Mexique : marée noire, violence paramilitaire à Copala
Publié le 30 Avril 2010
La vague de violence qui submerge actuellement le Mexique s'intensifie.
Mais, au-delà des gros titres et des photos sensationnalistes étalant
complaisamment d'innombrables cadavres (plus de 8 000 en un an), dont la
presse "officielle" nous abreuve jusqu'à l'écœurement, pour impressionner
et faire accroire que le gouvernement de Felipe Calderón, appuyé par celui
de Barak Obama, "fait la guerre au narcotrafic", il convient d'analyser
d'un peu plus près les causes de tels massacres, et les objectifs
poursuivis.
Les événements de Santa María Ostula, dans le Michoacán (voir notre
article sur Mediapart "Où est passé Francisco de Asís Manuel ?"), et ceux
de San Juan Copala, dans l'Oaxaca, montrent clairement la nature des
véritables enjeux de cette violence.
Les habitants de San Juan Copala, localité de la région triqui, dans
l'ouest de l'État de l'Oaxaca, ont créé en janvier 2007 une "municipalité
autonome", marquant ainsi leur décision de s'autogérer, face à un
gouvernement qui les a marginalisés, méprisés et spoliés depuis des
décennies. Mais cette attitude, liée à leur participation à la résistance
de l'APPO lors de la "commune d'Oaxaca", leur vaut depuis un harcèlement
brutal, mené par les polices locale, régionale et fédérale, mais aussi par
des groupes paramilitaires et parapoliciers, impulsés par le parti de la
révolution institutionnelle, le PRI du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz.
Enlèvements, viols et meurtres sont le prix payé par cette population en
résistance. Depuis plusieurs semaines, l'un des groupes paramilitaires,
l'UBISORT, bloque les accès à San Juan Copala, afin de tenter d'isoler ses
habitants. Une caravane est donc partie de la ville d'Oaxaca, le 27 avril,
pour rompre ce blocus et apporter à Copala médicaments, vêtements, livres
et appui moral d'associations solidaires, ainsi que la présence
d'observateurs des droits humains. Les paramilitaires, armés de fusils de
guerre, ont intercepté et mitraillé la caravane, tuant deux des
participants, la Mexicaine Alberta Cariño Trujillo et le Finlandais Jyri
Antero Jaakola, en blessant une quinzaine d'autres. Avant de libérer les
membres de la caravane, ils n'ont pas caché qu'ils agissaient sous la
protection du PRI et du gouverneur Ulises Ruiz.
Actuellement, le gigantesque rouleau compresseur de l'économie capitaliste
industrielle avance sur les derniers territoires qu'il ne contrôle pas
encore. Il s'agit pour lui de mettre la main sur l'ensemble des ressources
humaines et matérielles de la planète. Pétrole, uranium, or et métaux
rares, bois précieux, zones touristiques, énergie hydraulique et
biodiversité, groupes humains s'obstinant à vivre de façon autonome et
digne, tout doit tomber dans l'engrenage de la machine. Avec, parfois,
l'assentiment hébété ou la soumission apeurée d'une partie de la
population, subjuguée par le clinquant et la facilité apparente de la vie
aliénée que ce "développement" répand et impose partout.
C'est le drame qui se joue actuellement au Mexique. Marées noires,
bétonnage du littoral, contamination chimique et OGM, grippe porcine,
massacres entre narco-militaires et politico-gangsters ne sont que les
conséquences, mais aussi les armes employées par le système pour tenter
d'écraser définitivement les résistances paysannes et indigènes.
Alberta (Bety) Cariño était l'une de ces résistantes. En décembre 2009,
elle était à Mexico devant l'ambassade du Canada, pour dénoncer
l'assassinat d'un paysan du Chiapas, Mariano Abarca, par des
paramilitaires au service de l'entreprise minière Blackfire. Pour qui
comprend la langue espagnole, le document suivant donne une idée de la
personnalité et du combat de cette femme, abattue par l'Ubisort, sur la
route de San Juan Copala.
http://www.youtube.com/watch?v=TWPkLcoVoaI
Jean-Pierre Petit-Gras