Maxime Gorki
Publié le 27 Janvier 2011
Maxime Gorki ( 1868 / 1936)
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« Maxime Gorki aura eu cette destinée singulière et glorieuse de rattacher au passé ce nouveau monde et de le lier à l'avenir. Il a connu l'oppression d'avant-hier, la lutte tragique d'hier; il a puissamment aidé au triomphe calme et rayonnant d'aujourd'hui. Il a prêté sa voix à ceux qui n'avaient pas encore pu se faire entendre; à ceux qui, grâce à lui, seront désormais écoutés. Désormais Maxime Gorki appartient à l'histoire. Il prend sa place auprès des plus grands. » André Gide, Discours prononcé le 20 juin 1936 pour l'inhumation de Gorki.
Maxime Gorki est né le 28 mars 1868 à Nijni-Novgorod sous le nom d'Alexeï Maximovitch Pechkov. Il était le fils de Maxime Savvatiévitch Pechkov et de Varvara Vassilievna Pechkova, née Kachirina. En 1871, sa famille déménage à Astrakhan. Il contracte alors durant l'été le choléra. S'il en guérit, il le transmet cependant à son père qui en meurt le 10 août 1871. A la mort de son père succède la naissance de son frère le 13 août mais celui-ci meurt huit jours plus tard. Gorki est finalement renvoyé en septembre à Nijni-Novgorod chez son grand-père maternel.
En juin 1879, Gorki arrête ses études, deux ans après avoir commencé. Deux mois plus tard, le 30 août, huit ans après la mort de son père, sa mère meurt. Gorki entre au service d'un marchand de chaussures en tant que garçon de courses la même année. L'année suivante il devient apprenti chez un entrepreneur de maçonnerie de sa famille. En 1881, il quitte Nijni-Novgorod et s'engage en juillet comme marmiton sur un bateau de la Volga. Mais l'expérience est de courte durée puisqu'en automne il revient chez son grand-père à Nijni-Novgorod où il exerce le métier d'oiseleur avant de reprendre son apprentissage chez l'entrepeneur de maçonnerie.
Les années suivantes, Gorki continue d'enchaîner les petits boulots. De juin à novembre 1882, il est aide-plongeur sur un bateau de la Volga à nouveau, puis travaille dans un atelier d'icônes jusqu'en avril 1883, avant de devenir surveillant de chantier. En 1884, âgé de seize ans, Gorki quitte Nijni-Novgorod et part à Kazan dans l'idée d'entrer à l'université. Mais il continue d'exercer des petits métiers : journalier de janvier à mai 1885 ; portier et jardinier en mai-juin ; manœuvre de juin à octobre ; compagnon dans la fabriquede craquelins Semionov en novembre. Il fait dans cette fabrique la rencontre de Konovalov, qui devient en 1896 le héros éponyme d'un récit de Gorki. Gorki garde plus longtemps que d'habitude son métier à la biscuiterie mais le quitte finalement en juillet 1886 et s'en va travailler à la boulangerie Derenkov où il rencontre Romas, un populiste, qui devient son ami.
Nijni-Novgorod dans les années 1920
Le 28 février 1887, sa grand-mère meurt, suivie par le grand-père de Gorki le 13 mai. Entre temps, Gorki fréquente des révolutionnaires clandestins, notamment à la boulangerie où il travaille qui est un lieu de réunion (Derenkov est un populiste). Il se fait d'ailleurs remarquer par la police qui écrit un rapport sur lui. Les décès de ses grands-parents affectent Gorki, et, le 24 décembre 1887, il tente de se suicider et entre à l'hôpital de Kazan d'où il sort le 2 janvier. Il recommence à fréquenter des cercles populistes.
En juin 1888, Gorki part rejoindre Romas à Krasnovidovo. Il continue d'exercer des métiers divers. En septembre il travaille dans une pêcherie au bord de la mer Caspienne, et d'octobre à novembre devient employé des chemins de fer. Parallèlement il fréquente des intellectuels, notamment l'écrivain Gleb Ouspenski, et devient un activiste populiste, bravant la loi tsariste.
En avril 1889, Gorki participe à une "colonie agricole" qu'il fonde avec des camarades. Celle-ci fonctionne dans l'esprit du tolstoïsme. C'est d'ailleurs la figure de Tolstoï, le grand écrivain russe, qui marque Gorki à cette époque. Il a déjà essayé de rentrer en contact avec lui, sans succès. Il retente sa chance en mai : il lui écrit une lettre pour demander au grand bourgeois qu'est Tolstoï des livres et un morceau de terre, mais sa lettre reste sans réponse. Il revient finalement à Nijni-Novgorod à la mi-mai et est embauché en octobre comme clerc par l'avocat Lanine, qui défend les révolutionnaires. Avant cela, en juin, Gorki a rencontré Olga Kaminskaïa, une jeune populiste qui devient sa compagne durant quelques années. Gorki est toujours engagé dans les milieux populistes et est activiste. Il est arrêté pour cette raison le 24 octobre parce qu'il a caché S. G. Somov, un populiste recherché par la police.
