Louis Aragon : Les lilas et les roses

Publié le 16 Février 2011

 

 

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LOUIS ARAGON

 

 

 

 

 

 

Ecrit à Javerlhac, village proche de Nontron en Dordogne, au mois de juillet 1940, ce poème parut les 21 et 28 septembre suivants dans le figaro....

En 1968, dans ses entretiens avec Dominique Arban, Aragon a expliqué cette surprenante double parution . " Un premier poème, a- t'il dit, a alors été publié par le figaro auquel je ne l'avais pas donné. Jean Paulhan qui avait retenu approximativement" Les lilas et les roses" en porte la responsabilité.

On imagine ma stupéfaction de trouver des vers dans un journal acheté à Carcassonne. J'ai envoyé à tout hasard le texte véritable à la rédaction qui l'a publié la semaine suivante." Toujours est-il que cette publication eut un écho certain...

Exemple : ce qu'en a écrit dans ses mémoires Max Heilbronn, PDG des galeries lafayettes et monoprix, auteur du " plan vert" de sabotage des chemins de fer et rescapé de Buchenwald. Après avoir évoqué les discours de pétain, il ajoute : " Un autre déclic eut lieu quelques jours plus tard (..) à la lecture dans le figaro d'un poème d'Aragon. Les lilas et les roses me firent ressentir de manière encore plus intense la tragédie de la défaite, tout ce que la France avait perdu."

 

Alain Guérin ( 100 poèmes de la résistance)

 

 

 

 

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LES LILAS ET LES ROSES

 

 

 

 

O mois des floraisons mois des métamorphoses

mai qui fut sans nuage et juin poignardé

Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

Ni ceux que le printemps dans ses plis a gardés

 

Je n'oublierai jamais l'illusion tragique

Le cortège les cris la foule et le soleil

Les chars chargés d'amour les dons de la Belgique

L'air qui tremble et la route à ce bourdon d'abeilles

Le triomphe imprudent qui prime la querelle

Le sang que préfigure en carmin le baiser

Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles

Entourés de lilas par un peuple grisé

 

Je n'oublierai jamais les jardins de la France

Semblables aux missels des siècles disparus

Ni le trouble des soirs l'énigme du silence

Les roses tout le long du chemin parcouru

Le démenti des fleurs au vent de la panique

Aux soldats qui passaient sur l'aile de la peur                            dark-lady-et-crown-princess.JPG

Aux vélos délirants aux canons ironiques

Au pitoyable accoutrement des faux campeurs

 

Mais je sais pourquoi ce tourbillon d'images

Me ramène toujours au même point d'arrêt

A sainte Marthe Un général De noirs ramages

Une villa normande au bord de la forêt

Tout se tait L'ennemi dans l'ombre se repose

On nous a dit ce soir que Paris s'est rendu

Je n'oublierai jamais les lilas et les roses

Et ni les deux amours que nous avons perdus

 

Bouquets du premier jour lilas des Flandres

Douceur de l'ombre dont la mort farde les joues

Et vous bouquets de la retraite roses tendres

Couleur de l'incendie au loin roses d'Anjou.

 

 

 

 

 

 

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                                                                                        Source SHD
                                        Le 14 juin 1940, les troupes allemandes défilent sur les Champs Élysées à Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #La poésie que j'aime

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C
<br /> c'est vrai mais pour parler de roses, j'aime mieux les poèmes de Rainer maria rilke qui sont , disons, moins profonds !!<br /> <br /> <br />