Une réflexion électorale
Publié le 4 Avril 2012
Cette période préélectorale est propice au débat. Plutôt, elle devrait l’être.
Le débat, c’est-à-dire l’échange, l’écoute de l’autre, l’élaboration d’une réflexion qui s’enrichit des leçons de l’histoire,
et qui découle aussi, mais peut-être surtout, de la réalité présente.
Des échanges qui ont eu lieu sur ce blog, certains en ont modifié leur jugement, et donc ce qu’ils feront lorsqu’ils
glisseront leur bulletin dans l’urne.
Mais en se promenant sur la toile, on peut constater que d’autres sont arc-boutés sur leurs convictions et qu’en guise
d’arguments ils ne manient que l’insulte envers ceux qui ne partagent pas leur point de vue.
Bien entendu, ils appellent au secours de leur affirmation les analyses et les déclarations de grands révolutionnaires qu’ils
pensent être inattaquables. Ils vont souvent jusqu’à affirmer quelle serait l’attitude de ces derniers s’ils étaient encore de ce monde. Ce procédé me semble, au mieux idiot, au pire
ridicule.
Je vais prendre un exemple. Supposons que Robespierre soit mort en juin 1791. Il aurait été possible d’écrire que s’il avait
encore était vivant en 1793, la terreur n’aurait pas eu lieu puisque dans son intervention à l’assemblée nationale (le 30 mai 1791), il y fait un plaidoyer fort argumenté sur la barbarie et
l’inefficacité de la peine de mort. Pourtant, ce même Robespierre, (dont, comme Ferrat, je réponds toujours), le 25 décembre 1793, à la convention nationale déclare : « le gouvernement
révolutionnaire doit au bon citoyen toute la protection nationale, il ne doit aux ennemis du peuple que la mort ».
Donc, est-ce l’homme qui n’avait pas de convictions ou les évènements qui l’ont amené à passer outre ses convictions
profondes pour répondre à la nécessité du moment ??? A-t-il eu tort ou raison ? Que serait devenue la révolution française si, appliquant ses idéaux de 1791, il s’était opposé à toutes les
exécutions, y compris celle du roi ?
Bien malin qui peut prétendre répondre. Sans aucun doute, la face du monde en aurait été changée, mais comment ?
Pour en revenir à ce que nous vivons aujourd’hui, ce qui motive mon propos, c’est évidemment l’attitude à adopter pour cette
élection. Je pense qu’elle ne peut et ne doit être dictée que par les réalités d’aujourd’hui. Ceux qui, se prétendant de « vrais » révolutionnaires, déniant par là même cette qualité à
tout ceux ne pensant pas comme eux, affirment que voter c’est déchoir et que seuls les traîtres peuvent s’y abaisser, à ceux là, je poserai juste une question à laquelle j’attends toujours la
réponse : ça gêne qui s’ils restent chez eux le jour du vote ? Car enfin, l’intérêt d’une démarche politique se mesure à son résultat. En l’espèce, quel est-il ? Sera élu celui qui obtiendra le
plus de votants quel que soit le nombre de ceux restés au chaud. Donc, l’effet est NUL.
La gravité des coups subis permet-elle une meilleure prise de conscience des masses (référence absolue de nos
« vrais » révolutionnaires) ?
Les réalités grecques, espagnoles, portugaises auraient plutôt tendance à me faire croire le contraire. Notamment l’Espagne
où le mécontentement du peuple envers le parti socialiste local les a jetés dans les bras de la droite la plus réactionnaire dont les coups n’ont pas tardé à redoubler.
Nous savons, bien que je ne sois pas convaincu que tous en prennent la mesure, que les actions à mener aujourd’hui pour
s’opposer au capital sont d’un niveau difficile, sinon impossible à atteindre. Les exemples des luttes contre la réforme des retraites ou en Espagne contre les mesures du gouvernement de droite,
montrent qu’à ce jour, elles n’ont rien empêché.
La mondialisation a servi aussi et surtout à ça, rendre les luttes des travailleurs au niveau d’un seul pays beaucoup plus
difficiles à mener.
Il faut bien tenir compte de cette réalité.
On nous affirme d’autre part qu’une élection ne peut rien changer. Mais alors, Chavez, Morales, Lula, leur élection n’a
vraiment rien changé ???
Je concède qu’elles n’ont pas instauré le communisme, mais comparées à l’Espagne ou à la Grèce, leurs résultats sont-ils
identiques ?
Pour le Brésil, les 20 % de la population sortie du seuil de pauvreté absolue, n’ont-ils rien vu de différent ?
Bien que ces situations ne soient pas la panacée, elles démontrent l’importance et les conséquences des résultats d’une
élection sur la vie concrète des plus démunis.
Chez nous, en France, prétendre que l’élection du monarque ou de Mélenchon aboutirait au même résultat est tout simplement
idiot, c’est pourtant la signification de l’abstention ou du boycott. Donc, contrairement aux affirmations de ces « vrais » révolutionnaires, ce n’est pas la peste ou le choléra ni
bonnet blanc ou blanc bonnet, même et j’en suis conscient, si ce n’est pas l’accomplissement de notre idéal.
On le voit tous les jours, le candidat Mélenchon a redonné une crédibilité au discours politique, des militants retrouvent
l’envie de militer (les nombreux drapeaux du PCF à la Bastille et ailleurs en sont l’aspect visible) et des abstentionnistes retrouvent l’envie de voter. Le nier, c’est nier l’évidence.
Utilisons cet élan pour aller plus loin, en faisant prendre conscience que le chemin qui s’ouvre n’est pas la fin du voyage
mais son début, plutôt que d’adopter une attitude stérile qui ne peut que servir nos ennemis de classe.
Car enfin, que veut dire « être communiste » (c’est-à-dire œuvrer pour le bien commun) quand, au nom de cet idéal,
on est prêt à laisser la place au pire sous prétexte de ne pas déroger à des principes intangibles, ou par confort personnel ?
Serge des bois