Politzer : Révolution et contre-révolution au XX e siècle 1ère partie

Publié le 25 Janvier 2011

 

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Georges Politzer: Révolution et contre-révolution au XXe siècle

 

brochure rédigée en décembre 1940 et janvier 1941 et publiée clandestinement en février 1941 par le parti communiste français

À la fin du mois de novembre dernier, Monsieur le Reichsleister Rosenberg, « mandataire du Führer pour la haute surveillance de l'ensemble du travail de formation et d'éducation idéologique dans le Parti national-socialiste d'Allemagne », est venu en France tout exprès pour prononcer un discours.

 

On avait choisi, comme cadre, la salle des séances de la Chambre des députés, et l'auditoire était composé du général commandant en chef les troupes d'occupation en France, d'officiers de tous grades et de représentants diversement titrés du régime hitlérien.

On ne dit pas si les laquais Déat, Doriot, ainsi que M. de Brinon ont été admis à la solennité en se tenant debout, à la manière des laquais, derrière les fauteuils du général von Stülpnagel et de son Excellence Otto Abetz.

Le discours de M. Rosenberg a été publié par la "Deutsche Zeitung in Frankreich", sous le titre : « Règlement de comptes avec les idées de 1789 ».

Un résumé officiel et atténué sur plusieurs points a été publié par la presse traduite, sous le titre : « Sang et Or, ou l'Or vaincu par le Sang ».

La Révolution française est l'honneur historique du peuple de France.

Le culte du passé glorieux qu'elle représente acquiert un contenu et un sens nouveau à l'heure où le capitalisme français livre la nation à l'oppression d'un impérialisme étranger.

Le discours de M. Rosenberg appelait donc une réponse.

Les marxistes français, c'est-à-dire les communistes la lui apportent.

Ce fait est à la fois naturel et significatif.

La lutte active contre toute cette colonisation spirituelle, dont le voyage de M. Rosenberg est le symbole, est inséparable de la lutte pour la liberté et l'indépendance de la France.

 

Le Parti communiste français a la fierté d'être à l'avant-garde de cette lutte.

Le fait que ce sont les communistes français, et eux seuls, qui répondent à M. Rosenberg, montre, en même temps, combien il est vrai que la défaite a marqué aussi l'effondrement idéologique de tous les autres partis.

M. Rosenberg est venu à Paris pour un « règlement de comptes » avec les idées de 1789.

« Règlement de comptes » veut dire également « dernière explication ».

La « dernière » explication de M. Rosenberg avec 1789 doit se transformer en une première explication avec le nazisme. La méthode historique de M. Rosenberg

 

M. Rosenberg annonce, au début de son discours, que les « nationaux-socialistes » étudient en France « les idées qui ont provoqué la chute de l'ancien régime du XVIIIe siècle ».

Les études de ce genre sont des études historiques.

 

Il est donc utile de savoir comment M. Rosenberg conçoit les études de ce genre.

Dans une conférence prononcée en 1934, il a donné à ce sujet des précisions qu'il a omis de reproduire dans son discours de Paris.

Dans cette conférence, intitulée : « la liberté de la science », M. Rosenberg a fait la déclaration suivante : Il y a une conception catholique et une conception protestante de l'histoire....à côté des conceptions religieuses de l'histoire....apparaissent les conceptions nationalement teintées.

Nous croyons qu'il est temps d'annoncer une façon allemande de considérer l'histoire (M. Rosenberg, "Blut und Ehre", tome 2 ; page 210).

 

M. Rosenberg constate donc qu'il y a une déformation ecclésiastique et une déformation chauvine de l'histoire.

Il en tire la conclusion qu'il est temps d'ajouter aux déformations déjà existantes une déformation nouvelle, la déformation « allemande », c'est-à-dire, selon lui, national-socialiste.

 

Déformer ainsi les faits, c'est ce que M. Rosenberg appelle « la liberté national-socialiste de la science ».

Déformer l'histoire, c'est refaire l'histoire du passé selon les besoins du présent ; c'est subordonner l'histoire aux exigences d'une propagande.

 

C'est ce que veut faire M. Rosenberg.

 

Mais il est utile de savoir comment cette propagande est conçue.

 

Dans "Mein Kampf", M. Hitler établit la comparaison entre la propagande politique et la réclame.

"Que dirait-on, écrit-il, d'une affiche destinée à vanter un nouveau savon et qui dirait qu'il y a aussi d'autres bons savons ? On secouerait la tête.

 

Il en est exactement de même en ce qui concerne la réclame politique" ("Mein Kampf", édition allemande de 1 935, page 200).

M. Hitler montre lui-même qu'il conçoit la propagande politique comme une réclame politique, conduite selon les principes de la publicité commerciale.

Il soutient que la propagande vraie est, comme la publicité vraie, celle qui réussit, et que la propagande n'a pas à chercher la vérité objective dans la mesure où elle est favorable à d'autres....pour l'exposer ensuite avec sincérité doctrinale aux masses ("Mein Kampf", même page).

Nous savons donc que pour M. Rosenberg l'histoire est subordonnée à la propagande ; qu'il s'agit d'une propagande qui se conçoit elle-même comme une réclame, imitant la publicité commerciale ; qu'elle n'a pas pour but de rechercher la vérité objective devant les masses.

 

Quel est donc son but ? Obtenir un effet politique.

 

Les faits, leur interprétation, tout est subordonné à ce but.

 

Autrement dit : on affirme sans scrupules n'importe quoi.

 

L'histoire devient ainsi une fable ou, selon l'expression de M. Rosenberg, un mythe.

 

M.Rosenberg est, comme on le sait, l'auteur d'un ouvrage intitulé : "le Mythe du vingtième siècle".

Ainsi, par exemple M. Rosenberg propose aux Allemands du XXe siècle comme modèle les anciens Germains.

Il trace ensuite de ces derniers des « portraits historiques ».

Il se trouve alors que les anciens Germains possédaient précisément les traits de caractère que le régime hitlérien veut inculquer à la jeunesse.

La chose n'est pas difficile : pour que le national-socialiste puisse être modelé sur l'ancien Germain, M. Rosenberg commence par modeler l'ancien Germain sur le national-socialiste.

 

C'est encore le même procédé qui lui permet de présenter M. Hitler dont l'existence, en tant que personnalité politique, suppose le développement ultime du capitalisme, comme la réincarnation du « Herzog » germanique.

Il suffit pour cela de placer chez les anciens Germains du début de la féodalité les rapports sociaux qui caractérisent la fin du capitalisme.

 

Dès lors, quand M. Rosenberg nous annonce qu'il va étudier « les idées qui ont provoqué en France la chute de l'ancien régime du dix-huitième siècle », nous sommes fixés.

 

Il s'agit de substituer à l'histoire réelle de la Révolution une fable destinée à la propagande, à celle-là même qui vise à asservir la France intellectuellement pour pouvoir mieux l'asservir économiquement et politiquement.

Et comme M. Rosenberg a consacré une partie de son discours à l'histoire de la guerre, nous savons également qu'il s'agit de substituer à l'histoire réelle de la guerre une fable destinée à la propagande, à celle-là même qui doit transformer la France vaincue en une France soumise.

 

On peut citer ici quelques exemples de l'application que M. Rosenberg fait dans son discours de la liberté national-socialiste de l'histoire.

 

M. Rosenberg décrit avec minutie l'installation et la décoration des Loges maçonniques.

 

Mais venu exprès à Paris pour régler des comptes avec les idées de 1789, il a passé sous silence l'existence même de tout le mouvement intellectuel qui, après avoir produit l'Encyclopédie, a abouti à la déclaration des Droits de l'Homme ; Rousseau, d'Alembert, Diderot, Condillac, Helvétius, d'Holbach, tout cela n'existe pas pour lui, pas plus que l'Encyclopédie.