Il rencontre l'écrivain Korolenko en 1890, fameux écrivain populiste russe. Il quitte peu après, en août, son poste de clerc chez Lanine. A la fin de l'année il est réformé.
Gorki en 1900
Le 11 mai 1891, Gorki décide de partir pour le sud, entre Crimée, Ukraine et Caucase. Il vagabonde à travers la Russie pendant longtemps, passant par Tsaritsyn (futur Stalingrad), Rostov-sur-le-Don, Kharkov, Kiev, Nikolaïev, Odessa, Féodossia, Kertch, Maïkop, Tiflis, etc. Il se rend également à Kronstadt puis à Kandybovo où il est blessé durant l'été 1891 parce qu'il a pris la défense d'une femme battue par son mari. Blessé et inconscient, une famille tsigane l'emmène se faire soigner à l'hôpital de Nikolaïev. Son voisin de chambre lui sert quelques années plus tard de modèle pour Tchelkach, un court récit. Gorki écrit dans Comment j'ai appris à écrire que son voisin de chambre lui proposa de participer à des activités de vol ou de contrebande, ce qu'il refusa : « Il me rappelait les "nobles" héros d'Alexandre Dumas. Nous sommes sortis de l'hôpital ensemble, et en partageant avec moi un melon, assis sur la lunette d'un fortin hors les murs, il me proposa :"On pourrait peut-être tenter un joli coup, tous les deux ? M'est avis que tu ferais l'affaire." J'étais très flatté, mais en ce temps-là je savais déjà qu'il y a des occupations plus utiles que le vol ou la contrebande. » Gorki est ensuite incarcéré du 30 septembre au 3 octobre soupçonné d'avoir participé à des émeutes à Maïkop. Il part ensuite pour Tiflis en novembre.
L'année 1892 est une année de retour et de nouveau départ. En effet, le 18 octobre il revient à Nijni-Novgorod. Mais le 24 septembre, celui qui n'est encore qu'Alexeï Maximovitch Pechkov a publié un récit, Makar Tchoudra, sous le pseudonyme de Maxime Gorki. Ce pseudonyme renvoie à tout un programme : Gorki signifie en effet L'Amer en russe.
A partir de 1892, Gorki écrit plusieurs textes : Makar Tchoudra, Exposé des faits et des pensées dont l'action réciproque a desséché les meilleurs morceaux de mon cœur (écrit en avril 1893 mais retrouvé et publié en 1940 après la mort de Gorki), Emelian Pilaï (août 1893), Mon compagnon (publié en feuilleton dans Le Journal de Samara dès 1894), Au fil du fleuve (1895), Tchelkach (1895), Konovalov (mars 1897), Malva (novembre-décembre 1897).
En 1894, il rompt avec Olga Kaminskaïa. Mais, parti pour Samara en 1895, il est embauché comme collaborateur au Journal de Samara où il rencontre Ekaterina Pavlovna Voljina. Il quitte en 1896 Le Journal, et rentre à Ninji-Novgorod où il collabore au journal du coin ainsi qu'aux Nouvelles d'Odessa, mais il part avec Ekaterina qu'il épouse le 11 septembre 1896. Un mois plus tard, il est atteint de tuberculose.
Au début de l'année 1898, Gorki part pour la Crimée. Malgré ses publications, il manque d'argent et se voit offrir une bourse de cent roubles de la part du Fonds littéraire. Le 8 août naît son fils qu'il appelle Maxime. En décembre survient une autre bonne nouvelle : deux jeunes éditeurs acceptent de publier ses œuvres. Il retourne à Nijni-Novgorod en 1898. En avril-mai paraît les deux premiers tomes de ses œuvres, publiés sous le titre de Croquis et récits. C'est enfin un franc succès qu'obtient Gorki qui lance sa carrière d'écrivain pittoresque. Mais ce bonheur est mitigé. Le 18 mai Gorki est arrêté pour ses relations de 1891 avec l'organisation social-démocrate de Tiflis. Aussi, il est emprisonné jusqu'au 9 juin à Tiflis avant d'être renvoyé à Nijni-Novgorod où il est assigné à résidence. Forcé de rester chez lui, Gorki noue une correspondance avec le célèbre écrivain russe Anton Tchekhov qui lui a demandé de lui faire parvenir ses Croquis et récits. Ce dernier reconnaît à Gorki « un indubitable talent, et, qui plus est, un vrai et grand talent. » Il a cependant toujours autant de problèmes financiers et le Fonds littéraire lui accorde une seconde aide. Il devient en novembre collaborateur au journal La Vie de Saint-Pétersbourg, où il publie, de février à septembre 1899, Foma Gordeïev.
