Brésil : Le peuple Matis
Publié le 19 Mai 2013
Peuple indigène de l’Amazonie brésilienne (état d’Amazonas) qui vit dans la vallée du Javari sur le Rio Itui.
Auto désignation : mushabo, deshan ou mikitbo : gens de l’amont
Population : 457 personnes (2014)
Langue pano ou panoane
Années 70……Les premiers contacts épidémiques en 1970 anéantissent plus de la moitié de la population. Ils développent alors une dépendance accrue vers les biens manufacturés et remettent en question leurs croyances traditionnelles et leurs rituels ce qui occasionne une perte de confiance de soi. Ce sont les bûcherons et les récolteurs de caoutchouc en mauvais état de santé qui ont très certainement contaminés les indiens. Ils restent cependant très attachés à leur langue, leurs ornements corporels traditionnels, leurs valeurs essentielles sur lesquelles repose leur mode de vie.
En 1971…..installation du bureau régional de la funai dans le Soliñoes supérieur, sensé aider les indiens du Javari dont les territoires sont traversés par l’autoroute.
En 1978……fortes épidémies de maladies respiratoires et dysenteries qui déciment encore le peuple.
En 1983….. il ne reste plus que 87 matis. En raison du nombre élevé de décès dans chaque famille, ils doivent restructurer leur population en adaptant les règles de mariages et les rapports sociaux entre les différents groupes.
Terre indigène
- T.I Vale do Javari 8.544.480 d’hectares, 6978 personnes. Réserve homologuée. Villes : Atalaia do Norte, Benjamin Constant, Jutai, São Paulo de Olivença. 26 peuples y vivent : Isolés de l’Alto Jutai, isolés de l’igarapé Alerta, isolés de l’igarapé Amburus, isolés de l’igarapé Cravo, isolés de l’igarapé Flecheira, isolés de l’igarapé Inferno, isolés de l’igarapé Lambança, isolés de l’igarapé Nauá, isolés de l’igarapé Pedro Lopes, isolés de l’igarapé São José, isolés de l’igarapé São Salvador, isolés du Jandiatuba, isolés du rio Bóia/Curuena, isolés du rio Pedra, isolés du rio Quixito, isolés Korubo. Peuple Kanamari (langue katukina), peuple Korubo (langue pano), peuple Kulina pano (langue pano), peuple Marubo (langue pano), peuple Matis (langue pano), peuple Matsès (langue pano), peuple Tsoham Dyapa (langue katukina).
Brésil - Peuple Matis - Historique du contact - coco Magnanville
Historique du contact et données sur la population Les nouvelles concernant l'existence de groupes isolés situés entre les rivières Ituí et Itacoaí, sont connues depuis l'établissement du si...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2020/08/bresil-peuple-matis-historique-du-contact.html
Il y a trente ans, il y avait cinq villages, dans lesquels la maison communautaire « shobo » était construite pour faire face en amont. De forme rectangulaire, elle possédait deux toits appelés deshan, deux nez, un à chaque extrémité et des dizaines de personnes y habitaient. Même si personne ne songerait à constuire une maison faisant face à la mauvaise direction, il y a possibilité de transgresser l’ordre établi par le cours des rivières. Si les hamacs sont dans l’idéal placés face au courant, il y a un risque de dormir sur la diagonale et la souffrance occasionnée serait identique à celle occasionnée par la baignade face à l’aval : les enfants dans l’utérus maternel courent alors le risque de se retourner et de naître « assis » (les naissances par le siège sont très craintes des femmes matis, car même sil elles y survivent, les enfants gardent des traumatismes à vie)
Ils pensent en effet que tout ce qui dépend de la marche du monde ou du groupe dépend de la bonne orientation des personnes. Des dizaines de personnes y habitaient.
Avec le contact avec les brésiliens, les constructions ont changé et ils construisent de nos jours de petites maisons sur pilotis autour du « shobo », imitant celles des riverains.
Ils sont divisés en deux catégories génériques : les « ayakobo » et les « tsasibo » selon un système dualiste qui est présents dans de nombreuses sociétés autochtones d’Amérique du sud. Chez eux par contre la catégorie « tsasibo » semble avoir phagocyté l’autre qui serait représentée à présent par les blancs, ou les non-indiens.
La chasse est une activité importante et de valeur pour les hommes matis. Ils se servent d’arcs et de flèches ainsi que de sarbacanes aux fléchettes empoisonnées au curare, aussi de pièges.