Tout cela est supprimé au nom de la « liberté national-socialiste de la science ».

 

À propos du 19e siècle, M. Rosenberg « mentionne » l'exploitation capitaliste.

Et il ajoute que quelques penseurs isolés seulement ont élevé la voix pour protester.

Ce sont ....Carlyle et Dickens.

Mais Saint-Simon, Fourier et Owen ? Le socialisme utopique ? Et Karl Marx et Friedrich Engels ? Le socialisme scientifique ? Supprimés, au nom de la « liberté national-socialiste de la science ».

Seuls les auteurs cités par M. Rosenberg ont existé.

C'est ainsi que M. le Reichsleiter, mandaté pour la haute surveillance de l'ensemble du travail d'éducation et de formation idéologique dans le Parti national-socialiste, écrit l'histoire.

Le discours de M. Rosenberg doit être mis à la base de l'enseignement de l'histoire en France : le gouvernement de Vichy y travaille.

Quand M. Rosenberg « omet » l'Encyclopédie, cela veut dire qu'il sera interdit d'en parler aux enfants de France.

Quand M. Rosenberg « oublie » les noms de Rousseau et de Diderot, cela signifie que les enfants ne devront pas les connaître.

Quand M. Rosenberg escamote, non seulement le socialisme scientifique, mais encore le socialisme utopique, cela veut dire qu'il s'agit de prendre des mesures pratiques de toutes sortes, afin de ramener les travailleurs, par la force et par la ruse, deux cents ans en arrière.

Étant donné cette conception raciste de l'histoire, il faudrait un volume pour montrer dans tous ses détails ce que comporte le discours de M. Rosenberg dont chaque allusion historique est une déformation des faits.

Nous serons obligés de concentrer notre attention sur quelques points particulièrement remarquables.

Ce qu'est le conflit mondial entre le sang et l'or

Chacun sait que, dans toutes les guerres de rapine, il y a de l'or et du sang et que l'or est du côté des capitalistes qui l'encaissent et le sang du côté des peuples qui le versent.

M. Rosenberg parle, lui aussi, de sang et d'or, à propos de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1 939-1 940.

Mais ce n'est pas ainsi qu'il entend les choses.

La grande lutte mondiale entre l'or et le sang, dit-il, avait déjà commencé d'une façon dramatique le 2 août 1914.

Le conflit de 1 939-1 940 en est la continuation gigantesque, mais sur le plan d'une conscience plus élevée.

Il en résulte que, pour M. Rosenberg, le conflit mondial entre le sang et l'or n'est pas celui qui opposerait les capitalistes qui encaissent l'or et les peuples qui versent le sang ; c'est celui qui oppose les pays capitalistes eux-mêmes.

Selon lui, le sang, c'est l'Allemagne, en 1914 comme en 1939, et l'or, ce sont les adversaires de l'Allemagne, en 1914 comme en 1939.

 

Du reste l'Allemagne n'est pas appelée seulement « sang ».

 

Elle est appelée également « force vitale créatrice profonde » ; « force raciale créatrice de l'Europe centrale ».

Et M. Rosenberg nous apprend que la guerre de 1914-1918 et celle de 1939-1940, qui la continue, sont en fin de compte « une lutte pour la hiérarchie des valeurs ».

C'est pour elle, pour la « hiérarchie des valeurs » que sont morts et que meurent les millions de victimes de la guerre.

M. Rosenberg explique qu'en 1918, c'était la victoire de l'or, mais en 1939, les « véritables forces vitales » se sont « révoltées contre cet odieux abaissement des vraies valeurs de la vie » et maintenant, enfin, le sang a remporté la victoire.

La victoire de l'or sur le sang était provisoire ; la victoire du sang sur l'or sera, bien entendu, définitive.

 

Que signifie tout cela ?

 

Le premier avantage de cette façon très noblement symbolique de s'exprimer, c'est que tous les faits concrets qui représentent la cause des guerres, tous les actes effectifs qui en marquent la préparation secrète, toutes les tractations louches qui les précèdent et qui les entourent, disparaissent ; tout cela devient imperceptible, vu des hauteurs métaphysiques de la « hiérarchie des valeurs ».

Cependant, c'est un fait qu'à la veille de la guerre de 1914 l'Allemagne était un pays capitaliste, comme l'Angleterre, la France, les Etats-Unis, le Japon, la Russie tsariste, et, d'une manière générale, tous les pays.

C'est également un fait qu'à cette époque les colonies étaient déjà partagées entre les principales puissances. L'Allemagne, qui était arrivée plus tard que les autres rapaces mais se développait plus vite, ne pouvait satisfaire son appétit colonial qu'au détriment des possessions de la France et de l'Angleterre.

Et effectivement, elle voulait les colonies françaises et anglaises.

Jamais personne n'a affirmé, pas même M. Rosenberg, que l'Allemagne capitaliste voulait des colonies pour leur rendre la liberté économique et politique.

Chacun sait qu'elle les voulait pour que les capitalistes d'Allemagne puissent les exploiter à la place des capitalistes français et anglais.

L'Allemagne était donc impérialiste et avait à la veille de la guerre des appétits impérialistes.

Ces appétits ne la portaient pas seulement vers les colonies ; elle voulait également annexer l'Ukraine, la Pologne et les provinces baltiques de la Russie tsariste.

On se rappelle également qu'en construisant le chemin de fer de Bagdad, elle menaçait la domination de l'Angleterre dans le Proche-Orient.

Mais l'Allemagne n'était pas seule avec ses appétits d'annexion impérialiste.

L'Angleterre voulait la Mésopotamie, la Palestine, l'Égypte.

Elle voulait non seulement conserver ses colonies, mais battre l'Allemagne qui était en train de l'évincer du marché mondial.

La France voulait la Sarre et l'Alsace-Lorraine annexée par l'Allemagne en 1 871.

Les intérêts des puissances capitalistes se heurtent au sujet du partage des colonies et du marché mondial, au sujet des sources de matières premières, des marchés d'exportation des marchandises et des capitaux.

Les intérêts se heurtent et les puissances capitalistes préparent la guerre : en 1 907, c'est « l'Entente », l'alliance entre l'Angleterre, la France et la Russie qui se dresse en face du groupe impérialiste formé par l'Allemagne avec l'Autriche-Hongrie.

Et en 1914 s'engage la guerre.

 

Guerre entre le sang et l'or ? Non, mais une guerre entre puissances impérialistes.

 

L'enjeu de cette guerre, c'étaient les colonies, les marchés et, d'une manière générale le partage du monde, l'hégémonie dans le monde.

 

C'est pourquoi c'était une guerre impérialiste ou comme dit Lénine, « une guerre de conquête, de pillage, de brigandage » ("L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme", préface aux éditions française et allemande).

La responsabilité de cette guerre incombe à toutes les puissances impérialistes qui y ont participé.

Il était question, dans cette guerre impérialiste, également d'Or.

Seulement, M. Rosenberg dit que c'est uniquement parce que l'Or a voulu soumettre le Sang, c'est-à-dire l'Allemagne.

Il dit également que 1914 était une conspiration des Bourses des démocraties mondiales contre le peuple allemand.

La vérité est qu'il était question d'Or en 1914 parce que la lutte était engagée entre les capitalistes allemands, français et anglais aussi pour la possession des mines d'or.

 

La vérité est que 1914 était non une conspiration de la haute finance des démocraties mondiales contre le peuple allemand, mais une conspiration de la haute finance des démocraties anglaise et française, de l'Allemagne impériale, de la Russie tsariste etc ..., contre les peuples de tous ces pays, une conspiration de tous les impérialismes contre tous les peuples.