En 1899, Gorki se rend à Yalta malgré son assignation à résidence, autorisé à y passer deux mois pour raison de santé. Il y fait la rencontre de Tchékhov. A son retour à Nijni-Novgorod, son assignation prend fin : il obtient un non-lieu dans l'affaire de l'organisation de Tiflis et ses papiers lui sont rendus. Les bonnes nouvelles continues puisque le tome III de ses Croquis et récits sont publiés en octobre en même temps que les deux premiers tomes, francs succès, sont réédités. Son assignation à résidence levée, Gorki se rend à Saint-Pétersbourg. Il y rencontre le peintre Répine, le critique Mikhaïlovski, l'écrivain D. Mérejovski, bref, l'élite culturelle de la société saint-pétersbourgeoise.
Gorki et Tchekhov en 1900 - Gorki et Tolstoi en 1900
Le 25 janvier 1900, Gorki rend visite à Tolstoï dans sa maison de Moscou, première rencontre d'une longue série, à la suite de laquelle s'engage le 24 mars une correspondance. Sa correspondance avec l'autre grand écrivain russe, Tchékhov, continue également. Il le voit à nouveau à Yalta où il séjourne du 29 mars au 29 juin. Il y rencontre également l'écrivain russe Ivan Bounine (futur Prix Nobel de littérature) ainsi que les artistes du théâtre d'Art de Moscou. Il séjourne ensuite à Manouïlovka. Les Éditions du Savoir, qui avaient signé avec lui au début de l'année 1900 un contrat d'édition de ses œuvres, ainsi qu'une édition américaine de celles-ci, l'embauchent en septembre comme directeur littéraire. A la fin de l'année, en même temps que Ils étaient trois commencent à être publiés, Gorki commence à écrire sa pièce de théâtre Les Bas-fonds.
Dans un contexte de tension politique et de censure, Gorki partage sa vie entre ses activités révolutionnaires et l'écriture qui reflète ses idées. En mars 1901, il commence à écrire Le Chant du Petrel et en avril il est incarcéré à Nijni-Novgorod pour avoir participé à un cercle d'étudiants révolutionnaires. Tolstoï qui est devenu son ami demande sa libération. Celle-ci lui est accordée, mais Gorki est de nouveau assigné à résidence. Le 12 septembre 1901, il rencontre Fédor Chaliapine, un célèbre chanteur d'opéra et acteur russe, qui devient son ami. Gorki met un point final à la rédaction des Petits-bourgeois (théâtre) en octobre, tandis que 6 mois plus tard, en avril 1902, a lieu la première de la pièce, suivie le 31 décembre de la première des Bas-fonds. En mai 1902, Gorki participe à la manifestation de Sormovo, ce qui lui vaut une nouvelle assignation à résidence à Arzamas.
Gorki et Chaliapine en 1902 et en 1905 dans une mise en scène comique de la photo
L'écrivain est consacré en 1903 par la remise du prix Griboïedov pour Les Petits-bourgeois, prix qu'il reçoit à nouveau l'année suivante pour Les Bas-fonds.. Il séjourne ensuite à Yalta où il rencontre Tchekhov à plusieurs reprises et voyage dans le Caucase. Par ailleurs, dans sa vie sentimentale, Gorki quitte sa femme et se lie à Maria Andreïeva, une actrice du théâtre d'Art de Moscou qu'il a rencontrée en 1900. Celle-ci est une social-démocrate. Le 1er janvier 1904, Gorki est agressé par un inconnu qui l'attaque en sachant qui il est. Au point de vue politique, il s'engage de plus en plus dans des activités clandestines et se rapproche des sociaux-démocrates.
