Peuples indigènes: Selon Bartomeu Melia, une autre histoire est possible
Publié le 27 Août 2010
Bartomeu Meliá :
« une autre histoire est possible »
Le jésuite paraguayen défend dans cet entretien la conception d’une histoire faite par les peuples indigènes eux-mêmes.
Matto Grosso do Sul, Brésil.
Voici quelques morceaux
de l’interview :
Habituellement, quand on parle des dictatures
sud-américaines, on pense aux tortures
ou aux prisons pour les blancs, mais
on ne fait quasiment jamais référence aux
indiens. Comment considérez-vous, qui
étiez au Paraguay pendant la dictature
de Alfredo Stroessner (1954-1989), l’eff et
des dictatures en Amérique du sud sur les
peuples indigènes ?
Ce fut un processus encore plus dur
qu’avec le reste de la population, parce
que ce qui se passait avec les indigènes
était moins visible. En juin 2008 il y eut
une audience publique avec les indigènes
du Paraguay. Sont venus principalement
les indigènes de l’ethnie Aché, principales
victimes de la dictature. J’y étais aussi.
Quand les Aché ont raconté ce qu’il leur
est arrivé durant la dictature, nous avons
perçus ce que eux ont vécu. En réalité ce
fut dix fois pire que ce que nous dénoncions
en 1976, qui, à l’époque, fut considéré
exagéré par le gouvernement comme
par l’église. Ça a été très émouvant : ils
ont lus une déclaration très intime. Ce
qu’ont dit les Aché a été très fort et dramatique.
Là, à l’intérieur du Congrès, ils
s’embrassaient et pleuraient.
Vous attirez l’attention sur la nécessité de
réécrire l’histoire à partir de documents
d’auteurs indigènes : l’ethno-histoire, qui
va à l’encontre de l’histoire offi cielle, des
documents offi ciels. Quelle est l’importance
de l’écriture de l’histoire par les indigènes
eux-mêmes ?
L’histoire indigène doit récupérer une
mémoire collective. Apparemment ça
peut se faire en écoutant les témoignages
de l’histoire, les plus anciens ; puis il est
nécessaire d’évaluer comment systématiser
cette mémoire et réaliser sa périodisation,
étant entendu que la périodisation
varie en fonction de ce qui est arrivé à
chaque village au long de son histoire.
Ce serait l’histoire de ce village tel qu’il
a vu la colonisation, et non comment le
colon écrit l’histoire de son entrée dans tel
territoire. En ce sens ce serait une histoire
indigène. Donc cette histoire il va falloir
que les indigènes l’imposent et la comparent
avec l’histoire offi cielle. Ce sera donc
une histoire indigène, parce qu’eux-mêmes
feront leur propre histoire, leur propre
autobiographie.
Dans une telle autobiographie on se donne
le beau rôle, ou, au contraire, on peut
donner une mauvaise image de soi, tout
est possible. Ce seront probablement des
indigènes offi ciels et éduquées qui écriront
cette histoire. Cette histoire ne sera
probablement pas qu’orale, mais sûrement
écrite. L’infl uence académique se fera sentir.
C’est ce qui est déjà arrivé au temps
des missions jésuites.
http://desinformemonos.org/wp-content/uploads/2010/08/desinformemonos8francais.pdf