La vérité est que la guerre fut menée, comme dit Lénine, « afin de savoir lequel des groupes, allemand ou anglais, de brigands financiers doit recevoir la plus grande part du butin » ("L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme")

M. Rosenberg a oublié de parler, en mentionnant la haute finance des démocraties mondiales, de la haute finance de l'Allemagne.

Mais son existence, du reste notoire, est suffisamment prouvée par le fait même de la participation de l'Allemagne à la guerre.

Quelle que soit la forme du gouvernement, c'est toujours la haute finance qui est derrière les appétits impérialistes.

La guerre de 1914-1918 était la première guerre mondiale pour un nouveau partage du globe entre les puissances impérialistes, après l'achèvement d'un premier partage à la fin du dix-neuvième siècle.

 

On comprend la commodité extrême de la fable de l'Or et du Sang.

 

M. Rosenberg baptise les bénéficiaires de l'ancien partage, qui sont aussi les possesseurs des principales mines d'or, « les pays de l'or ».

 

Et l'impérialisme qui lutte pour un nouveau partage à son profit, et qui n'a pas les mines d'or, devient le pays du « sang ».

La lutte impérialiste et injuste pour le nouveau partage devient la lutte idéaliste et juste du sang contre l'or.

Les puissances impérialistes sont baptisées « valeurs ».

 

La façon dont le partage du monde est réalisé entre elles devient « la hiérarchie des valeurs ».

La lutte pour le nouveau partage du monde devient la lutte pour « la hiérarchie des valeurs ».

La concurrence sordide des oligarchies financières assassinant les peuples est transportée dans l'espace suprasensible des pures idées éternelles !

 

Effectivement, le passage de son discours que M. Rosenberg a consacré à la guerre était d'une élévation remarquable.

Sa pureté n'était souillée par aucune parole concernant les biens matériels.

M. Hitler a pu dire à Berlin très clairement, le 10 décembre dernier, qu'il voulait un nouveau partage des colonies.

Mais M. Rosenberg est un idéologue.

 

Il est chargé de faire valoir jusqu'à quels sommets peut s'élever la philosophie nazie.

Il n'a donc pas dit un seul mot des sources de matières premières, des marchés d'exportation, du contrôle des voies maritimes.

Il a appelé l'Allemagne « force vitale créatrice profonde », parce qu'il s'agit d'un impérialisme qui s'est développé plus rapidement que l'impérialisme anglais et français ; il l'a appelé « force raciale créatrice de l'Europe centrale », parce qu'elle organise son hégémonie en Europe.

Pour chaque aspect de la guerre impérialiste M. Rosenberg a trouvé une traduction vertueuse, avec une telle conscience qu'on pourrait joindre à ce discours un dictionnaire.

Mais comme ce dictionnaire n'est pas joint, M. Rosenberg pense qu'il se trouvera quand même un nombre suffisant de gens pour accepter une fois de plus de prendre une guerre injuste pour une guerre juste.

C'est, au fond, de cela qu'il s'agit.

Pour tous les impérialismes s'est posé, après la première guerre mondiale, le problème de trouver le moyen d'embarquer encore une fois les peuples dans une nouvelle guerre impérialiste, lorsque sonnera l'heure de la lutte pour un nouveau partage du monde.

Le problème s'est posé avec une acuité particulière en Allemagne où le peuple a tant souffert pendant et après la guerre.

Le mythe du « Sang » représente la trouvaille.

En appelant à la guerre du Sang contre l'Or, M. Rosenberg fait croire que l'Allemagne capitaliste mène une guerre anticapitaliste.

M. Hitler parle même de la guerre de « deux mondes ».

Mais est-ce que l'Allemagne a supprimé la division de la société en exploités et en exploiteurs ?

Oui, dit M. Rosenberg.

Est-ce en supprimant la propriété privée des moyens de production et l'exploitation de l'homme par l'homme ?

Non dit M. Rosenberg, car ce serait du bolchevisme.

Le « national-socialisme » ne supprime pas les classes à la manière « mesquine » de ceux qui ne peuvent pas se détacher des réalités vulgaires.

Il a supprimé les classes par l'esprit, c'est-à-dire comme l'explique l'auteur du "Mythe du vingtième siècle", en faisant prendre conscience aux hommes de « l'unité raciale », de sa « force supérieure à toutes les autres ».

-C'est ce qu'il appelle « le mystère du sang ».

En Union soviétique, où la société sans classes est réalisée, l'unification de la société est un fait.

En Allemagne hitlérienne, elle est un « mystère », parce que comme tous les mystères, elle n'existe que dans l'imagination de ceux qu'on trompe.

Les slogans et les faits

Ce n'est pas par amour de la poésie que le nazisme fabrique des mythes.

Ces mythes sont des instruments politiques, et « la lutte mondiale du Sang contre l'Or » est, comme nous l'avons vu, le slogan de l'impérialisme allemand, pour sa deuxième guerre en vue d'un nouveau partage du monde.

En 1914, a dit M. Rosenberg dans son discours, l'Allemagne n'avait trouvé que le mot d'ordre d'une simple défense du peuple et de la patrie.

Elle n'avait pas une grande idée unificatrice, et elle n'était pas portée par la volonté d'atteindre un grand but.

En 1939-1 940-1 941, l'impérialisme allemand n'a pas un mot d'ordre de « simple défense ».

Il a commencé la guerre en déclarant lutter « pour la réparation de l'injustice de Versailles » et il la poursuit avec le mot d'ordre de la « lutte du Sang contre l'Or ».

L'esprit dans lequel ces mots d'ordre sont élaborés nous est révélé par le chapitre 6 de Mein Kampf, intitulé « Kriegspropaganda », « propagande de guerre ».

M. Hitler y critique la propagande de l'impérialisme allemand durant la première guerre mondiale, exprime son admiration pour celle des Alliés et expose ses idées sur ce qu'il appelle les principes véritables de « l'art de la propagande ».

La propagande de guerre doit être, selon M. Hitler, unilatérale.

Selon lui, « la toute première prémisse de toute activité de propagande en général », c'est « l'attitude foncièrement subjective et unilatérale à l'égard de toutes les questions traitées ».

"Il était radicalement faux de traiter de la responsabilité de la guerre en se plaçant au point de vue que l'Allemagne ne pouvait être tenue seule responsable de l'éclatement de cette catastrophe ; mais il eût été juste de rejeter sans réserve la faute sur l'adversaire, même si cela n'avait pas correspondu à la véritable situation, comme c'était cependant le cas" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 201) "La propagande de guerre n'a pas pour but d'instruire ceux qui ont déjà l'expérience de la science ou qui aspirent à la culture ou à la compréhension" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 197).

Elle a pour but d'entraîner les masses en employant surtout deux procédés.

D'une part, au lieu d'argumenter, il faut répéter.

Car "la masse, étant donné sa lourdeur, a toujours besoin d'un certain temps avant d'être seulement disposée à prendre connaissance d'une chose, et ce n'est que la répétition mille fois renouvelée qui fixera cette chose dans sa mémoire.

 

" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 203)

 

D'autre part il faut s'adresser non à la raison, mais aux passions.

"Le peuple a, dans son immense majorité, des dispositions et une attitude si féminines que ce n'est pas la réflexion posée, mais le sentiment passionné qui détermine sa pensée et son action.

" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 201).

 

M. Hitler exprime (dans "Mein Kampf", page 201) son admiration plus particulière pour "la propagande anglaise qui, en 1914-1918, a compris tout cela de la façon la plus véritablement géniale".

L'Allemagne fut accusée d'être seule responsable de l'éclatement de la guerre.

"Un mensonge, poursuit M. Hitler, qui tint compte de l'attitude passionnée, toujours extrême du peuple, par l'obstination unilatérale, absolue et effrontée avec laquelle il fut présenté, et il trouva audience pour cette raison.

" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 201).

L'actuel chancelier du Reich recommandait de suivre cet exemple.