Lors de la révolution russe de 1905, Gorki participe au Dimanche rouge de Saint-Pétersbourg (22 janvier) où une manifestation ouvrière est réprimée par l'armée dans la violence. Gorki est contraint de partir pour Riga le lendemain. Bonne initiative puisque le 24 son appartement est perquisitionné parce que la police à découvert un appel « A tous les citoyens russes » écrit par lui. Mais Gorki est arrêté dans son exil le 25 janvier, et emprisonné jusqu'au 27 février à Saint-Pétersbourg. Cette incarcération suscite à létranger des protestations, preuve du succès international de l'écrivain. Gorki est finalement assigné à résidence à Riga, d'où il s'échappe pour repartir vers Moscou et Yalta. Mais il part pour la Finlande pendant l'été 1905 jusqu'au 14 septembre. En novembre il participe à un journal édité par sa femme Maria Andraïeva. Il rejoint également les idées de sa femme officiellement puisque c'est à cette époque qu'il adhère au Parti social-démocrate, le POSDR qui a réalisé quelques années auparavant l'unité des partis sociaux-démocrates d'opposition. C'est grâce à cette adhésion qu'il rencontre pour la première fois Lénine, le 10 décembre, à l'occasion d'une réunion du Comité central du parti organisée chez lui à Saint-Pétersbourg.
Les mouvements d'octobre 1905 vu par Répine, peintre russe que connut Gorki.
Toujours aussi engagé, Gorki participe à l'insurrection de Moscou de décembre 1905 avant de regagner Saint-Pétersbourg et de s'exiler, inquiété par la police tsariste. Il s'embarque donc pour la Finlande le 17 janvier 1906. C'est le début d'une longue période d'exil où il commence par aller à Stockholm puis à Copenhague. Il séjourne rapidement à Berlin en mars, puis se rend à Paris, seulement deux jours (du 3 au 5 avril), juste le temps d'embarquer vers New York avec sa femme où il arrive le 10 avril. Gorki est un écrivain réputé et son arrivée ne passe pas inaperçu. Il donne des entrevues, participe à des meetings. C'est aux États-Unis que Gorki commence à rédiger son roman le plus célèbre et le plus populaire, La Mère. Il en rédige la première partie dans la région des monts Adirondacks l'État de New York. Un évènement malheureux survient alors dans la vie de Gorki, la mort de sa fille, Katia, à l'âge de cinq ans.
L'exil américain s'achève en octobre lorsque Gorki part pour l'Europe à Naples. Arrivé en Italie, il se rend à Capri. C'est dans cette ville qu'il rédige de novembre à décembre 1906 la seconde partie de La Mère. Il y est rejoint par le scientifique et penseur Alexander Bogdanov en décembre. La parution en feuilleton de La Mère aux États-Unis commence alors, suivie peu après par la parution en Russie en avril 1907, début d'un fort succès populaire. Gorki séjourne à Londres pour participer au Vème congrès du POSDR avant de revenir à Capri. La Mère est traduit en allemand cette même année. Gorki rencontre alors à Florence le futur commissaire du peuple à la culture Anatoli Lounatcharski. Gorki l'invite en 1908 à s'installer à Capri où ils sont rejoints bientôt par Lénine qu'il a également invité. Confession et Vie d'un homme inutile sont publiés cette même année.
Toujours installé à Capri en 1909, Gorki participe à la création d'une école du Parti social-démocrate (le POSDR) avec Bogdanov et Lounatcharski. Gorki y occupe le poste de professeur de littérature. Lénine cependant refuse d'y enseigner et incite les élèves de l'école à venir à Paris. Ceux-ci sont plus sensibles à cet appel et l'école, créée en juillet, ferme en décembre. Gorki rencontre au début de l'année 1910 Félix Djerzinski, le futur chef de la Tchéka. Gorki passe cette année 1910 en Italie où il voyage et fréquente des exilés russes, notamment Lénine qui voyage lui aussi en Europe. Il séjourne alors à Paris en 1911 à deux occasions, en février puis en avril où il rencontre une fois de plus Lénine. Gorki n'hésite par ailleurs pas à mettre en jeu ses amitiés pour ses convictions politiques. Ainsi, à la suite d'une représentation où son ami Chaliapine s'est agenouillé devant le tsar, Gorki envoie une lettre à celui-ci pour lui faire des reproches. Heureusement, Chaliapine vient séjourner à Capri en septembre 1911 et se réconcilie avec son ami écrivain. Gorki fréquente peu après Bounine qui séjourne à Capri et continue de mêler littérature et politique en participant à la section littéraire de la revue marxiste L'Instruction. Il retourne ensuite à Paris en 1912.
Lénine lui propose de collaborer à la Pravda, quotidien bolchévique publié à Saint-Pétersbourg à partir de 1912. Gorki laisse traîner tout d'abord mais face à l'insistance de Lénine finit par écrire quelques articles. Lénine lui demande ensuite de collaborer régulièrement. En novembre, Maria Andraïeva, sa femme, rentre en Russie. Gorki, lui, y songe seulement. Le premier volet de sa trilogie autobiographique, Enfance, paraît dans Le Mot russe de septembre 1913 à février 1914. Gorki quitte finalement l'Italie en janvier 1914 et se rend à Berlin. Il y est rejoint par sa femme avec laquelle il repart enfin pour la Russie. Ainsi s'achève neuf années d'exil.
