Mexique : journalistes assassines, journalisme assassin

Publié le 8 Avril 2010

Le 25 mars dernier, l'Unesco publiait un rapport inquiétant sur les

meurtres de journalistes dans le monde. Il y apparaissait que le Mexique,

depuis des années, a ravi à la Colombie la deuxième place, peu enviée,

dans ces macabres décomptes. Tout juste derrière l'Irak, où, comme dirait

un président bling bling, des reporters imprudents se font canarder par un

tank américain, à la fenêtre de leur hôtel...

 

Pour celui qui ne lit plus guère que la presse dite « alternative », il

est difficile de savoir si les « grands » journaux ont beaucoup fait état

de ce rapport.

 

Pour celui qui suit l'actualité mexicaine et latinoaméricaine depuis des

années, les choses sont assez claires : les journalistes assassinés

appartiennent pratiquement toujours à de petites feuilles locales, et ils

sont tués parce qu'ils ont enquêté de trop près sur les agissements

d'hommes politiques mafieux, de multinationales vertueuses, porteuses d'un

« progrès » détruisant le cadre de vie de communautés entières, ou de

bandes dont on ne sait jamais très bien si elles appartiennent au « crime

organisé », ou aux « forces de l'ordre », ou aux deux à la fois.

 

Mais il est une catégorie de journalistes qui, eux, ne prennent pas

beaucoup de risques. Sinon celui de manquer gravement à la déontologie du

métier. Une déontologie dont on imagine que la vérification des

informations que l'on livre au lecteur fait partie des devoirs

élémentaires de ce que l'on appelle l'honnêteté intellectuelle.

Deux jours après la sortie du rapport de l'Unesco, le journal mexicain

"Reforma" offrait sur huit colonnes un pseudo reportage sur un prétendu

déserteur de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), lequel

aurait révélé, en vrac, le véritable visage du sous-commandant Marcos,

celui de membres de l'ETA en action dans le « camp d'entraînement

zapatiste de La Garrucha », et enfin, le financement de l'EZLN par

l'organisation indépendantiste basque.

 

Cette « information » pourrait prêter à rire. Le Marcos de la photo est un

activiste italien solidaire des communautés zapatistes, Leuccio Rizzo. Des

centaines de personnes ont immédiatement reconnu le jeune homme, et

celui-ci réclame en vain une rectification de la part de "Reforma". Les «

terroristes de l'ETA » sont de jeunes femmes, espagnoles et française, qui

participaient l'été dernier à un chantier international (rassemblant

paysans zapatistes et membres de la société civile mexicaine,

nord-américaine et européenne) pour la construction du futur local de la

"Junta de Buen Gobierno" (Conseil de Bon Gouvernement, dont les membres

sont désignés par leur communauté pour gouverner leur région, dans un

système de rotation et de non-rémunération qui ferait pâlir d'envie - ou

d'effroi - plus d'un chantre de la « démocratie participative »).

 

Quant au financement de l'EZLN par l'ETA, il suffirait, pour le plus

débutant et mal informé des journalistes novices, de jeter un coup d'œil

sur les condamnations incendiaires exprimées par les porte-parole des

zapatistes*, pour se dire qu'il y a, au minimum, matière à prudence et à

vérification des dire du soit-disant déserteur.

 

Mais c'est probablement trop demander à une presse dont le rôle est

précisément de mentir et de manipuler l'opinion.

La journaliste indépendante Gloria Muñoz rappelle, dans "La Jornada" du 3

avril, qu'un précédent montage sur l'identité de Marcos avait été suivie

de l'invasion des communautés zapatistes par des milliers de militaires

mexicains.

 

Celle-ci, au-delà de son caractère grotesque, s'inscrit parfaitement dans

le cadre de la recrudescence de la guerre de basse intensité que dénoncent

les zapatistes, et qui se traduit en ces premiers mois de 2010 par une

multiplication sans précédent des agressions et provocations, d'un

harcèlement épuisant et meurtrier, perpétrés par des groupes

paramilitaires et parapoliciers. Le rôle de ces derniers, totalement

instrumentalisés par les pouvoirs fédéral et locaux, est de pousser les

zapatistes à une réaction violente, qui justifierait une intervention

militaire massive, visant à exterminer les communautés en résistance, à

liquider toute forme d'autonomie et à mettre la main sur les ressources

naturelles et humaines de la région.

 

Il appartient aux individus qui composons ce que l'on appelle, un peu

niaisement, « l'opinion publique internationale », de nous tenir informés,

vigilants et prêts à réagir à une nouvelle escalade. Car elle se prépare.

Une des réactions possibles, et pas des moins salutaires, est de nous

défier clairement de médias qui, comme "le Monde" et des centaines

d'autres organes de la presse internationale, se sont empressés de

reproduire tout ou partie de cette manipulation, sans daigner publier les

indispensables rectificatifs.

Une réflexion en vue de préparer un appel large au boycott du tourisme

vers le Mexique (si madame Alliot-Marie veut bien accepter de comprendre

qu'un tel appel n'a rien de raciste, ni d'antisémite, et qu'il ne vise ni

les blancs, ni les métis, ni les indigènes) en serait une autre.

Jean-Pierre Petit-Gras.

 

* Lire par exemple "La Jornada" du 15 janvier 2003. Les textes sont

accessibles sur l'internet.

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Mexique

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T
<br /> COMME NOUS AVONS LA MEME SOURCE, JE TE L'AI LAISSE. NOUS AVONS LA MEME SOURCE ET HIER JE CROIS AVOIR MIS TROIS ARTICLES SUR CE THEME ET JE NE VEUX PAS TROP CHARGER<br /> <br /> <br />