"À quels résultats formidables peut conduire une propagande bien appliquée, c'est ce que l'on a pu constater seulement pendant la guerre.

 

Mais malheureusement, il fallait, ici encore, tout étudier de l'autre côté, car chez nous l'activité à cet égard était plus que modeste.

" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 193).

« La lutte du Sang contre l'Or » doit représenter le bon slogan conforme à tous les « vrais principes » de l'art de la propagande telle que le conçoit le « national-socialisme ».

Ce slogan est unilatéral à souhait : l'or, c'est-à-dire le capitalisme, n'existe que chez les concurrents impérialistes ; on met en avant la ploutocratie britannique et l'on passe sous silence la ploutocratie allemande.

Un slogan comme « la lutte du Sang contre l'Or » n'a évidemment pas pour but de renseigner « ceux qui aspirent à la culture ou à la compréhension ».

 

Loin de permettre aux grandes masses de comprendre ce qui se passe, il est précisément destiné à les en empêcher, par une invention aussi fausse qu'absurde.

Mais précisément, parce que l'invention est absurde, l'argument principal est la répétition mille fois renouvelée, dans une atmosphère de terreur.

Certes, ce slogan ne s'adresse pas à la raison.

La moindre réflexion rationnelle permet de comprendre que la lutte pour les colonies entre une puissance impérialiste, comme l'Allemagne hitlérienne, et une puissance impérialiste, comme la Grande-Bretagne, ne saurait être une lutte « anti-impérialiste » ; que baptiser la lutte des capitalistes allemands pour l'or une lutte contre l'or est aussi absurde que si l'on baptisait leur lutte pour le pétrole et les sources de matières premières une lutte contre le pétrole et contre les sources de matières premières.

Quant au « sentiment », le genre de sentiment auquel la propagande de guerre hitlérienne fait appel est suffisamment caractérisé par son maniement constant de l'antisémitisme, arme de toujours de la réaction, arme en particulier du tsarisme.

L'ambition de cette propagande est de tromper les masses comme les impérialistes alliés avaient réussi à les tromper en 1914-1918, et de trouver une duperie aussi colossale que « la guerre du Droit contre la Force », un slogan aussi effrontément faux que « Civilisation contre Barbarie », et on a trouvé « Sang contre Or ».

Au début du chapitre 6 de Mein Kampf, M. Hitler affirme qu'il est très instructif d'étudier la propagande marxiste.

Mais les chefs « nationaux-socialistes » ne l'ont « étudiée » que pour pouvoir faire exactement le contraire.

Les marxistes savent que le capitalisme maintient, dans les pays les plus civilisés, une grande partie de la population dans l'ignorance, très spécialement sur les questions économiques et politiques.

 

Mais c'est pour cette raison qu'ils portent, dans les masses les plus larges et jusque dans les masses les plus arriérées, le marxisme.

Le marxisme est une science, et la propagande marxiste a pour but de diffuser cette science dans les masses.

Les partis communistes sont, dans le monde entier, les éducateurs du peuple.

Ils lui donnent cette éducation économique et politique que le capitalisme leur refuse, et dont il veut les priver même par la terreur.

Le marxisme qui, sur le plan scientifique, a une valeur propre, autonome, comme la physique et la chimie, devient ainsi la science du prolétariat, la science du peuple.

Le Manifeste du parti communiste de Marx et d'Engels, voilà le premier grand écrit de propagande du marxisme.

La propagande marxiste n'a jamais reculé devant l'immensité de la tâche qui consiste à porter, non seulement l'économie politique marxiste, mais encore le matérialisme dialectique devant les ouvriers des villes, comme devant les paysans, devant le métallurgiste parisien, comme devant le coolie chinois.

Car le but de la propagande marxiste est d'éclairer et d'élever les masses en vue de leur libération.

Par contre, M. Hitler dit dans Mein Kampf « propagande n'est pas science » ( page 196 ).

"La grande masse d'un peuple n'est pas composée de diplomates, ou de professeurs de droit public, ni même de gens capables de juger d'une manière rationnelle .

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" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 200).

 

Le racisme n'en tire pas la conclusion qu'il faut instruire les masses.

Selon lui, il ne faut pas élever la masse par une propagande qui l'éclaire.

Il s'agit de l'influencer en se servant des faiblesse engendrées et savamment entretenues en elle par le capitalisme.

"Toute propagande, dit M. Hitler, doit être populaire, et elle doit régler son niveau intellectuel d'après la capacité d'absorption du plus borné parmi ceux auxquels elle a l'intention de s'adresser.

C'est pourquoi son niveau intellectuel doit être d'autant plus bas que la masse qui doit la recevoir est plus grande.

" Et quand il s'agit de la propagande destinée à faire supporter la guerre on ne saurait trop éviter les prémisses intellectuelles trop élevées.

 

"Plus le lest scientifique de la propagande est modeste, plus elle fait appel exclusivement au sentiment de la masse, d'autant plus décisif est le succès.

C'est celui-ci qui est la meilleure preuve de sa justesse ou de sa non justesse, et non le fait d'avoir contenté quelques savants ou jeunes esthètes.

" (Adolf Hitler, "Mein Kampf", page 198).

"Car la propagande, dit encore M. Hitler, n'est qu'un moyen", et en temps de guerre, un moyen de faire supporter la guerre par tous les moyens.

Naturellement, quand M. Rosenberg a proclamé, avec solennité, du haut de la tribune de la Chambre, que l'Allemagne impérialiste menait « la lutte du Sang contre l'Or », il a complètement « oublié » de parler du chapitre 6 de Mein Kampf.

La propagande du sang et de l'or doit faire supporter au peuple allemand la guerre qui se prolonge ; elle doit servir, en même temps, à justifier le nouveau « diktat », le deuxième Versailles.

Le nouveau partage du monde auquel les impérialismes victorieux ont procédé à Versailles fut placé sous le signe du Droit et de la Justice.

 

Les vainqueurs se sont partagé les dépouilles des vaincus.

 

Le mobile de ce partage, c'était les appétits capitalistes les plus sordides, et son instrument avait été la force.

Mais les annexions et tous les actes de brigandage furent justifiés par des considérations de haute moralité.

En cas de victoire, l'impérialisme allemand et les autres puissances de l'Axe se partageraient les dépouilles des vaincus, en justifiant les annexions et tous les actes de brigandage, invariablement par la nécessité de libérer le monde des « ploutocraties de l'or ».

À Versailles, l'impérialisme franco-anglais avait organisé son hégémonie en proclamant la « primauté du Droit ».

Le second Versailles organiserait l'hégémonie de l'impérialisme allemand au nom de la « suprématie du Sang ».

À Versailles, l'Allemagne vaincue a été dépouillée et enchaînée au nom de la nécessité de dompter la « Force » et d'en empêcher le retour agressif.

Le nouveau « diktat » dépouillerait la France et l'enchaînerait, sous prétexte qu'il est nécessaire de dompter « l'Or » et d'empêcher le retour de sa domination.

Il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que c'est bien d'un nouveau Versailles qu'il s'agit.

C'est ce que prouve, tout d'abord, l'analyse objective du caractère de cette guerre.

Mais c'est ce que prouvent également des actes déjà accomplis qui révèlent très clairement les intentions impérialistes de l'Allemagne hitlérienne.

Chacun se souvient encore des campagnes dans lesquelles M. Hitler proclamait l'injustice du « tribut », c'est-à-dire des charges financières imposées à l'Allemagne par le traité de Versailles.

Cependant aujourd'hui, la France doit payer à l'Allemagne hitlérienne le « tribut » écrasant d'un demi-milliard par jour.

Avant cette guerre dans laquelle elle fut entraînée par les hommes du grand capital, la France était un pays riche.

Aujourd'hui, la France est dépouillée de tout.

 

Que sont devenues les ressources immenses de la France ? Que sont devenus nos stocks de matières premières ?