De retour en Russie, Gorki poursuit sa vie littéraire. Il rencontre pour la première fois en août 1914 l'autre futur grand écrivain de l'URSS, le poète Vladimir Maïakovski, puis une autre fois en 1915 lors d'une soirée futuriste. Les premières discordes avec les bolchéviks naissent alors. En effet, Gorki signe un texte de Bounine à la fin de l'année 1914. Ce texte dénonce les atrocités commises par les Allemands en ces temps de guerre mondiale. Sa signature lui est reproché par le journal communiste Le Social-démocrate. De la même manière, Lénine lui adresse un reproche en septembre 1915 lorsqu'il écrit : « Nous devons mettre à profit n'importe quelle protestation (fût-elle timide et confuse, à la Gorki). » Il reproche à Gorki d'être « archidépourvu » de caractère en politique, et d'agir de façon spontanée, selon l'humeur et le sentiment. Après la révolution de février 1917, Gorki participe à la création d'un ministère des Arts et est nommé membre du soviet en charge des affaires artistiques. Peu avant la révolution d'octobre, Gorki condamne un éventuel soulèvement armé que prévoit le parti bolchévik. Lors de la révolution, son fils Maxime est prisonnier d'un groupe d'élèves-officiers. La rupture entre Gorki et les bolchéviks après la révolution d'octobre. Dans A la démocratie, il « Lénine et ses acolytes » de « se croire autorisés à commettre tous les crimes » et écrit trois jours plus tard un article virulent contre Lénine qu'il accuse d'être amoral et plein de mépris pour le peuple. En fait, Gorki se préoccupe avant tout de la sauvegarde de la culture : il craint la destruction des monuments à cause de la guerre, il tonne contre l'envoi au front d'intellectuels, etc. La culture est son premier chef de bataille. Car l'écrivain pense que la culture diffusée au sein des masses peut amener le peuple sur la bonne voie, et non la violence. Bien entendu les bolchéviks et leurs organes condamnent cette position qui ne prend pas en compte la dure réalité de la guerre civile. Cependant, au début de l'année 1918, dans une de ses Pensées inactuelles, parue dans La Vie nouvelle (journal), Gorki écrit : « Maintenant les bolchéviks se sont ressaisis ; ils prient les représentants des forces intellectuelles de travailler avec eux. C'est un peu tard, mais la mesure est bonne. » Le rapprochement s'effectue alors entre Gorki et les bolchéviks. L'écrivain envoie avec sa femme un télégramme à Lénine qu'une socialiste-révolutionnaire a tenté d'assassiner. Lénine a reçu deux balles dans le corps. Le rapprochement entre Gorki et le Parti communiste est officialisé par Le Journal rouge qui écrit le 6 octobre 1918 : « Maxime Gorki est de nouveau des nôtres. » Entre temps, les journaux communistes la Pravda et les Izvestia ont annoncé que Gorki cédaient ses droits d'auteurs au Parti communiste.
Sur le plan littéraire, Gorki publie un article « Sur le futurisme » en 1915. Il s'intéresse en effet à ce nouveau mouvement littéraire et a lié une amitié avec Maïakovski. Ce dernier dédie d'ailleurs l'un de ses plus célèbres recueils de poèmes, Nuage en pantalon, « à Alexeï Maximovitch que j'aime », qui n'est autre que Gorki. En novembre, Le Mot russe entame la publication d'En gagnant mon pain. En 1916, il écrit l'autobiographie de son ami chanteur d'opéra et acteur Chaliapine. L'écrivain français Romain Rolland qui a reçu cette même année le prix Nobel de littérature séjourne en Russie, invité par Anatoli Lounatcharski et Gorki rentre en contact avec lui, tout d'abord par lettre en 1916. Avec ce même Lounatcharski il devient rédacteur du nouveau quotidien La Vie nouvelle. Autre nouveauté : en 1919 sort l'adaptation cinématographique de son roman La Mère, adaptation réalisée par Alexander Razoumny.
