Sibérie : Les nénètses ou nenets
Publié le 2 Mars 2012
Les nénètses ou nenets
Peuple autochtone samoyède de Russie qui vit à proximité du cercle polaire, l’une des plus importantes des 26 ethnies de la Sibérie.
Autre appellation ancienne : Jurak ou Yurak-samoyède
Nomades éleveurs ,chasseurs et pêcheurs
Population : 41.302 personnes (2002)
Origine : ouralienne, caractéristiques mongoloïdes
Langue : nénètse de la branche samoyède des langues ouraliennes
Le mot nénètse veut dire « humain »
Leur territoire
Il est situé au nord-ouest de la Sibérie entre la péninsule de Kanin et la mer blanche, le delta de Lénissei, le cours inférieur de l’Oussa et le nord des monts Oural et de Vorkouta. On retrouve également des nénètses sur les îles de l’océan arctique, les péninsules de Kola et de Yamal.
Leur territoire est celui de la toundra, avec sa forêt de pins et son sol de pergélisol (au sol toujours gelé), aux nombreuses rivières et aux vastes zones marécageuses.
La péninsule de Yamal
La péninsule de Yamal est une vaste région de tourbière qui s’étend du nord de la Sibérie à la mer de Kara, bien au delà du cercle arctique. Elle est mouillée à l’est par le golfe de l’Ob et à l’ouest, par la baie Baïdaratskaïa, couverte de glace la plupart de l’année.
Yamal qui, dans la langue des Nenets, signifie ‘extrémité du monde’, est une péninsule reculée, battue par les vents, au pergélisol entrecoupé de rivières sinueuses. Elle est le territoire des Nenets depuis plus d’un millénaire.
! Le district autonome yamal-nénetse contient 90 % des réserves en gaz de la Russie.
image Dr. Andreas Hugentobler La toundra
Histoire
Depuis l'Antiquité, le cycle migratoire des Nénètses est et a été lié à celui du renne (des régions côtières aux forêts en automne et de retour au printemps). Ils ont mené une vie de chasseurs et de pêcheurs pleinement adaptés à l'existence de la Toundra. Leur expertise dans l'élevage du renne a donné la valeur du travail à plusieurs autres peuples.
- 8000 avant JC : Les samoyèdes du nord se détachent du groupe linguistique finno-ougrien, ils migrent et entrent en contact avec des ethnies de l’Ienisseï, des ethnies turques, ob-ougriennes et toungouse. Ils se déplacent et se divisent en 4 ethnies : Nord samoyède, Selkoupes, Kamasses et Mators). La branche nord samoyède se divise elle-même en 3 branches ethniques : Les nénètses, les Enètses et les nganassanes.
- XIe siècle : Première mention concernant les nénètses dans un ouvrage russe « Le conte d’Antan ».
- XIIIe siècle : mentions faites par des voyageurs étrangers dont Plano Carpini.
- XVIe siècle : mention de la part de S. Barrow, on sait par ses évocations que les nénètses utilisaient des chiens et des rennes comme animaux de trait et chassaient les animaux à fourrure (renard blanc, hermine) pour fabriquer leurs vêtements.
- Fin XVIe siècle : Les russes stabilisent leur pouvoir en Sibérie occidentale. Les samoyèdes sont soumis à leur domination, combats et rixes pendant cent ans.
- XVIIIe siècle : Christianisation de la Russie, évangélisation des samoyèdes (sessions de baptême de grande envergure, écoles orthodoxes), campagnes très vigoureuses.
- 1920 : Collectivisation, révoltes. Fermes collectives, sovkhoz, répression ; lavage de cerveaux, mendicité, alcoolisme, commerce et troc.
- 1930 à 1940 : répression des masses
- 1931 : trois arrondissements autonomes de la Russie : l’arrondissement Nenets (cap. Narian-Mar) dans l’Est de la Russie d’Europe, l’arrondissement Jamalo-Nenets (cap. Salekhard) occupant le Nord de la Sibérie Occidentale et l’arrondissement Dolgano- Nenets (cap. Dudinka) dans le Tajmyr.
- 1950 : Persécution des chamans, déportation de force
- En 1957 un « indigène » est considéré comme sous la tutelle de l'État de la naissance, jusqu'à la fin de ses études. Cela signifie grandir au pensionnat, loin de son domicile et de son origine ethnique. Les Nénètses étudient le programme russe, vivent dans les blocs de béton selon des règles et des règlements spécifiques.