 

Le docteur Reuter, Führer de la Wehrwirtschaft, de l'économie de guerre, a déclaré fin décembre, d'après la "Deutsche Zeitung in Frankreich" du 1er janvier 1 941, que l'approvisionnement de l'Allemagne en matières premières était meilleur qu'au début de la guerre, grâce à l'augmentation de la production et grâce aux « masses considérables de butin en matières premières réalisées en France par les troupes allemandes ».

En ce qui concerne le volume de ce butin, écrit la Deutsche Zeitung in Frankreich, le docteur Reuter a donné quelques exemples particuliers.

 

Dans la seule ville de Bourges, 30 000 tonnes de cuivre rouge sont tombées aux mains des Allemands ; dans une seule localité de la France du sud-ouest une quantité aussi grande.

D'autres disponibilités importantes furent trouvées dans les autres régions de la France.

On peut citer des chiffres semblables pour le plomb et le zinc.

Sont également très importantes les quantités de produits destinés au durcissement du fer et de l'acier qui sont devenues propriété allemande.

Ainsi dans l'arrondissement de Dijon, 20 000 tonnes de minerai de manganèse et, dans une seule localité du Luxembourg, 125 000 tonnes de minerai de manganèse et 20 000 tonnes de ferro-manganèse sont tombées aux mains des Allemands.

Particulièrement important est le butin allemand en France pour le caoutchouc.

De même le butin était tout à fait important pour le textile, de même pour la laine, le coton et la soie.

Le docteur Reuter mentionne également que l'Allemagne s'est emparée des mines de fer « de réputation mondiale » de la Lorraine, du Luxembourg et de la haute Silésie, « ainsi que des entreprises sidérurgiques de ces pays ».

S'emparer des stocks de cuivre, de caoutchouc, de laine et de coton, des mines et des usines, la voilà la « guerre du Sang contre l'Or » !

 

Les stocks qui restent encore sont entre les mains des accapareurs ; l'encaisse-or de la Banque de France a été semée aux quatre vents ; les tractations les plus ténébreuses se poursuivent entre la ploutocratie allemande et la ploutocratie française, pour livrer ce qui reste encore économiquement de la France.

Le pays est dans un tel état de décomposition et de délabrement économiques et financiers que ni le gouvernement de Vichy, ni les autorités d'occupation n'osent publier de statistiques.

On veut rassurer la population par des communiqués mensongers concernant l'avenir.

Mais la vérité qu'aucun démenti officiel n'arrive à atténuer, c'est que le peuple français est voué à la faim, parce qu'on lui a tout volé.

La façon dont les richesses de la France furent dilapidées, pendant la guerre, par les gouvernants félons, par les généraux et intendants incapables et vendus : l'avidité de gangsters avec laquelle les hommes de Vichy se sont abattus sur la France pour tout livrer, pour tout vendre, demeureront dans l'histoire comme un exemple rare de brigandage capitaliste.

C'est sur un peuple affamé qu'on prélève le « tribut » destiné à l'entretien des troupes d'occupation.

Vichy paye en faisant marcher la planche à billets.

L'inflation avouée se monte depuis juin à 50 milliards.

 

De combien est l'inflation inavouée !

L'inflation est la méthode qui fait payer aux petites gens et aux pauvres les frais d'entretien des troupes d'occupation.

Elle ne touche pas les riches qui se sont débarrassés de leurs billets français, en achetant de l'or, des propriétés, des immeubles, des valeurs américaines.

Mais, pour l'immense masse des pauvres et des petites gens, l'inflation est un impôt énorme, parce qu'elle fait baisser le franc, ce qui entraîne la hausse des prix.

 

Ainsi, d'heure en heure, fond l'épargne, le pouvoir d'achat des salaires, des traitements, des pensions, de l'allocation de chômage, cependant que les revenus des riches augmentent proportionnellement à la baisse du franc.

Et la planche à billets marche toujours, parce que c'est le moyen de faire payer les pauvres.

La ploutocratie allemande a fait payer ainsi son peuple, au lendemain de la guerre, par une inflation gigantesque qui a fait porter le prix du pain à 10 marks, puis à 100, à 1000, à un million, puis à un milliard et aux multiples du milliard.

Faire payer un tribut insupportable par les couches les plus pauvres d'un peuple opprimé ; projeter l'augmentation du tribut, imposer un fardeau financier écrasant, à titre d'indemnité, voilà pour la France, le contenu du « mythe » du « Sang et de l'Or ».

Est-ce également lutter contre l'or que de dépecer la France ?

La France est coupée en deux ; la zone occupée comporte une zone interdite : le Nord, le Pas-de-Calais, les Ardennes, la Meurthe-et-Moselle, etc .

.

.

Comme au Moyen Âge, des barrières qui s'élèvent de toute part paralysent la vie économique, empêchent la circulation des gens et des marchandises, désorganisent le ravitaillement et aggravent chaque jour davantage la misère.

Quelles sont les intentions que l'on nourrit à l'égard des territoires occupés ?

L'Alsace et la Lorraine ont déjà été annexées officiellement en violation flagrante de la convention d'armistice.

Et le Parti communiste français, qui a toujours affirmé le droit pour le peuple d'Alsace-Lorraine de disposer librement de lui-même, a élevé une protestation et rappelé que l'annexion a été faite sans la moindre consultation du peuple intéressé.

La zone interdite est déjà traitée, à son tour, comme territoire annexé.

Des populations qui y étaient établies depuis toujours se voient chassées de leurs foyers.

À l'exploitation économique et à l'asservissement politique s'ajoute l'oppression nationale.

Dans la zone occupée, les Français n'ont pas le droit d'avoir leur presse, ni des organisations à eux.

Ils n'ont même plus la liberté de l'enseignement national.

Dans la zone non occupée, c'est le gouvernement fantoche de Vichy qui exécute les consignes de l'occupant.

L'école française est placée, avec la collaboration de Vichy, sous le contrôle du Reich hitlérien.

Dans certains lycées, des officiers allemands assistent déjà aux cours d'histoire pour surveiller les professeurs.

En vérité, on n'aperçoit partout que volonté d'exploitation et d'oppression, actes impérialistes annonciateurs d'un second Versailles.

En montant à la tribune de la Chambre, M. Rosenberg a dit :

"Dans cette maison furent prononcés, au cours des dernières dizaines d'années, les discours les plus passionnés contre le Reich allemand, et conçues les résolutions les plus graves en vue du partage et de la destruction de ce Reich et de la Nation allemande.

"

Mais M. Rosenberg a omis de dire, par solidarité impérialiste, que ceux qui prononçaient les discours les plus chauvins et préconisaient les résolutions les plus féroces sont maintenant ses amis.

Il a oublié de dire que, pendant que ses amis actuels prononçaient ces discours et arrêtaient ces résolutions, un parti a tenu tête dans cette Chambre, au cours des dernières dizaines d'années, à la meute impérialiste ; qu'un seul parti luttait contre l'occupation de la Ruhr et contre Laval, qui, président du Conseil, voulait continuer à faire payer le « tribut » des réparations au peuple allemand que la crise de 1 929-1 933 avait plongé dans une effroyable misère ; un seul parti, traqué alors comme maintenant par les amis actuels de M. Rosenberg : le Parti communiste français.

Pour les communistes de France et d'Allemagne, la lutte contre le « diktat » de Versailles n'était pas un « mythe », ni un moyen d'attirer les masses pour les préparer ensuite à la guerre pour un nouveau « diktat » ; ce n'était pas le début d'une nouvelle « Kriegspropaganda ».

Le Parti communiste français a lutté inlassablement, uni au Parti communiste d'Allemagne d'Ernst Thaelmann, pour la défense du peuple allemand victime des impérialismes.