Gorki s'intéresse les premières années de la révolution à la question paysanne. Dès 1919, il publie un article, « Deux cultures », sur l'opposition entre villes et campagnes. Il écrit d'ailleurs à sa femme (fin 1919) : « La campagne va nous étouffer. [...] En dehors des bolchéviks il n'y a pas de forces capables de résister à ce mouvement. La révolution a dégénéré en lutte de la campagne contre la ville, c'est là ce qu'il faut comprendre. » Gorki continue d'intercéder auprès de Lénine pour différentes choses, mas surtout pour protéger les écrivains et intellectuels qui n'ont plus vraiment de quoi vivre ou bien qui sont chassés avec un peu trop de zèle par la Tchéka. Ses fréquentes visites au Kremlin devinrent célèbres. En 1920, il publie d'ailleurs un article intitulé « Vladimir Ilitch Lénine. » Il reçoit au même moment l'écrivain H.G. Wells. A propos de cette visite, Georges Politzer raconte dans ses Principes élémentaires de philosophie cette amusante anecdote, révélatrice des conceptions littéraires de Gorki :
L'écrivain anglais Wells est allé en Union soviétique, il y a quelques années, et a rendu visite au grand écrivain, aujourd'hui disparu, Maxime Gorki. Il lui a proposé de créer un club littéraire où l'on ne ferait pas de politique, car, dans son esprit, la littérature, c'est la littérature, et la politique, c est la politique. Gorki et ses amis se sont mis, paraît-il, à rire et Wells en fut vexé. C'est que Wells voyait et concevait l'écrivain comme vivant en dehors de la société, tandis que Gorki et ses amis savaient bien qu'il n'en est pas ainsi dans la vie où, en vérité, toutes les choses sont liées — qu'on le veuille ou non.
En 1921, Gorki intervient auprès de Lénine afin d'obtenir une aide financière pour le scientifique Pavlov, et également afin de créer une revue littéraire qui prend le nom de Terres rouges nouvelles à laquelle Gorki participe bien entendu. Mais sa santé faiblit. Sur le conseil de Lénine, il quitte la Russie en octobre pour aller se faire soigner à l'étranger, et se rend à Berlin où l'attend déjà sa famille. C'est là-bas, au sanatorium, qu'il commence à écrire le troisième volet de son cycle autobiographique, Mes universités.
Gorki, toujours à l'étranger, publie alors en 1922, à Copenhague, des observations intitulées « Sur la paysannerie russe. » Celles-ci sont alors vivement critiquées par les journaux bolchéviks. Mais les critiques ne s'arrêtent pas là. Gorki, s'il voyage ici et là en Europe (il voyage entre Copenhague et Berlin, il séjourne à Heringsdorf sur la mer Baltique puis à Saarow), se préoccupe néanmoins de l'actualité russe. Il critique l'arrestation du patriarche Tikhone et les procès faits aux socialistes-révolutionnaires. Les répliques des journaux bolchéviks sont sévères : Gorki est un « compagnon de route petit-bourgeois de la révolution russe. » On continue de se moquer de ses observations sur la paysannerie russe. Au même moment qu'il est critiqué en Russie, sa réputation littéraire en Europe occidentale n'a pas baissé. Tandis qu'en France, des écrivains (Rolland, Barbusse, France) lance un appel « Pour que Maxime Gorki puisse venir en France », en Allemagne, les écrivains fêtent ses trente ans d'activité littéraire.
En 1923 commence à paraître le dernier volet autobiographique Mes universités dans la revue Terres rouges nouvelles. Gorki se lance alors dans un autre projet de revue, La Conversation, qu'il dirige cette fois-ci. Il continue de voyager en Europe et se rend notamment en Tchécoslovaquie, mais il n'y est pas bien accueilli. Il se rend donc à Berlin, mais repart finalement en Tchécoslovaquie à Prague, puis se rend à Marienbad. L'année 1923 se déroule ainsi entre les voyages. L'année 1924 commence de la même manière mais Gorki apprend la mort de Lénine, décédé le 21 janvier. Il perd là un ami, dont il disait à Romain Rolland dans une lettre quelques jours auparavant qu'il voyait en Lénine « le seul homme capable d'arrêter le développement de l'anarchie dans la masse des paysans et des soldats. » Aussi, en même temps qu'il voyage entre Prague, Vienne et Naples, Gorki publie des articles et des souvenirs sur Lénine. Les lettres de Lénine à Gorki sont également publiées. Gorki finit par s'installer non loin de Sorrente, mais l'endroit est désagréable, d'autant plus qu'en 1925 sa maison est perquisitionnée par la police italienne, un malentendu selon Mussolini.