- 1961 : Transition vers la vie sédentaire, pensionnat, tutelle, perte du sens et des responsabilités
- 1970 : fin de la vie nomade
- 1990 à 2010 : Elevage de rennes, surpâturages, pollution radioactive, retombées chimiques. Occupation de la toundra par les exploitations gazières, minières et pétrolières, réchauffement climatique, épizooties. Chasse, pêche, cueillette. Réduction des gibiers, pollution des lacs et rivières, contamination des baies et des poissons, sédentarisation : alcoolisme, drogue.
Beaucoup cependant, aujourd’hui, habitent dans les villages, où ils ne se livrent à aucune activité et vivent d’aides sociales ou de compensations payées par les compagnies pétrolières en échange du droit d’exploiter leur territoire. En réaction, depuis les années 1990, un mouvement de retour à la forêt s’est amorcé. En 1992, la Douma de l’okrug des Khantys et des Mansis a décidé d’accorder aux familles voulant vivre suivant les traditions l’usufruit de leurs terres claniques.
Aujourd'hui, les éleveurs nénets ont le choix entre la sédentarisation dans une ferme collective et le retour à la vie nomade dans la toundra. Dans le premier cas, ils sont salariés, le troupeau de rennes ne leur appartenant pas. Dans le second cas, ils sont libres et possèdent leur propre troupeau. Ils vivent souvent en communauté composée d'une dizaine de brigades. Chaque brigade comprend 5 à 6 tentes abritant 15 à 20 personnes, souvent d'une même famille, 80 traîneaux, un troupeau de 2 000 rennes, une quinzaine de chiens de berger utilisés pour rassembler les bêtes.
Mode de vie
Religion
Elle est basée sur un système de croyances animistes et chamaniques. Comme les amérindiens, la terre et ses ressources font l’objet de cultes.
Le dieu du ciel et des tempêtes, Noum est le dieu créateur, Nga est son opposé, il distribue la maladie, la souffrance, la mort et la malchance. Quand à la femme de Noum, Ya Nebya (terre-mère), elle est la protectrice des femmes, de la fertilité aussi bien de celles-ci que des plantes, la gardienne du foyer et de la famille.
Les dieux et les esprits sacrés sont représentés par des poupées ou des objets (amulettes, ongones, ongones zoomorphes, objets du chamane) et portés sur un traîneau sacré.
Les nénets pensent qu’un homme a plusieurs âmes : l’âme sang, l’âme souffle, l’âme ombre, l’âme image. La mort est la perte des âmes et la maladie peut entraîner le chamane dans l’au-delà pour ramener une âme perdue. Dans le système d’orientation des samoyèdes, l’au-delà est situé à la surface de la terre.
Le chaman ou tadibya
Il est très respecté, c’est le médiateur entre le monde des esprits et le monde terrestre. Le chamane agit selon sa fonction d'intercesseur et doit assurer au chasseur par le rite un mécanisme de survie du groupe. Bien gérer la situation avec les esprits afin d’être en mesure de prélever le gibier, éviter les maladies, apporter la prospérité et la guérison au clan à qui il doit chaque fois, apporter et renouveler la preuve de sa puissance.
Le renne source de vie
Ce sont les nénètses qui vivent encore de l’élevage des rennes dans la toundra qui ont moins de problèmes pour poursuivre leur vie traditionnelle. Les sédentaires s’acculturent plus rapidement à leurs voisins.
Le renne est leur maison, leur nourriture, leur chaleur, leur moyen de transport, une sorte d’autosubsistance, une force vitale et spirituelle, matérielle et physique qui les protège des agressions du modernisme et leur offre une autonomie et une indépendance vis-à-vis de la vie moderne.
Le renne aux multiples usages :
- Les peaux servent à confectionner les manteaux, les tentes, les chaussures.
- Les os font des outils et forment des parties du traîneau.
- Les tendons servent pour les lassos.
- Il sert à tirer les traîneaux.
Chaque nénètse à son renne sacré qui ne sera jamais harnaché ni abattu tant qu’il pourra marcher.
Il faut une centaine de rennes pour faire vivre une famille.
L’habitation
Le tchoum (ou mya)
C’est l’habitat traditionnel, une sorte de tente qui ressemble à un tipi, composé d’une soixantaine de peux de rennes. Le tchoum est la propriété de la femme, elle de monte et le démonte à chaque déplacement. Il est très mobile, ne comporte aucuns pieux enfoncés dans le sol, seulement des chevilles. Quinze personnes peuvent y séjourner. L’intérieur y est éclairé à l’aide d’une lampe à pétrole. Le sol est recouvert d’un plancher sur lequel on dispose des peaux de rennes. Il y a une famille par tchoum.