Il a le droit de s'élever aujourd'hui contre le nouveau « diktat », le nouveau Versailles, et de revendiquer pour la France la liberté et l'indépendance.

 

M. Rosenberg s'est vanté d'être, avec ses mythes, le fruit ultime de « quatre siècles de développement intellectuel allemand ».

En vérité, nous savons que le racisme n'a rien à voir avec les grandes traditions intellectuelles de l'Allemagne de Goethe, de Beethoven, de Hegel, de Karl Marx et de Friedrich Engels.

Il est clair que, par ses insultes au souvenir de la Révolution française, M. Rosenberg prouve qu'il est en lutte aussi contre l'esprit allemand, dont les plus grands représentants ont toujours professé l'admiration et l'enthousiasme pour le dix-huitième siècle français et le grand acte qui a renversé la féodalité.

M. Rosenberg et ses commanditaires prétendent être l'émanation du peuple allemand.

Mais nous ne confondons pas le peuple allemand avec ceux qui, aujourd'hui, oppriment la France.

Au lendemain de la première guerre impérialiste, des travailleurs français se sont dressés contre leurs gouvernants impérialistes pour aider les travailleurs allemands dans la lutte contre l'oppression de Versailles.

Repoussant avec mépris et dégoût les campagnes d'excitation chauvines et impérialistes, ils ont agi selon l'internationalisme prolétarien, sachant bien que, selon la parole de Karl Liebknecht, « l'ennemi est à l'intérieur ».

Les luttes communes que mènent les travailleurs laissent dans leur coeur des traces ineffaçables.

Les luttes communes de travailleurs de France et d'Allemagne contre l'oppression ont scellé à tout jamais leur alliance prolétarienne indestructible.

 

Le peuple allemand est soumis lui-même à une oppression sans précédent dans l'histoire.

Il sait que l'oppression des autres peuples de l'Europe ne pourrait qu'aggraver la sienne, car « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre ».

C'est pourquoi la volonté de l'impérialisme allemand de réduire l'Europe en esclavage se heurtera à la résistance de son propre peuple.

Les combattants héroïques de la révolte de Spartacus et de la commune de Munich, les ouvriers du Front rouge, le grand Thaelmann, ainsi que les héros innombrables de la lutte antifasciste dont ni la torture, ni la hache, ni les camps de concentration, ni le battage de la propagande officielle n'ont pu briser la résistance et la combativité, ont montré que les travailleurs d'Allemagne mènent, sous la direction du Parti de Thaelmann, avec une vigueur indomptable et une abnégation totale, la lutte pour leur libération.

Chaque jour s'aggravent les souffrances de la guerre.

Il est certain que notre lutte contre le second Versailles sera la lutte des travailleurs allemands, comme leur lutte contre le premier Versailles, comme toutes leurs lutte pour la défense de leurs libertés furent aussi les nôtres.

Ce que M. Rosenberg appelle « la révolution et la pensée du vingtième siècle »

On sait que M. Hitler et ses partisans ont l'habitude de présenter l'accession de M. Hitler au pouvoir comme une révolution.

Dans son discours de Paris, après avoir représenté le mythe du Sang et de l'Or, M. Rosenberg a déclaré que l'avènement de M. Hitler au pouvoir est « l'une des plus profondes révolutions politiques et philosophiques de l'histoire non seulement allemande, mais encore européenne ».

 

Il avait déjà dit une fois :

 

"Le mouvement national-socialiste n'est pas une chose que les uns et les autres peuvent écarter, mais il est un phénomène de la nature.

Il est une éruption gigantesque comme il en existe rarement d'une façon isolée dans l'histoire des peuples.

Le mieux pour le comparer, est de considérer l'apparition volcanique de nouveaux massifs de montagne dans l'histoire de la terre" (Rosenberg, "Blut und Ehre", tome 2, page 214).

Habituellement, M. Rosenberg appelle le mouvement national-socialiste « la révolution du vingtième siècle » et l'idéologie raciste « la pensée du vingtième siècle ».

Connaissant les principes de la propagande, telle qu'elle est conçue ici, « l'éruption volcanique de nouveaux massifs de montagne » elle-même ne saurait nous émouvoir.

Les superlatifs sont dans les habitudes de la réclame.

 

Quant à la révolution, sa nature est bien connue.

La révolution suppose des classes dominantes et des classes opprimées ; des classes dominantes qui ont le pouvoir et des classes opprimées qui luttent pour le pouvoir.

La révolution suppose un ordre nouveau qui mûrit, ou dont les prémisses se créent, au sein de l'ordre ancien.

La révolution suppose un régime social ancien qui est gros d'un régime social nouveau.

La révolution suppose une classe ou des classes révolutionnaires qui luttent pour le régime social nouveau, contre la classe ou les classes réactionnaires qui se cramponnent au régime social ancien.

Par la révolution, les classes révolutionnaires conquièrent le pouvoir afin de renverser l'ordre ancien et de créer l'ordre nouveau.

La révolution est un acte de violence : il se produit en dehors de la légalité ancienne et crée sa propre légalité.

C'est pourquoi Marx a dit que la violence est l'accoucheuse des sociétés.

En 1 789, la bourgeoisie, soutenue par tout le peuple, a conquis le pouvoir contre l'aristocratie, en dehors de la légalité féodale.

Elle s'est servie de ce pouvoir pour briser l'ancien régime social, la féodalité, et pour libérer le régime social nouveau, le capitalisme.

Et c'est pourquoi c'était une révolution.

 

La société bourgeoise est, à son tour, grosse d'une révolution ; c'est celle par laquelle le prolétariat conquiert, à la tête des exploités, le pouvoir contre la bourgeoisie, se sert de ce pouvoir pour supprimer le capitalisme et pour construire le régime social nouveau : le socialisme.

C'est ce que le prolétariat de l'ancienne Russie tsariste a fait, sous la direction du Parti de Lénine et de Staline.

C'est pourquoi ce fut une révolution.

Et, parce qu'elle libérait la société de l'exploitation de l'homme, elle est la révolution la plus profonde de l'histoire.

En Allemagne, M. Hitler est arrivé au pouvoir.

Comment ? Contre la volonté de la classe au pouvoir ? Pas du tout, puisque chacun sait que M. Hitler a été appelé au pouvoir par le maréchal-président von Hindenburg que Blum avait représenté comme le rempart contre l'hitlérisme.

Et l'appel que le maréchal-président fit à M. Hitler correspondait aux voeux de la fraction dirigeante de la bourgeoisie allemande.

M. Hitler obtint le pouvoir en tant que rempart de la société existante, c'est-à-dire de l'ancien ordre, contre le bolchévisme, c'est-à-dire l'ordre nouveau.

 

Il a dirigé tous ses feux d'abord contre la classe la plus révolutionnaire et son parti, contre le prolétariat et son parti révolutionnaire, l'héroïque Parti communiste allemand, dont il a emprisonné le chef Thælmann, pour qui avaient voté 6 millions d'Allemands.

Il a pu réussir grâce au soutien de la grande bourgeoisie et parce que les agents de celle-ci, les chefs sociaux-démocrates et réformistes, avaient divisé la classe ouvrière.

Arrivé au pouvoir, M. Hitler a pris des mesures destinées à ligoter complètement la classe ouvrière, en la privant de ses organisations indépendantes ; en détruisant ses syndicats ; en exerçant la terreur, etc ... Mais les trusts n'ont pas été expropriés ; la propriété privée des moyens de production n'a, évidemment, pas été supprimée.

La révolution dont la société capitaliste est grosse au vingtième siècle, c'est la révolution prolétarienne.

Ce qui rattache le mouvement hitlérien au vingtième siècle, c'est qu'il est la contre-révolution du vingtième siècle.

Cette contre-révolution détruit la démocratie bourgeoise pour instaurer la dictature terroriste.

