Rappelons-nous : Le 6 avril 1994, le génocide au Rwanda commence...
Publié le 10 Avril 2011
Le 6 avril, d’une façon très professionnelle, un avion est abattu dans le ciel de Kigali : les présidents du Rwanda et du Burundi meurent dans l’attentat. Dans l’heure qui suit, la garde présidentielle - noyau dur de l’armée rwandaise - prend la capitale en main. La troupe, accompagnée des escadrons de la mort, entre dans certaines maisons. Des gens bien sélectionnés sont abattus, sur base de listes préétablies
En quelques heures des barrages sont dressés sur les routes. Tout Rwandais qui passe est contrôlé et on lui demande de présenter sa carte d’identité (qui mentionne l’appartenance ethnique). Les cadavres s’amoncellent sur les bords des chemins. Un carnage massif est déclenché dans tout le pays, en quelques heures. Le génocide commence…
On n’ose imaginer les conséquences du drame rwandais, à court et à long terme, pour les individus et pour la société, pour le pays et pour l’Afrique. L’analyse « rationnelle » des événements n’est pas facile. Mais elle est nécessaire. Car derrière ce chaos indescriptible et cette misère absolue se cachent des responsabilités politiques et des intérêts matériels.
Ce drame est complètement incompréhensible, disent certains collaborateurs d’ONG qui connaissent le Rwanda depuis de longues années. D’autres commentateurs, pleins d’assurance, épinglent les causes « naturelles » : la cruauté congénitale de l’être humain, ou les rivalités ethniques ancestrales. La mentalité coloniale affleure souvent dans les réflexions : on évoque l’arriération des noirs, leur évangélisation trop superficielle. Mais le plus grave est que, comme le dit Alain Destexhe, secrétaire-général de MSF, le génocide est nié, la responsabilité internationale est occultée et la culpabilité des auteurs se dilue dans le malheur général.
Un génocide
Personne ne peut échapper à cette conclusion : le Rwanda a été le théâtre du génocide planifié de la communauté tutsi : 500.000 morts en six semaines selon la Croix-Rouge, plus d’un million après trois mois selon le coordinateur-adjoint du Bureau de l’ONU au Rwanda. Ces gens ont été massacrés systématiquement (à 90 % en dehors des villes) sur base de leur appartenance ethnique. Leurs biens ont été volés. Leurs maisons ont été pillées et incendiées, alors qu’il s’agissait de citoyens et citoyennes désarmés : il n’y a pas eu d’affrontement, de guerre ou de guerre civile. Enfants, femmes et femmes enceintes ont été particulièrement visés.
Aucun lieu ne servait de refuge, certainement pas les hôpitaux et les églises. Les assassins voulaient une solution finale. La comparaison avec le génocide des juifs par Hitler est pleinement valable. Il n’y a que deux différences : le nombre absolu de victimes (les nazis ont exterminé 6 millions de juifs) et le fait que les nazis usèrent de l’infrastructure d’un pays industrialisé moderne.
Le clan Habyarimana, lui, a dû se contenter de moyens de destruction artisanaux et d’armes de petit calibre. Mais le but, comme dans l’Allemagne nazie, était bien la solution finale, un génocide, c’est-à-dire la destruction planifiée d’une collectivité entière par le meurtre de masse ayant pour but d’en empêcher la reproduction biologique et sociale.
Aucune comparaison n’est possible avec les exactions que des membres du FPR ont commises et commettront peut-être encore à l’avenir. Ces exactions contre des Hutus sont évidemment répréhensibles, mais il s’agit d’actes de vengeance.
Le génocide des Tutsis n’est ni un hasard, ni une explosion de violence spontanée. On ne peut pas parler non plus de violence de guerre - même si une guerre était en cours au moment des faits et si le génocide en fait partie (comme le massacre des juifs par les nazis). On peut encore moins parler de retour vers le moyen-âge. Le génocide des Tutsis ne relève pas de l’atavisme : c’est un phénomène moderne, un indice de la barbarie qui monte au fur et à mesure que le marché libre se généralise et que la crise sociale s’approfondit.
Plus d’un million et demi de morts, plus de deux millions de réfugiés, des centaines de milliers de malades et de blessés - sur une population estimée à 7,5 millions de personnes. La guerre, la guerre civile, les massacres racistes, la famine, les épidémies,…
l’article intégral signé par François Vercammen, 1994 (sur le Grand Soir), où on parle des intérêts politiques et notamment du rôle du gouvernement français.
P.-S.
En savoir plus :
- un article de Marc Oberle (synthétique).
- … et dans les vraies librairies : de plus en plus de livres sur le Rwanda, autant sur le génocide, l’histoire, les responsabilités politiques (ONU, France, Belgique…), les intérêts individuels
http://rebellyon.info/Le-6-avril-1994-le-genocide-au.html