A l’intérieur du tchoum il existe des règles de vie bien précises, par exemple
Les femmes travaillent côté sud alors que l’homme, lui est à l’arrière, la femme ne doit pas dépasser une ligne imaginaire qui relie l’intérieur du tchoum vers l’arrière de la tente. Cette ligne sépare la terre des morts du soleil.
L’homme, lui ne doit pas toucher le plancher ni les piquets qui soutiennent les tentes.
Avgusta Ledneva, âgée de 60 ans, et son petit-fils, Alexei Lednev, âgé de 18 ans, prennent un repas dans leur tente, le 19 février 2012 lien
Alimentation
La viande de renne constitue la base de l’alimentation : crue, congelée, bouillie, mélangés à du sang frais très riche en vitamines. Les abats sont un mets de choix.
Le poisson (saumon blanc ou muksun) est aussi au menu ainsi des canneberges qui seront cueillies l’été, des champignons, des œufs d’oie.
La vie moderne leur a apporté quelques produits, sucre, farine, sel, beurre, pâtes et alcool.
Tenue vestimentaire
Les hommes portent une malitsa, un pardessus ample fait en peau de daim avec une fourrure intérieure, une capuche et des mitaines intégrées. Une ceinture de cuir avec des amulettes (dents d’ours) sur un pantalon, des bottes fourrées. Les éleveurs possèdent 2 ou 3 paires de longues cuissardes en peau de rennes, les toboguis.
Les femmes ont des vêtements ouverts sur le devant en différentes peaux ; daim, renard, renne.
Les enfants seront gardés dans le berceau jusqu’à l’âge d’un an, ils portent des salopettes.
Partage des tâches et des rôles (question transversale du genre)
Homme : il s’occupe des pâturages des rennes, de l’abattage, de l’élevage des animaux et de la recherche de bois.
Femme : le chauffage, la cuisson, la cueillette, l’éducation des enfants, la couture
L’homme est tourné vers la toundra alors que la femme, elle est tournée vers l’habitat. La symbolique des tâches est répartie aussi bien dans les tâches quotidiennes que dans les rituels.
Vont alors se greffer sur ce système de nombreuses dyades (2 principes opposés et complémentaires) qui forment des couples associés aux représentations de la fertilité, de la vie opposée à la maladie etc : jour/nuit, homme/femme, vents froids/tempêtes ; gel/dégel, côté masculin/côté féminin. Le tout suivant une inclinaison solaire au fil des saisons et des déplacements.
Un peuple toujours menacé
Les Nenets ont subi les épreuves de l’intrusion colonialiste, de la guerre civile, de la révolution et de la collectivisation forcée. Aujourd’hui, leur mode de vie d’éleveurs nomades est une fois de plus gravement menacé.
Pour survivre en tant que peuple, les Nenets ont besoin d’un accès libre à leurs pâturages et d’un environnement indemne de déchets industriels.
Confrontés au front pionnier des Etats et des multinationales qui rivalisent pour un bout d’Arctique, à celui des scientifiques qui affluent pour étudier les effets du réchauffement climatique et à l’annonce de Gazprom que de nouveaux gisements de gaz naturel seront prêts à être exploités en 2019, leurs préoccupations deviennent de plus en plus urgentes.
« La toundra est notre foyer et les rennes sont notre vie et notre avenir », disent les Nenets.
Gazprom
Le bras droit du kremlin, premier exploitant de gaz au monde quadrille la toundra de pipelines, de pistes goudronnées et de chemins de fer qui bloquent les routes de migration des rennes et repousse les nénétses toujours plus loin pour vivre en paix. Très bientôt je vous fournirait un article à ce sujet.
Le réchauffement climatique
L’arctique change rapidement en raison du réchauffement climatique, de la fonte du pergélisol qui dégage d’importantes quantités de méthane, un gaz à effet de serre plus puissant encore que le dioxyde de carbone.
La fonte du pergélisol
Elle entraîne l’assèchement des lacs d’eau douce de la toundra et réduit de ce fait considérablement le stock de poissons consommés par ce peuple qui en dépend également.
Intrusion maritime
La fonte de la banquise permet à l’océan de s’ouvrir au trafic maritime, porte d’entrée potentielle au commerce entre l’Asie, l'Europe et l’Amérique du nord.
Sources : le site de Claude Chatron- Colliet, wikipédia, survival
Caroleone