers représentant (via le programme de transmigration) plus de la moitié de la population de Papouasie.

Les papous sont donc devenus minoritaires sur leur île alors qu’ils héritent d’une mosaïque linguistique unique au monde : 251 groupes linguistiques recensés, 40 % des 600 langues répertoriées dans l’ensemble de l’archipel indonésien.

Pour les amungme et les kamoro, il reste peu de possibilités pour survivre : les colons de religion islamiste ne consommant pas de porcs, ils ne peuvent pas faire commerce de leur élevage de cochons, la mine emploie rarement ce personnel. La marginalisation provoque alors toutes les séquelles rencontrées chez les autres peuples qui subissent la colonisation forcée : alcool, prostitution, maladies etc…..

Au cours du XXe siècle, ils sont visités par :

  • Des expéditions britanniques de naturalistes ;
  • Des équipes d’alpinistes ;
  • Des troupes japonaises,
  • Des missionnaires catholiques et protestants ;
  • Des fonctionnaires de l’administration coloniale néerlandaise…..

Puis l’arrivée de FREEPORT détruit complètement le mode de vie de ces tribus, détruit l’économie et les moyens de subsistance, provoquant un déplacement forcé de villages entiers. Ils sont ensuite marginalisés, aussi bien économiquement, politiquement, socialement que culturellement par les étrangers qui affluent par milliers, parrainés par un programme de transmigration du gouvernement indonésien.

Dans les années 1990, la population de la région explose pour arriver à plus de 60.000 personnes devenant la zone économique à plus forte croissance de l’archipel indonésien.

Quand FREEPORT s’installe, tous les droits lui sont permis : accaparer les terres et les ressources locales, l’eau et le bois sans aucune indemnisation pour les peuples dépossédés.

Alors que pour les amungme, la chose la plus importante est de maintenir l’harmonie entre les trois éléments de la vie : l’humanité, l’environnement et l’esprit des ancêtres, en face, ils ne trouvent que mort et destruction pour le profit des occidentaux.

Pour résumer succinctement

Les problèmes des papous de Papouasie occidentale dont les amungme et les kamoro

* La colonisation

Annexés depuis 1963 par l’Indonésie, ces peuples veulent retrouver leur indépendance légitime. Ils sont révoltés contre le gouvernement et toutes leurs manifestations sont très sévèrement réprimées en y mettant tout le panel du colonialisme : tortures, disparitions, massacres, viols, villages brûlés, populations affamée qui fuit plus profondément dans la forêt…..le sida aussi, pourquoi pas …Avec la colonisation, tout le cortège habituel mis en place pour venir à bout des peuples en résistance : alcool, prostitution, marginalisation etc…..

Ces évènements tragiques n’ont pas l’heur de plaire aux médias aux ordres : combien d’entre nous connaissent la réalité des papous ?

* Destruction de l’environnement

Avec la présence de la mine de Grasberg sur leur territoire qui est la mine la plus grande au monde, et qui est exploitée par les EU, ils ont été dépossédés de leurs terres ancestrales avec aucuns dédommagements.

Leur belle nature est souillée à jamais par les pollutions multiples occasionnées par la mine. La forêt disparaît au rythme de 250.000 hectares par an.

* Les colons

Le gouvernement indonésien a envoyé vivre en Papouasie occidentale un million de colons venus de Java qui se sont installés sur les terres papoues et qui à présent dépassent en nombre ces derniers. Cette population n’a aucun point commun avec les papous, ils ne partagent pas du tout les mêmes mœurs et coutumes, ils sont mélanésiens et non indonésiens

Le SIDA s’invite…tiens, tiens !!

Ces dernières années, le nombre de personnes porteuses du VIH a augmenté en Papouasie occidentale de plus de 30 % atteignant en 2011 plus de 17.000 individus. Le personnel soignant sur le terrain estime quant à lui que le nombre est bien plus élevé, le taux d’infection par le VIH sur ce territoire étant 20 fois supérieur à la moyenne nationale indonésienne.

Bizarrement, la zone où le sida est le plus élevé et augmente le plus est celle de la région de Mimika, la zone qui abrite la mine de cuivre et d’or du géant Grasberg et qui a détruit la terre des amumgme et des kamoro.

Cette mine en effet provoque un important afflux d’étrangers et de prostituées et il n’est pas rare que l’armée offre de l’alcool et des prostituées aux leaders indigènes afin d’accéder à leurs terres et aux ressources.

De nombreux papous sont persuadés que les militaires introduisent le sida en Papouasie occidentale et voient cela comme une tentative de purification ethnique.

Survival

Le sida monte en flèche en Papouasie occidentale 20 Mai 2011

Les chiffres officiels publiés ce mois-ci montrent que le nombre de personnes porteuses du VIH/SIDA a augmenté en Papouasie occidentale de plus de 30% en seulement quatre mois, atteignant aujourd’hui plus de 17 000 individus……

La mine de Grasberg, source de tous les problèmes.

Lien ci-dessous :

La lutte pour l'indépendance : Organisation pour une Papouasie libre, la guérilla papoue.

Lien ci-dessous :

Populations papoues de Franck Michel pour baliautrement

ICI

Entre la mine et le fusil de survival ICI

Sources : wikipédia, survival,

Rédigé par caroleone

Publié dans #indigènes et indiens

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J
Sur tous les continents de notre planète, tous les peuples qui veulent garder leurs libertés légitimes sont voués à une disparition totale. C'est un génocide planétaire organisé. Les raisons ? Toujours les mêmes, on les connait bien, mais on ne fait rien. Nous sommes en majorité devenus des moutons. Les hommes doivent s'allier pour lutter efficacement et pacifiquement afin de pouvoir continuer de regarder leurs enfants dans les yeux.
C
Bonjour,<br /> <br /> Je suis d'accord avec vous, les peuples originaires rencontrent tous les mêmes problèmes liés à leurs territoires. Et bien souvent je me demande comment des minorités arriveront à obtenir gain de cause. C'est pour cela que ce blog est leur allié et depuis que je l'ai créé et que j'écris pour ces peuples, j'ai constaté pas mal de changements dans la prise de consciences des gens qui comme moi savent que la préservation de la planète, les comportements liés à la vie moderne qui pollue les pays du sud peuvent changer en s'engageant d'une façon ou d'une autre auprès de ces ethnies. Rien que l'intérêt d'un peuple qui passe par la toile est une ouverture vers une approche plus profonde des comportements, us et coutumes .<br /> Amitiés<br /> <br /> caroleone