Mexique : Lettres de Santa Maria Ixcotel, penitencier d'Oaxaca

Publié le 3 Avril 2013

Lettre de David Venegas Reyes et Feliciano Efrén Hernández Pablo du
pénitencier d'Ixcotel

Le jeudi 28 mars nous, Feliciano Efrén Hernández Pablo et David Venegas
Reyes, avons été arrêtés avec violence par des éléments de l'Agence d'État
d'enquêtes (AEI), accusés d'avoir volé un chauffeur de taxi qui, quelques
minutes auparavant, avait travaillé pour David Venegas et deux autres
compañeras et avait essayé de les voler, ce qu'ils n'ont pas permis ; une
fois descendus du taxi, ils sont arrivés chez Feliciano Efrén Hernández
Pablo. C'est quand nous sommes sortis vers la boutique que les agents nous
ont arrêtés, et sans aucune explication nous ont fait monter avec violence
dans les véhicules, bien que plusieurs habitants du secteur soient venus
pour essayer l'empêcher, parce qu'il n'y avait aucun motif pour cette
arrestation ; c'est nous qui avons décidé qu'ils ne l'empêchent pas, pour
qu'il n'y ait pas davantage de violence. Et malgré cela, David a été
frappé par un agent au visage, au dos et au torse durant le trajet vers le
PGJE [Parquet général de justice de l'État] à la cité judiciaire (Oaxaca),
et ensuite il est frappé à nouveau au visage et à l'estomac par un autre
agent une fois dans les installations du Parquet à la cité judiciaire à
Reyes Mantecón (Oaxaca). Et c'est en ce lieu, le 29 mars, que nous avons
été informés qu'on nous accuse du délit de vol avec violence ou assimilé,
ce qui fait que nous n'aurons pas le droit à la liberté sous caution. Le
Parquet assume l'accusation comme venant de lui, et ment sans vergogne en
faisant rendre aux policiers qui nous ont arrêtés avec violence un rapport
où ils disent avoir assisté au vol et à l'agression contre le chauffeur et
nous avoir arrêtés "in fraganti", ce qui est absolument faux. Ce serait
long d'énoncer ici la série de mensonges auxquels a eu recours le
gouvernement d'Oaxaca pour nous arrêter et empêcher notre liberté sous
caution, mais tout s'éclaire au moment où nous entrons au pénitencier
central de l'État, le vendredi soir, et constatons que David Venegas fait
l'objet d'un second mandat d'arrêt pour lésions contre Griselda Gómez
Lorenzana et d'autres dirigeantes locales du PRI lors d'une marche le 2
décembre dernier contre l'imposition à la présidence du Mexique d'Enrique
Peña Nieto, où ces femmes ont agressé physiquement David qui a riposté à
l'agression. Sur ce délit, il y a un procès en cours que David Venegas
Reyes affronte en liberté suite à l'obtention d'un recours, et pour lequel
on ne pouvait donc l'arrêter.

Les agissements du Parquet et du gouvernement de Gabino Cué démontrent que
la fabrication du délit de vol contre nous répond à la claire intention de
nous criminaliser, et ainsi de pouvoir exécuter l'autre mandat d'arrêt
contre David Venegas Reyes, pour faire plaisir au PRI et à Enrique Peña
Nieto. Le gouvernement de Gabino Cué agit comme un gourdin pour défendre
le PRI contre ceux qui, de 2006 dans le mouvement de l'APPO jusqu'à
présent dans le refus de l'imposition de Peña Nieto, continuent la lutte
contre le PRI et sa politique néolibérale, privatisatrice et bradeuse à
l'étranger. Gabino Cué oublie que lui et toute l'équipe de fonctionnaires
corrompus qui l'entoure sont arrivés au pouvoir non pas grâce à leur
propre mérite, mais à cause du rejet total envers le PRI des peuples
d'Oaxaca, du rejet d'un parti qui depuis 2006 a assassiné 26 compañeros et
compañeras de la 22e section [du syndicat enseignant, NdT] et des peuples
d'Oaxaca sous le gouvernement de l'assassin Ulises Ruiz Ortiz.

