Washington, Madrid, Bogota : Les complots de la Troïka

Publié le 3 Avril 2010

2 avril 2010

Hernando CALVO OSPINA

 

Selon des sources parfaitement crédibles à Bogota, le président Alvaro Uribe se propose de terminer son mandat en beauté en s’installant au cœur d’une campagne médiatique internationale. Il s’emploie déjà à remettre à plusieurs Commissions rogatoires internationales, en Europe et en Amérique Latine, de soi-disant « preuves » afin que l’on enquête sur des Colombiens et des ressortissants de ces mêmes pays, en raison de leurs prétendus liens avec des « groupes terroristes » c’est à dire avec les guérillas colombiennes, et ceci, dans le but de les faire extrader.

 

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Mais ce ne serait là qu’une partie de la stratégie, car l’objectif principal est de « démontrer » que les activités politiques et de solidarité de ces personnes se font avec la complicité des gouvernements du Venezuela et de Cuba. C’est Washington qui tire les ficelles de cette stratégie, avec le soutien sans faille du gouvernement espagnol.

 

 

Une nouvelle campagne massive de discrédit contre les gouvernements de Caracas et de La Havane est en cours de préparation. Nous avons déjà vu le scandale nauséabond organisé contre Cuba après la mort d’un délinquant de droit commun, travesti en « dissident politique ». Et nous voyons qu’en Espagne, on s’obstine à trouver des liens entre les FARC, l’ETA et la dite complaisance du gouvernement du président Chavez.

 

C’est pourquoi il ne faudra pas s’étonner si dans quelques jours ou quelques semaines, les médias commencent à publier à la une des articles sur ces connexions, en se fondant sur des informations communiquées par des sources « dignes de foi ». On peut déjà facilement imaginer leur contenu.

 

On dira que les « preuves » proviennent des ordinateurs de Raul Reyes, le chef guérillero assassiné. Evidemment, on omettra de dire que Noël Saez en personne, rien de moins que l’ancien consul de France à Bogota et ancien agent de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure Française, DGSE, envoyé par son gouvernement pour négocier la libération d’Ingrid Betancourt, les a qualifiées de « fausses » dans son livre L’émissaire.

 

Les grands médias ignoreront que le capitaine Ronald Ayden Coy Ortiz, de l’unité judiciaire antiterroriste de Colombie, la DIJIN, chargé de rédiger le rapport sur les ordinateurs, a déclaré, sous serment, qu’il n’y avait pas de courriers électroniques dans les ordinateurs en question et il a précisé : « Ce que Reyes gardait, c’étaient des archives Word et Microsoft ». Et comme chacun sait, leur contenu peut sans difficulté être manipulé ou même inventé.

D’autres « preuves » ne manqueront pas de provenir des confessions de prétendus éléments démobilisés des FARC ou de l’ELN. On ne citera pas leurs noms et à n’en pas douter, même au cours des procès, si procès il y a, on ne le fera pas. Evidemment, sous prétexte de garantir leur « sécurité ». Une telle pratique était tout à fait courante à l’époque reculée de l’Inquisition, ou pendant les dictatures pas si anciennes que cela, ou encore lors des « procès » des prisonniers de la base étasunienne de Guantánamo. Une pratique courante aussi en Colombie.

 

Les articles aux titres ronflants ou à la une des émissions de radio ou de télévision, raconteront aussi que les services de sécurité colombiens ont obtenu telle ou telle preuve « digne de foi », au terme d’années d’enquête « minutieuse ».

 

Voici ce qui risque d’arriver dans quelques jours.

 

Reste à savoir quels autres gouvernements, outre le gouvernement espagnol, seront disposés à mettre en accusation les résidents colombiens, ou leurs propres citoyens, et à les menacer d’être livrés aux redoutables autorités colombiennes. Pourvu que l’on « n’oublie » pas que ces « preuves » sont fournies par un gouvernement qui entretient – cela est prouvé de manière concrète, objective et exhaustive – des relations avec le trafic de drogue et le paramilitarisme, en plus d’être responsable de nombreux crimes de lèse-humanité, et d’être l’un des principaux acteurs des violations des droits de l’homme au monde.

 

Espérons que les intérêts économiques et la pression de Washington ne passeront pas avant l’éthique judiciaire et la conscience humaine et politique. Et que ces manipulations ne seront pas utilisées contre la souveraineté et la dignité du Venezuela et de Cuba.

 

Hernando Calvo Ospina

 

Journaliste et écrivain, collaborateur de Le Monde Diplomatique

 

(Traduction espagnol-français : Simone Bosveuil-Pertosa)

URL de cet article

http://www.legrandsoir.info/Washington-Madrid-Bogota-Les-complots-de-la-Troika.html

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA

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C
<br /> Ingrid Betancourt, ce qu’elle n’a pas dit !<br /> Une famille Colombienne dans les rouages de la politique française<br /> Les Français voient la Colombie et ses habitants à travers le prisme qu’Ingrid Betancourt a eu l’audace d’imposer par son livre « La Rage au Cœur » et à travers les différentes émissions auxquelles<br /> elle a participé. Sa famille et les comités Ingrid Betancourt ont amplifié le message et les médias ont suivi sans oser s’écarter de cette vision. Cette vision correspondait parfaitement à l’idée<br /> de liberté pour laquelle les Français se sont battus. Les médias n’ont pas osé vérifier si ce qu’Ingrid racontait correspondait à la réalité. Elle, avec son air fragile, parlant parfaitement le<br /> français, a compris comment rédiger son livre pour les émouvoir. Eux qui ont toujours rêvé d’une héroïne, d’une femme demi-déesse, sont tombés sous son charme. Ingrid montre qu’elle s’est battue<br /> seule contre le monstre colombien à multiples têtes : la corruption, la drogue, les gouvernements, la mafia… une femme hyper menacée qui devait se déplacer avec des gardes de corps. Les Français se<br /> sont émus de l’honnêteté qu’elle dégageait sur les plateaux de télévision.<br /> Sans sa séquestration, Ingrid serait passée inaperçue, son livre aurait été oublié rapidement. Peu à peu, de femme fragile, elle est devenu héroïne. Sa libération a constitué une « affaire d’Etat »<br /> pour le gouvernement de Chirac et celui de Sarkozy. Pour ce dernier, la libération d’Ingrid était une affaire de « vie ou de mort », une priorité, presque la priorité des priorités, qui devait<br /> passer devant toutes les affaires de la France.<br /> Au point de vue politique, économique et social, la séquestration d’Ingrid a été fatale pour la Colombie. Ses relations avec l’Europe ont été perturbées.<br /> A la parution des livres « Out of Captivity » des trois Américains et « La Captive » de Clara Rojas, les gens doutent du traitement peu élogieux fait à l’égard de l’Icône français. On se rend<br /> compte que l’histoire d’Ingrid a commencé en France seulement à la parution de son livre en février 2001. De sa vraie vie politique ou de son caractère, les gens connaissent peu ou rien. Les<br /> auteurs français qui ont écrit des livres sur elle se montrent réticents à croire qu’elle ait un côté sombre. Ils n’aiment pas que l’on casse l’image qu’ils ont construite.<br /> L’auteur a consulté plus de 4.000 documents et a décortiqué pas à pas la vie politique d’Ingrid Betancourt, sa séquestration et sa libération. Il montre les implications politiques de la France<br /> pour sauver une femme colombienne et l’ingérence de sa famille dans les affaires de ce pays.<br /> www.hermes-editorial.com<br /> info@hermes-editorial.com<br /> ISBN : 978-2-9600889-0-8<br /> <br /> <br />