En mars 1925, il démarre le projet d'un nouveau roman, La Vie de Klim Sanguine, roman important à ses yeux, puisqu'il déclare peu avant sa mort qu'il espère seulement pouvoir achever ce roman, souhait qui ne se réalisera pas. C'est donc un projet de longue durée qu'il entame. Il projette pourtant de le finir assez tôt puisqu'il écrit dans une lettre en août : « Mon attitude à l'égard du pouvoir soviétique est parfaitement nette : je ne vois, ni ne conçois, ni, naturellement, ne souhaite pour le peuple russe d'autre pouvoir que lui. J'irai certainement en Russie au printemps de 1926, si j'ai fini mon livre [La Vie de Klim Sanguine] d'ici là. » A la suite de la perquisition de sa demeure à Sorrente, Gorki part pour Naples où il loue une autre villa. Son amitié avec Romain Rolland est toujours aussi forte. Les deux écrivains socialistes correspondent beaucoup. Gorki est chargé parmi d'autres de célébrer le soixantième anniversaire de l'écrivain français et lui dédie La Maison Artamonov qui paraît à Berlin en décembre 1925-janvier 1926. Il publie également un article sur son ami dans la nouvelle revue française Europe.
EN 1926, dans une lettre à Ganetski, Gorki fait l'éloge de Dzerjinski, chef de la Tchéka mort le 21 juillet de la même année. Il loue notamment sa «délicatesse» et sa «justice». Cette lettre est publiée deux semaines après par les journaux bolchéviks. Les émigrés qui en prennent alors connaissance lancent une campagne de presse contre Gorki à laquelle celui-ci refuse de répondre.
Malgré les critiques qu'on a pu lui faire, Gorki est toujours aimé en Russie, devenue depuis peu membre de l'URSS. Poudovkine vient d'adapter La Mère au cinéma (1926) et de nombreuses personnes le prient en 1927 de revenir au pays : Maïakovski, Ganetski, Kerjentsev (amabassadeur de l'URSS en Italie que Gorki a rencontré de nombreuses fois lors de son exil). En 1928 lui est consacrée une exposition à Nijni-Novgorod et en février-mars, l'URSS s'apprête à fêter ses soixante ans le 28 mars. La Pravda lui consacre d'ailleurs un numéro spécial. Romain Rolland pour sa part publie des lettres que lui a écrites Gorki.
Dans celles-ci, il parle de la littérature soviétique. Ces lettres son attaquées par les écrivains russes émigrés comme Bounine. Gorki publie en retour un article en avril «Sur la littérature de l'émigration blanche». Ce même mois commence la publication du deuxième tome de son roman La Vie de Klim Sanguine. Son travail fini, Gorki se décide à rentrer en Russie à Moscou. Il arrive le 28 mai, attendu par des représentants du Parti et du gouvernement. En Russie, il fait la connaissance d'écrivains européens, Barbusse en juin, Zweig en septembre. Cependant le séjour russe est de courte durée ; Gorki repart à Sorrente en octobre. Mais il revient à Moscou dès mai 1929. Gorki n'arrête pas de voyager car comme il l'écrit, il n'y a qu'à l'étranger qu'il peut vraiment travailler, tandis que sur les terres russes, Gorki voyage et rencontre la population. Justement en juillet 1929, Gorki visite le goulag des îles Solovki dont il tire un «reportage». Il voyage ensuite dans le Caucase avant de repartir en octobre pour Sorrente. Car Gorki bataille avec les autres écrivains soviétiques en Russie par exemple lors de l'affaire Pilniak : L'union des écrivains soviétiques condamnent le roman L'Acajou de Boris Pilniak publié à l'étranger. Gorki les juge sévère et répond à cette condamnation dans la presse. La presse est derrière l'Union des écrivains. Gorki condmane cette orientation de la presse soviétique dans une lettre qu'il écrit à Staline où il lui demande également de l'appuyer pour la création d'une revue, A l'étranger. Sur l'affaire Pilniak, la Pravda règle finalement le litige à la fin de l'année 1929 : elle sanctionne la revue Présent et le quotidien Sibérie soviétique qui avaient attaqué Gorki, mais n'approuve pas pour autant ce dernier, ni ne se prononce en faveur de Pilniak. Staline répond à sa demande de 1930. Il discute ses opinions sur la presse, mais approuve l'idée de sa nouvelle revue A l'étranger dont il est nommé directeur en février ainsi que le projet de Gorki d'écrire une histoire de la guerre civile.
Vorochilov, Gorki et Staline, peut-être le jour de la lecture par Gorki de son conte Le Jeune fille et la Mort à ses deux camarades.