Elle signifie que le capitalisme ne peut plus se maintenir par les anciennes méthodes de domination.

Son instauration est un signe de faiblesse de la bourgeoisie.

 

Cette dictature est exercée par la fraction la plus réactionnaire et la plus impérialiste de la grosse bourgeoisie.

Son avènement ne marque pas le commencement d'un monde nouveau, mais l'agonie du monde ancien, du capitalisme.

Elle n'est pas l'élan d'une classe nouvelle vers l'avenir, mais la résistance acharnée d'une classe ancienne.

Quant à la « révolution philosophique » que représente l'idéologie raciste, sa nature et son caractère sont suffisamment illustrés par le discours de M. Rosenberg.

C'est une « révolution idéologique » comme l'accession de M. Hitler au pouvoir est une « révolution politique ».

M. Rosenberg nous dit, dans une de ses conférences, que :

"La découverte de la « Rassenseele » à notre époque est une révolution comme la découverte copernicienne, il y a 400 ans" (Rosenberg, "Blut und Ehre" tome 2, page 209).

C'est là encore une application des préceptes concernant l'assimilation de la propagande à la réclame.

On dit d'une découverte scientifique qu'elle représente une révolution quand elle bouleverse les anciennes connaissances.

Une révolution idéologique ou philosophique est un « bouleversement » de nos idées, mais dans la direction de la vérité.

Après ce bouleversement, nos connaissances reflètent la réalité plus fidèlement qu'avant, et elles nous donnent le moyen d'agir sur elle plus efficacement.

 

La découverte de Copernic a été appelée une révolution parce qu'elle substitue à la conception du Soleil tournant autour de la Terre celle de la Terre tournant autour du Soleil.

La « découverte » de M. Rosenberg substitue à la conscience tournée vers la vérité la "Rassenseele", l'"âme raciale", c'est-à-dire la conscience tournée vers l'illusion ; à la conscience tournée vers la lumière, la conscience tournée vers les ténèbres.

L'idéologie raciste représente, effectivement, un « bouleversement de la connaissance », mais en ce sens que M. Rosenberg et ses collègues veulent bouleverser, c'est-à-dire détruire la connaissance, pour développer l'illusion.

Ce que signifie pratiquement la révolution philosophique de M. Rosenberg, on a pu l'observer par le traitement réservé à la science et à l'activité intellectuelle, ainsi qu'aux intellectuels eux-mêmes, en Allemagne.

L'arrestation de Paul Langevin, les sévices contre les étudiants, la fermeture des facultés nous en donnent déjà un avant-goût chez nous.

On pourrait citer encore la révolution que représente en histoire le remplacement des classes par les races, l'explication par la lutte des races au lieu de l'explication par la lutte des classes ; en physique, la distinction entre les atomes aryens et les atomes juifs ; en mathématique, la distinction entre les théorèmes juifs et les théorèmes aryens, etc ..., etc ....

On peut y ajouter encore la pseudo-science prétentieuse qui s'appelle « théorie des races ».

Le thème constant de M. Rosenberg est qu'il faut à l'humanité un nouveau mythe.

Cela veut dire qu'il faut une nouvelle « mystique » qui mette définitivement à l'abri le capitalisme des dangers qui le menacent, tant qu'il reste dans le cerveau de l'homme la possibilité de découvrir la vérité.

Cette « mystique nouvelle », c'est le racisme.

 

M. Rosenberg l'appelle « la pensée du vingtième siècle ».

 

Il est, en réalité, l'obscurantisme du vingtième siècle.

Le « national-socialisme » et son « idéologie » appartiennent bien au vingtième siècle, mais en ce sens qu'ils sont étroitement liés au capitalisme, tel qu'il est à notre époque, et que Lénine a appelé le capitalisme agonisant.

Ils sont liés, plus particulièrement, au capitalisme tel qu'il est à l'époque où la révolution sociale a déjà triomphé sur la sixième partie du globe, et se trouve à l'ordre du jour dans le reste du monde capitaliste ; où l'exemple du socialisme, réalisé en Union soviétique, exerce une attraction chaque jour croissante sur les masses des pays capitalistes et sur les peuples opprimés ; où le marxisme révolutionnaire a gagné la conscience de millions et de millions de travailleurs manuels et intellectuels, et où les agents sociaux-démocrates du capital sont de plus en plus discrédités, alors que monte l'élan de confiance des masses vers le parti révolutionnaire de la classe ouvrière, le Parti communiste.

 

C'est cette situation qui explique pourquoi la contradiction, habituelle chez les ennemis du peuple, entre les paroles et les actes, atteint son paroxysme chez les chefs nazis qui tirent le monde en arrière, avec fureur, tout en proclamant, plus tapageusement que tous les démagogues du passé, qu'ils vont de l'avant.

C'est cette situation qui explique pourquoi la contre-révolution la plus réactionnaire de l'histoire est contrainte de s'appeler devant les masses « une révolution sans précédent », et pourquoi l'ultime effort du grand capital pour empêcher la venue du socialisme a pris l'étiquette « socialiste ».

C'est enfin elle qui explique pourquoi tout en dirigeant ses feux principalement contre le prolétariat révolutionnaire et son Parti communiste, la terreur devant un nouveau 1 917 oblige M. Rosenberg à se battre avec 1 789.

L'aide de M. Rosenberg à la « Révolution nationale »

Lorsque M. Rosenberg vient en France pour un « règlement de comptes avec les idées de 1 789 », il veut tout simplement apporter son aide aux laquais français qui travaillent à l'asservissement de la France, sous l'étiquette de la "Révolution nationale".

Selon la recette raciste, on baptise « révolution » la politique qui tend à transformer la France en pays vassal.

On peut examiner cette « Révolution nationale » : elle n'a rien de révolutionnaire, ni de national.

La « Révolution nationale » est l'entreprise de trahison d'une bande de grands capitalistes, de généraux félons et de politiciens tarés, dont la dictature est imposée au pays.

 

Les capitalistes et leurs agents, qui ont conduit la France à la guerre et à la défaite, veulent maintenir leur domination en s'appuyant sur l'impérialisme étranger.

En échange de quoi ils livrent la France corps et âme, sont prêts à accepter tous les « diktats » et à étouffer toute velléité de résistance.

 

Tournés vers les occupants, ils leur disent « Tout ce qui est national est vôtre ».

Telle est la devise de cette « Révolution nationale ».

La « Révolution nationale », c'est le règne des trusts.

On annonce officiellement la dissolution du Comité des Forges, mais aussitôt se reconstituent, dans le Nord occupé, trois trusts : le « sydénor » pour la sidérurgie, le « mécanor » pour l'industrie métallurgique de transformation et « l'office central de la métallurgie du Nord ».

Les trusts changent de nom, se réorganisent pour s'adapter aux conditions de l'occupation, ils se partagent la France, de connivence avec les trusts allemands, et on proclame devant le pays que les trusts sont dissous à titre de mesure « socialiste ».

La « Révolution nationale », c'est la libération des trusts de toute entrave.

Il n'y a plus le moindre contrôle des trusts par l'Etat.

Par contre, le contrôle de l'Etat par les trusts français liés aux trusts allemands est devenu total, absolu, sans aucun frein.

Ce sont ces trusts qui mènent les campagnes contre l'« économie libérale », le « capitalisme libéral » pour justifier les mesures destinées à établir sur tous les marchés leur monopole incontesté, sur les ruines des petites et moyennes entreprises.

C'est leur domination que l'on appelle « économie dirigée ».

Par contre, la dissolution de la CGT, l'interdiction des syndicats sont réelles.

La « Révolution nationale », c'est la suppression de toutes les libertés, de tous les droits des travailleurs et de tous les citoyens, afin que l'entreprise de trahison puisse être poursuivie en toute tranquillité.

