Les femmes en resistance de San Juan Copala installent un planton
Publié le 17 Août 2010
San Juan Copala, Oaxaca, Mexique.
AUX MÉDIAS HONNÊTES
À L'AUTRE CAMPAGNE
AUX ORGANISATIONS SOCIALES ET DE DROITS HUMAINS
À LA DIGNE NATION TRIQUI
Compañeras, compañeros, les femmes triquis de San Juan Copala s'adressent
à vous pour faire connaître par notre propre voix la douleur que le
puissant dicte comme destin pour les indigènes de ce pays. Aujourd'hui,
nous voulons dire aussi à ces seigneurs de l'argent que nous nous
rebellons, que nous nous soulevons, et qu'avec colère nous les dénonçons.
Que le monde sache que dans ce pays les indigènes sont en résistance ;
parce que le mauvais gouvernement a décidé de faire disparaître nos
peuples, pour s'approprier la grande richesse naturelle qu'au long des
siècles nous avons su conserver pour le bien de l'humanité ; parce que
c'est là le vrai motif de la violence qu'aujourd'hui nous subissons, nous,
les Triquis. C'est pour cela que des palais de verre dans lesquels à
présent œuvrent les gouvernements de notre État vient l'ordre criminel de
nous attaquer avec des armes de guerre, sans que compte pour quoi que ce
soit le fait que les victimes sont en majorité des femmes.
Nous, les femmes de Copala, nous sommes les plus affectées par la
violence, parce que, en plus d'être épouses, sœurs, filles, mères, c'est
nous qui marchons dans la forêt, pendant des heures, pour apporter la
nourriture et empêcher que notre village ne meure de faim ; c'est pourquoi
nous voulons dire à tous les gens humbles et simples de ce pays, et en
particulier aux vaillantes femmes oaxaquègnes, que nous, femmes triquis,
avons décidé de descendre dans la rue pour demander votre solidarité, car,
du fait que nous sommes indigènes et que nous sommes femmes, notre douleur
est double. Et le mauvais gouvernement, au lieu de faire justice, est
celui qui donne l'ordre de nous massacrer pour le seul fait de résister
aux côtés de nos compañeros.
Rien que du 27 avril à aujourd'hui, 38 femmes ont été agressées parce
qu'elles essayaient de défendre notre liberté de nous gouverner selon
notre histoire et notre culture ; mais nous savons bien que dans toute la
région beaucoup d'entre nous ont été agressées sous prétexte de conflits
internes. Ils ont transformé la femme triqui en butin de guerre, c'est
pourquoi aujourd'hui nous crions YA BASTA, ça suffit. Un "ya basta" que
nous souhaitons envoyer à toute notre région, et en particulier au cœur de
nos sœurs triquis, pour que selon notre usage nous prenions en mains le
destin de nos villages. Car c'est nous qui, avec notre tendresse et notre
amour, pourrons libérer notre peuple de la main étrangère qui, sans
connaître notre histoire, s'est consacrée depuis des décennies à piétiner
notre dignité. Et il faut aussi le dire clairement, nous devons nous
libérer de ceux qui, tout en étant indigènes, renient leur histoire ou la
méconnaissent et louent leurs services d'hommes de main pour massacrer
notre peuple. Cela a été démontré lorsque, usant comme prétexte le
mensonge qu'un chef paramilitaire aurait été assassiné dans notre
communauté, des centaines de policiers ont pu, cette fois, entrer à San
Juan Copala : à ce moment-là, la procuradora (2) n'a pas trouvé cela
dangereux ? Mais, comble du cynisme, ce sont ces policiers sous le
commandement de Jorge Quezada qui ont pris le palais municipal pour le
remettre aux paramilitaires de l'UBISORT, et ce sont des balles tirées par
des policiers et des paramilitaires qui ont blessé gravement nos
compañeras ADELA et SELENA, âgées de 14 et 17 ans.
Aujourd'hui, en réponse à tant d'agressions, nous nous installons de
manière indéfinie sur cette grand-place de la capitale et nous ne nous en
retirerons pas. Car si les conditions ne sont pas réunies dans notre
communauté pour que continuent à y vivre tous les compañeros et compañeras
qui sont exilés de notre village, nous occuperons cette place. C'est
pourquoi nous demandons le soutien des compañeros des différentes
organisations solidaires, et nous demandons aussi l'observation de tous
les compañeros des organismes de droits humains non officiels, car nous
croyons que la persécution dont nous sommes l'objet de la part du mauvais
gouvernement peut s'exercer aussi en ce lieu. Nous informerons de manière
permanente de tout ce qui arrivera dans notre région, et nous ne nous
retirerons que lorsque les criminels qui sèment la douleur dans notre
village seront arrêtés et qu'à San Juan Copala on pourra se déplacer
librement.
ILS ONT PEUR DE NOUS PARCE QUE NOUS N'AVONS PAS PEUR
FEMMES EN RÉSISTANCE DE SAN JUAN COPALA.
11 août 2010.
Traduit par el Viejo.
(1) Campement de protestation (NdT).
(2) Allusion aux propos de la ministre de la "justice" (procuradora de
justicia) de l'État d'Oaxaca lors de la deuxième caravane de solidarité
avec San Juan Copala (NdT).