Le soja chinois à l’assaut de la Patagonie
Publié le 8 Mai 2011
La province argentine de Rio Negro a passé un accord avec une société chinoise afin de cultiver du soja sur plus de 240 000 hectares. Émois dans la population et les organisations environnementales qui se mobilisent.
Le « Projet Soja » comme le dénoncent les organisations environnementales, sociales et indigènes : voilà ce qui se cache derrière le « plan agroalimentaire » de la province de Rio Negro, en Argentine. Rien de moins qu’un accord signé par cette province argentine et la Chine portant sur 240 000 hectares.
De quoi s’agit-il ? D’une sorte de location géante de terres pour y semer du soja. En l’occurrence cela concerne le double de la surface dédiée à l’agriculture dans cette province.
Une révolution, car Rio Negro couvrant une partie de la Patagonie, n’était pas jusque là une terre de soja. Autant dire qu’une telle surface exploitée en soja va modifier profondément le paysage et l’écosystème local. Mais cette avancée du soja en Patagonie aura aussi des conséquences sociales, sanitaires, économiques.
Le gouverneur de la province de Rio Negro, Miguel Saiz, lui est le plus satisfait des hommes, persuadé de « monter dans le train de la Chine » avec un accord historique pour la province. Cet accord signé avec l’entreprise publique chinoise Heilongjiang Beidahuang State Farms Business Trade Group, porte sur la cession de 3000 hectares, et un engagement sur 240 000 autres, la mise à disposition d’une zone du port, le tout pendant 50 ans.
De plus l’accord comporte de nombreux engagements -techniques, financiers, humains, logistiques- de la part de la province argentine pour faciliter l’établissement de ce projet chinois. Par exemple, mise à disposition de toutes les techniques concernant l’eau et l’arrosage développées par l’Etat, et des études sur la question.
L’accord énumère les zones et les surfaces concernées par l’exploitation aboutissant à un total de 234.500 hectares, mais le gouvernement provincial ne cache pas que cela pourrait atteindre 320 hectares. Pire, il n’y aurait même de limite de surface réelle au nom du fait qu’en Patagonie les oléagineux ont un moindre rendement. De plus il s’engage « à offrir la meilleure politique d’investissement, apportant des garanties par la création de loi ». Les spécialistes chinois envoyés pour étudier les formes d’investissements possibles seront entièrement pris en charge par la province argentine.
Devant la levée de bouclier, les critiques sont rejetées par le gouvernement provincial, estimant que tout investisseur jouit des mêmes facilités. Reste que cela ne fait que renforcer le modèle de la monoculture argentine déjà mis en question, aux mains de grands groupes multinationaux, dans une province qui jusque là y échappait en partie.
Seuls 2000 hectares de la province de Rio Negro cultivent actuellement du soja, alors que selon les sources officielles, l’agriculture représente 120 000 hectares dont la moitié vont aux arbres fruitiers (principalement poires et pommes). Ce qui veut dire que l’accord avec la Chine reviendrait à multiplier par sept la surface dédiée au soja.
Derrière le projet "soja patagon" se trouve de grandes entreprises d’agro-business qui poussent le développement du soja dans la zone sud du pays , et parmi elles, le groupe allemand BASF, fournisseur de semences et de produits chimiques.
Mais les autorités du pays refusent l’idée d’interdire de cultiver du soja en Patagonie puisque ce n’est pas une culture illégale. Or, la progression d’une monoculture à grande échelle sur des terres consacrées à d’autres cultures, tel ce Projet Soja, présente un réel risque pour le modèle agraire en place, au détriment des familles paysannes , des peuples indigènes, et des terres qui leurs sont dues de par la loi.
Mais du point de vue des grands de l’agro-business, l’Argentine passe pour un très bon élève. Avec aujourd’hui une récolte de 47 millions de tonnes de soja transgénique sur 16,6 millions d’hectares, soit 56 % de la surface cultivée du pays. N’est-ce pas déjà trop ? Apparemment certains sont insatiables.
El Correo, Paris, le 17 mars 2011.
© Estelle Leroy-Debiasi, 2011.
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