La « Révolution nationale », c'est la ruine économique de la France ; c'est le chômage, l'inflation, la vie chère et la famine.

Ils peuvent parler de la « défense de la race », les aventuriers de Vichy, alors que, par la faim et le froid, les enfants français meurent comme des mouches, et que dans les quartiers ouvriers de Paris, on voit défiler, chaque jour, des dizaines de cercueils d'enfants.

Voilà ce que M. Rosenberg appelle « le triomphe de la jeunesse dans le monde ».

La « Révolution nationale », c'est le règne des accapareurs et des affameurs.

 

C'est le règne du pot-de-vin.

 

Sous ce régime, ce sont, dans tous les domaines de l'économie et de la vie publique, les éléments les plus corrompus et les plus immoraux qui tiennent le haut du pavé.

Démarcheurs véreux, trafiquants louches, gangsters de l'alimentation, hyènes du marché noir, tout un monde avide de profits et sans scrupules met le pays en coupe réglée, sous la haute protection du maréchal Pétain qui, gardé par sa « police spéciale » de repris de justice, préside un syndicat de pilleurs d'épaves.

La « Révolution nationale », c'est le règne des politiciens les plus réactionnaires et les plus tarés.

Cette « Révolution nationale » a trouvé son incarnation en Laval, l'homme qui représente le type le plus achevé du politicien affairiste et immoral que notre histoire connaisse.

Avocat socialiste besogneux au lendemain de la guerre de 1914-1918, Laval est aujourd'hui multimillionnaire.

« Cartelliste » en 1 924, il devient ensuite l'ami de Tardieu et de Reynaud, l'homme à tout faire des trusts et de la Haute Finance.

Grand défenseur du système de Versailles, il s'acharna, au gouvernement, à augmenter la misère du peuple allemand pour faciliter l'étranglement de la République de Weimar et l'avènement du régime hitlérien.

 

Il conclut avec Mussolini les accords de Rome qui ont livré à ce dernier l'Abyssinie, avec la promesse de recevoir la Tunisie, la Corse, Dakar et, sans doute, d'autres possessions coloniales françaises.

Après avoir travaillé ainsi au renforcement de « l'Axe » contre la France, Laval devient belliciste pendant la guerre de 1 939-1 940, afin d'empêcher la conclusion de la paix avant la catastrophe, comme le voulaient les communistes.

Mais dès que l'offensive allemande de mai est déclenchée, Laval complote sans cesse avec les généraux politiciens et félons comme Weygand, administrateur de Suez, aspirant au titre de « vainqueur de l'URSS » et devenu généralissime de la défaite de la France.

Il complote sans cesse en mai et en juin, pour élargir les proportions de la défaite, pour faire occuper la France depuis les Ardennes jusqu'aux Basses-Pyrénées.

Il réalise, avec Pétain, un véritable complot, et c'est ce complot, tramé et réussi dans les cafés de Bordeaux et de Vichy, mais conçu en d'autres lieux, que l'on baptise pompeusement « Révolution nationale ».

L'accaparement du pouvoir par une coterie étrangère au pays qui a profité des conditions de la défaite qu'elle a voulue et préparée, afin de livrer la France, c'est cela qui fut baptisé « Révolution nationale ».

« Le plus sûr garant de la politique de collaboration », a dit son Excellence Abetz de Laval.

Le plus sûr garant de la collaboration, c'est-à-dire l'agent le plus cynique de l'asservissement de la France à l'impérialisme allemand - telle est en effet la définition de Laval.

 

Une autre incarnation de la « Révolution nationale », c'est l'avocat corrompu qui avait trempé jusqu'au cou dans le scandale de l'Aéropostale : Flandin.

Ami et coéquipier de Tardieu, grand mangeur d'Allemands et Versaillais à outrance, puis « grand ami » de la Cité de Londres, Flandin aspirait, depuis l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne hitlérienne, à devenir le Seiss-Inquart français.

C'est pour diviser les Français, au moment de la mobilisation de septembre 1 938, à la veille de Munich, qu'il envoya son fameux télégramme de dévotion et de félicitations à M. Hitler.

On ne peut les citer tous, les renégats, les traîtres, les agents doubles, les laquais : les Belin, les Tixier-Vignancour, les Bergery, les Déat, les Doriot.

Ce sont tous ceux que la France connaissait déjà comme les agents appointés d'une puissance étrangère qui sont devenus les éminences de la « Révolution nationale », et c'est dans les poubelles de la Troisième République que le « nouveau régime sain » est allé ramasser son personnel politique et journalistique.

 

La « Révolution nationale » est un syndicat de soutien mutuel des incapables et des parasites.

Les possibilités de subsitance sont réduites en France d'une manière sans précédent.

Il n'y a pas de travail et de pain pour la majorité des Français.

Mais périssent les restes de la France, pourvu que l'on case les généraux qui ont livré leurs troupes et leur matériel, les intendants qui ont laissé l'armée, durant l'hiver 1 939-1 940, sans vareuses, sans capotes et sans couvertures, et qui ne sont bons qu'à toucher des pots de vin.

Il n'y a pas de place pour tous.

Par conséquent place aux incapables ! Place aux parasites ! Place à tous ceux qui ont bien mérité de la trahison ! Voilà les mots d'ordre de la « Révolution nationale » qui, sous tous les prétextes possibles et imaginables, multiplie les révocations pour caser ses fainéants professionnels.

 

La « Révolution nationale » de Pétain, de Laval et de Flandin n'a pas touché aux bénéfices de guerre immenses réalisés par les capitalistes et augmentés du produit de vols innombrables.

Ils ne touchent pas non plus aux bénéfices de tous les pilleurs d'épaves qui rançonnent la France.

La devise de la « Révolution nationale » en matière de finances est simple : Le Français paiera ! et elle le fait payer par l'inflation.

Et si les traîtres investis des plus hautes fonctions se pavanent impunément sous la protection des mitrailleuses étrangères, les travailleurs honnêtes, ceux qui défendent les intérêts du peuple et de la nation, sont traqués impitoyablement.

Les politiciens véreux sont au pouvoir, mais le Parti communiste, qui n'a jamais trempé dans aucun scandale capitaliste, est contraint à l'illégalité.

On ouvre les prisons pour libérer les cagoulards et les gangsters destinés à la garde du gouvernement de Vichy, mais 100 000 travailleurs honnêtes restent emprisonnés ou internés dans des camps infects et mortels, pour avoir défendu la cause de la paix et de la liberté.

Les traîtres sont gavés d'argent et d'« honneurs », mais les Français coupables de sentiment national sont chassés de leur emploi, internés ou emprisonnés.

 

La « Révolution nationale », c'est la destruction de l'école française, c'est la persécution des étudiants, des instituteurs, des professeurs et des savants.

Pour maintenir la France en esclavage, on veut forger aux Français une âme d'esclave.

On veut détruire non seulement la laïcité, mais encore le caractère national de l'enseignement.

On veut remplacer la culture française par cet obscurantisme dont M. Rosenberg a apporté un résumé ténébreux.

Voilà l'oeuvre que M. Rosenberg a voulu soutenir par son voyage et par son discours.

Il a voulu apporter des « arguments » pour faire croire aux Français « qu'à proprement parler » la Révolution de 1 789 n'était pas la Révolution française, que ce n'est que maintenant que la France connaît, et pour la première fois, avec Pétain, Laval, Flandin, Déat et Doriot, la seule, l'unique et la véritable révolution.

Mais en vérité, il n'aura fait que souligner solennellement ce que les Français savaient déjà : que la prétendue « Révolution nationale » est une entreprise de réaction, au service et à la solde d'un impérialisme étranger.

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire

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C
<br /> cela ne fait rien Jacques, il faut l'imprimer...ce texte est mis en tant que source car il en existe peu sur Politzer.<br /> <br /> <br />