La sarbacane est surtout utile pour la chasse aux singes : singes araignées (singe noir), singe laineux, singes titi sombres, singes saki etc….
Les autres animaux chassés sont les paresseux, les pécaris à collier et lèvres blanches, les tapirs, les tamarins à lèvres blanches, les aras, hoccos, rouges-gorges.
L’agriculture est une activité secondaire, pratiquée sur l’abattis-brûlis comme pour les autres peuples d’Amazonie avec pour cultures principales, le maïs, le palmier-pêche, le manioc, les bananes (13 variétés), les ananas, les papayes, les palmiers à fruits comestibles. Les parcelles sont utilisées un an et sont laissées ensuite en jachère pour que le sol se renouvelle et la forêt reprenne le dessus.
Les poissons pêchés : cichlides, piau, poisson tigre, anguille électrique qui est appréciée par les femmes, piranha matipiri, tortues de rivière et leurs œufs.
Ils peuvent vivre en autosuffisance en vendant aussi de l’artisanat : sarbacanes, colliers de dents de singe, noix de coco sauvages, poteries, ce qui leur fournit de l’argent pour acheter des produits manufacturés (piles, outils, essence, miroir, cartouches, vêtements…)
Le pouvoir des chamans passe par une substance nommée « sho » et qui présente des aspects positifs et négatifs. Il est transmis lors de rituels. « Sho » peut être envoyé pour faire du mal à un ennemi par l’intermédiaire des petites fléchettes de la sarbacane, diffuser des maladies aux blancs par exemple.
Le mort est enterré en position fœtale, enveloppé dans un hamac dans le cadre de la hutte où il dormait. La surface de la tombe est nivelée avec de l’argile battue. La cabane est abandonnée et après quelques jours elle sera brûlée. Les ornements corporels du défunts sont enterrés avec lui que ses objets non.
This is Tupa. She guards and administers frog poison rubbed into the hunters' arms to purify them before the hunt
Ces fameux ornements corporels qui les ont fait dénommer par leurs premiers observateurs « hommes jaguars » ont pour objectif de figurer les différentes étapes de leur maturation, le nombre d’ornements qui ne sont pratiquement jamais enlevés s’accroit au fur et à mesure où l’individu vieillit. Ils servent à ressembler aux esprits mariwin, êtres imaginaires dotés d’importantes vertus, ils marquent leur insertion sociale, leur lien de parenté.
Ils tendent à être abandonnés de nos jours au grand désespoir des anciens, mais malgré tout l’ordre dans lequel les ornements s’accumulent reste bien présent. Ils sont utilisés dans le cadre d’un processus de constitution de la personne, l’ensemble des pratiques sont mises en œuvre pour socialiser les corps individuels perçus comme incomplets à la naissance. Le nouveau-né est « maru maru pa » (invisible par les esprits maru) tant qu’on ne lui a pas conféré ses premiers colliers dans les toutes premières heures de vie ni sa première coupe de cheveux.
Le port des ornements permanents exige toujours le perçage d’une ou des parties du corps : oreilles, ailes ou cloison du nez, lèvre inférieure, joues masculines. Or cette découpe crée un vide qu’il faut combler en permanence ce qui entraîne une métamorphose irréversible plutôt qu’une simple transformation. Les parures relèvent donc de l’idiome corporel et même encombrants on ne s’en sépare pas sauf à l’occasion d’activités (chasse à l’arc, guerre, mascarade) au cours desquelles ils sont supposés abandonner leur statut d’êtres pleinement sociaux et endosser des qualités propres à une catégorie d’esprits.
- PAUT
Les enfants reçoivent leur premier piercing (sur le lobe de l’oreille) vers l’âge de 4/5 ans. On y insère un bâton très fin, « paut » ou pendant d’oreille dont le diamètre augmentera progressivement jusqu’à ce que l’on puisse y passer le doigt dans le trou. Le cylindre de canne à flèche est de 5 cm de long pour les femmes, le double pour les hommes qui y collent un morceau de coquille de gastéropode lacustre taillé en forme de lentille concave.