Gabino Cué trahit la confiance de ceux qui un jour ont cru en lui. Mais
nous, nous n'avons jamais cru à la farce de ce qu'on appelle "la
bourgeoisie" à Oaxaca, et nous avons toujours compris qu'un changement de
maîtres et de parti politique au pouvoir ne signifie rien pour les
aspirations à la justice, à la liberté, à la dignité et à la paix pour
lesquelles les peuples d'Oaxaca et du Mexique ont lutté depuis cinq cents
ans de résistance. L'Espingoin Gabino Cué poursuit la route de tous les
répresseurs du peuple et Oaxaca partagera aussi ce destin. Nous lançons un
appel fraternel et urgent à toutes les personnes, organisations et peuples
qui partagent notre désir de justice, pour qu'elles soient activement
solidaires envers nous, pour pouvoir obtenir notre liberté physique. Les
puissants sont trop sûrs que le mouvement est en train de s'affaiblir et
qu'il devient incapable de se révolter face aux abus de pouvoir.

Deuxième lettre de Feliciano Efrén Hernández Pablo et David Venegas Reyes

Aujourd'hui 31 mars 2013, détenus au pénitencier d'Oaxaca à Santa María
Ixcotel, nous voulons dénoncer le fait qu'au lieu d'avoir été envoyés à la
zone de détention préventive ainsi que le prescrit la norme, nous avons
été internés dans une zone disciplinaire pour prisonniers qui sont déjà en
prison depuis un moment ; nous deux sommes les seuls récemment internés
dans cette zone. Hier 30 mars, environ à 10 heures du matin, la zone où
nous sommes a connu une inspection "de routine" qui consiste en un
traitement humiliant envers tous les détenus, y compris ceux de la zone
disciplinaire. Nous avons été totalement déshabillés et obligés à nous
accroupir face aux gardiens pour vérifier que nous ne cachions pas de
drogue dans l'anus. - Pourquoi y aurait-il de la drogue à l'intérieur d'un
pénitencier ? - Après cette fouille, et pendant que nous étions interrogés
au Ministère public, ont été soustraits de notre cellule un livre et du
papier hygiénique.

En ce lieu où nous sommes, il nous est permis seulement deux fois par jour
d'aller aux toilettes et de nous doucher, et le temps autorisé est très
réduit, si bien que nous ne parvenons pas à satisfaire nos besoins.

Nous ne demandons pas un traitement spécial, ni des privilèges d'aucune
sorte, nous sommes des prisonniers politiques du gouvernement de Gabino
Cué et nous exigeons de ne pas être humiliés et de ne pas voir nos droits
humains - encore plus - mis à mal. Nous sommes prêts à affronter les
procès sur les accusations du gouvernement et de ses hommes de paille du
PRI, nous sommes sûrs que si ces procès se fondaient sur la vérité et la
justice, nous ne devrions pas être ici. Cependant le gouvernement d'Oaxaca
abuse du pouvoir que le peuple d'Oaxaca lui a confié et que Gabino Cué a
trahi. Pas seulement à cause de notre réclusion injuste, mais aussi à
cause de l'énorme série d'injustices et d'agressions que le "nouveau
gouvernement des Espingoins" a commis contre les communautés, les
organisations et les personnes qui luttent.

Nous lançons un appel spécifique aux organisations de droits humains
d'Oaxaca, du pays et du monde pour qu'elles soient attentives et vérifient
qu'on n'agresse pas nos droits humains à l'intérieur de ce pénitencier
central de Santa María Ixcotel (Oaxaca).

Salut fraternel et combatif,

Feliciano Efrén Hernández Pablo
David Venegas Reyes "Alebrije"

"Fais tout le bien que tu pourras, par tous les moyens que tu pourras, de
toutes les manières que tu pourras, en tous les endroits où tu le pourras,
à toute heure où tu le pourras, aussi longtemps que tu le pourras"
(graffiti sur les murs de notre cellule).

Note du traducteur sur le mot Espingoin : il traduit au plus prêt le mot
"gachupín" utilisé par les auteurs. Les Espagnols ont été les ennemis au
moment de la lutte pour l'indépendance ; aujourd'hui, ce mot désigne plus
largement les bourgeois qui ne se sont jamais mélangés aux autochtones et
gardent une allure furieusement européenne par rapport au reste de la
population, en particulier dans un État très indien comme Oaxaca.

Traduit par El Viejo.


http://www.lavoiedujaguar.net/Lettres-de-Santa-Maria-Ixcotel

 

 

 

 


Rédigé par caroleone

Publié dans #prisonniers politiques

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