Son projet d'une Histoire de la guerre civile prend de plus en plus forme. Il propose des rédacteurs en juin-juillet : Cholokov, Léonov, Tikhonov et A. Tolstoï entre autres. Les Éditions d'État approuvent également son projet d'une Histoire rédigée sous sa direction par les principaux écrivains soviétiques. Gorki, rentré à Moscou en mai 1930, réunit chez lui une centaine d'écrivains prolétariens et de compagnons de routes. Il préside ensuite en juin une réunion du comité de rédaction de l'Histoire de la guerre civile à laquelle assistent Staline et Vorochilov. Gorki quitte tout de même Moscou en octobre pour Sorrente mais il a quand même fait, comme il l'écrit lui même à Romain Rolland, un «voyage de travailleur» en Russie contrairement à son habitude : il a réuni une commission de savants pour organiser un institut de médecine expérimentale, il a prononcé un discours devant le directoire de l'Association des écrivains prolétariens et a formulé le projet d'une Histoire des usines approuvé par le Comité central.
Il revient dès avril 1932 et est élu en mai président d'honneur de la nouvelle et désormais unique Union des écrivains soviétiques. Il fête cette même année ses quarante ans de vie littéraire. Gorki est promu à l'ordre de Lénine, que le président du Comité central Mikhaïl Kalinine lui remet le 27 octobre. Gorki devient alors le nom d'un institut de perfectionnement d'écrivain, d'un prix littéraire et du théâtre d'Art de Moscou, ainsi que de sa ville natale Nijni-Novgorod. Gorki profite aussi de son séjour à Moscou pour discuter avec Staline, Vorochilov et un groupe de savants de l'organisation d'un institut de médecine expérimentale (cité plus haut), avant de repartir pour Sorrente.
En mai 1933, Gorki quitte définitivement Sorrente. Après un bref séjour à Istanbul puis à Odessa, il arrive à Moscou. Son article «Sur le réalisme socialiste», terme récemment apparu, est publié. Gorki voyage en Crimée puis revient à Moscou où il participe au début de l'année 1934 à l'ouverture du XVIIème congrès du parti communiste, puis en août au Ier congrès de l'Union des écrivains soviétiques qu'il ouvre et ferme par ses discours. Il effectue alors un nouveau voyage en Crimée avant de revenir. Toute sa vie, Gorki aura été un voyageur, un de ces vagabonds qu'il a introduits en littérature. Il est chargé en 1935 de mener la délégation soviétique au congrès international des écrivains pour la défense de la culture qui doit se tenir à Paris, mais une bronchite le retient au dernier moment. Cela lui permet tout de même de rencontrer Romain Rolland (à droite avec Gorki) de passage à Moscou et qui a rendu visite à Staline le 29 juin. Il le reçoit du 30 juin au 20 juillet dans sa maison de campagne où viennent également lui rendre visite Staline, Vorochilov et d'autres membres du gouvernement.
En septembre il part pour la Crimée, peu avant que soit publiée en novembre le premier volume de l'Histoire de la guerre civile. Il reçoit là-bas André Malraux durant une semaine. Il continue de travailler son roman, La Vie de Klim Sanguine et craint de mourir avant de l'avoir fini. C'est pourtant ce qui arrive. Revenu à Moscou le 27 mai, il tombe malade quelques jours plus tard, le 1er juin. Il succombe finalement le 18 juin. Le 20, ses cendres sont déposées au Kremlin. André Gide qui séjourne en URSS prononce l'un des quatre discours lors de ses funérailles, grandioses, au nom de l'Association internationale des écrivains. Gide y prononce cette célèbre phrase : «Aucun écrivain russe n'a été plus russe que Maxime Gorki.» L'URSS perdait quelques années après la mort de Maïakovski son autre grand écrivain, connu dans le monde entier et reconnu par les grands écrivains.
Maxime Gorki parmi des pionnières en 1934
On peut retenir trois grandes nouveautés de Gorki en littérature. Tout d'abord il introduisit le thème nouveau des vagabonds. Mais Gorki innove aussi dans la forme : son écriture est simple, sans procédés littéraires connus. Enfin Gorki a un regard nouveau, un regard objectif sur le monde mais qui est en même temps intime.
Gorki a énormément écrit ; voici ses œuvres les plus connues :
- Mon compagnon (1894)
- Croquis et récits (1898)
- Les Bas-fonds (1902)
- Les Petits-bourgeois (1902)
- La Mère (1907)
- Confession (1908)
- Trilogie autobiographique : Enfance (1914), En gagnant mon pain (1915), Mes universités (1923)
- La Vie de Klim Sanguine (inachevée)
- « Chronologie », Notices et Notes des Oeuvres de Maxime Gorki, La Pléiade.
- PALMIER Jean-Michel, Lénine Sur l'art et la littérature, « Chapitre V - Lénine et Gorki ».