Vers l’âge de 8 ans, le nez est percé de chaque côté pour y insérer la première paire de « demush » ( épines de nez ou moustaches) de fines aiguilles tirées du stipe du palmier « isan » (jossenia batava). L’allusion en référence aux antennes des sauterelles, moustaches (vibrisses) des félins. Le processus est identique à celui des oreilles et progressif jusqu’à ce que la narine soit entièrement remplie (une dizaine d’aiguilles de chaque côté du nez)
Pendant la période de puberté est procédée l’ouverture de la cloison nasale en perçant le septum pour insérer le « detashkete » indépendant qui est un petit bout de bois qui traverse cette cloison nasale et qui sera agrandi progressivement au fil des ans. Les hommes franchissent l’ultime étape en y insérant à la place des bâtonnets, un « detashkete » taillé dans la péristome d’un gastéropode terrestre. Cet ornement s’enlève facilement.
A la puberté encore on perce la lèvre inférieure pour y introduire un « kwiot » (décor du bout des lèvres) qui est une fine écharde de palmier « isans’ pour les hommes et un morceau de bois blanc pour les femmes. C’est le seul élément qui est plus important chez les femmes du fait de son caractère « sexy ».
Deux ou trois ans après le premier « kwiot », c’est le moment de la première musha (tatouages) qui sont composés de deux lignes parallèles sur les tempes et les joues appliquées pendant un rituel dont c’est le point culminant dans la vie cérémonielle des matis. Garçons et filles sont tatoués en même temps pendant le rituel qui se fait au moyen de pigments végétaux et de suie introduits par des épines de palmier « bacris » en présence de personnages masquées, les « mariwin », témoins des générations passées.
Vers l’âge de 17/19 ans, les hommes se trouent le visage pour y introduire le « mananukit », des bâtons épais et longs pouvant mesurer jusqu’à 6/7 cm et faits dans du bois de palmier "isan".
C’est au niveau de la fossette qui sépare la mâchoire et les joues qu’ils percent de chaque côté lors d’une opération douloureuse dont les infections sont fréquentes, la cicatrisation longue à s’effectuer. Les jeunes de nos jours refusent de porter cet ornement.
Homme et femmes sont tatoués avec une série de lignes parallèles (6 à 8) sur la joue gauche et la joue droite. L’acquisition progressive des ornements constitue une étape dans la maturation de l’individu, tout est programmé dans un ordre bien précis : par exemple l’homme doit apprendre à chasser à la sarbacane avant d’apprendre la chasse à l’arc, la femme doit savoir fabriquer un hamac avant de maîtriser l’art de la poterie. Les ornements corporels alors constituent une véritable classe d’âge.
De même que les ornements des mariwin sont comparables à des poils, symétriquement, la barbe et la moustache (les kwishakete, poils du tour de bouche) semblent recevoir une attention équivalente à celle portée aux ornements « artificiels ». Les Matis considèrent « l’apparition » des uns comme des autres de la même manière : comme des marqueurs de statut. Quitte à surprendre, on serait donc tenté d’inclure les poils parmi les ornements piqués permanents. Les poils semblent être considérés comme le prolongement sinon l’intériorisation des atours, l’assimilation parfaite des épines et il est frappant, à cet égard, de constater que les kwiot (labrets) et les mananukit (jottereaux) sont situés exactement là où naissent, chez la plupart des hommes matis, les premiers poils
image Philippe Erickson
Il est caractérisé par l’excès et la répartition d’activités intenses et peut durer 15 jours. Il demande plusieurs semaines de préparatifs : les hommes fument la viande, ils se dépouillent de leurs ornements habituels, les femmes fabriquent la boisson, la poterie indispensable à la cérémonie.
Pendant la fête, les esprits ancestraux « mariwin » se manifestent. La nuit, tout le monde danse dans la grande maison en imitant les animaux de façon comique. Tout le monde travaille nuit et jour pendant la durée de la fête, il ne faut pas se montrer « paresseux »(les mariwin, êtres parfaits ne sont pas paresseux) Ils utilisent alors des drogues cérémonielles (tachik) ou un stimulant physique pour tenir le rythme. Le tatouage des adolescents des deux sexes est le point culminant de la fête, ces derniers doivent rester en réclusion auparavant pendant 5 jours.
vidéo en anglais
images galerie Drouot
Ma lecture pour ce peuple : Cycle et ornementation corporelle chez les matis de Philippe Erickson ICI
caroleone
Sources : socioambiantal, Cycle de vie et ornementation corporelle chez les Matis (Amazonas, Brésil) de Philippe Erickson cairn infos, maison René Ginovès