La forte tempête Xynthia balaye la France et tue des dizaines de personnes

Publié le 1 Mars 2010


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Xynthia, une violente tempête a touché une grande partie du territoire français dans la nuit de samedi à dimanche 28 février. Il s'agit de la tempête la plus meurtrière depuis celles de 1999 : plus de 50 morts et des dégâts considérables notamment sur la façade atlantique.

Moins violente que la tempête Klaus de 2009 mais aussi étendue que Lothar et Martin qui ont balayé la France en 1999, la tempête Xynthia a traversé la France le 28 février entre 0h et 17h, selon un axe orienté sud-ouest / nord-est, après avoir frappé le Portugal et l'Espagne. Xynthia, qui vient de passer sur l'Allemagne avec des dégâts limités, s'évacue dans la mer Baltique.


Selon Météo-France, "les rafales de vent les plus fortes ont touché une large bande allant de la Charente-Maritime aux Ardennes. La Vendée (85), la Charente-Maritime (17), les Deux-Sèvres (79) et la Vienne (86) ont été placés en vigilance rouge vents violents. Plus de 60 départements ont été placés en vigilance orange."


Cette profonde dépression était d'une taille et d'une intensité peu communes en cette fin d'hiver. Sa formation s'explique par la présence beaucoup plus au sud que d'habitude du courant froid de haute altitude (courant-jet ou jet stream en anglais), avec des vents d'ouest rapides et très forts, et d'une masse d'air chaud en basse couche, dans les 1500 premiers mètres de l'atmosphère.


La tempête qui en résulte a produit des fortes vagues, mais également des élévations importantes du niveau de la mer, qui, se trouvant en phase avec la marée haute, a eu un impact important sur le littoral.


Météo-France a relevé des vents qui ont atteint 160 km/h sur le littoral et 120-130 km/h dans l'intérieur des terres avec des pointes à 237 km/h en altitude. C'est toutefois moins qu'en 1999 et 2009 où l'on relevait près de 200 km/h sur le littoral et 150 à 160 km/h dans l'intérieur des terres.


Des dizaines de morts, une grande partie de la France touchée


Le dernier bilan national fait état de 51 morts et plus de 30 blessés. Cependant, une trentaine de personnes sont toujours portées disparues. Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a estimé lundi 1er mars que le bilan, fourni par la sécurité civile, pouvait s'alourdir, les pompiers effectuant des visites maison par maison.

Une grande partie de la France a été touchée : Bretagne, Basse-Normandie, Sud-Ouest, Est. Ainsi, dans les Pyrénées, des rafales de vent à 200 km/h ont détruit les équipements de plusieurs stations de sport d'hiver qui risquent de rester partiellement voire totalement fermées jusqu'à la fin de la saison.


Le trafic aérien a été fortement perturbé à l'aéroport parisien Roissy-Charles de Gaule où des rafales de vent jusqu'à 109 km/h ont été mesurées. Au niveau de la circulation ferroviaire, de nombreux retards ont été enregistrés.


Au plus fort de la tempête, un million de foyers ont été privés d'électricité en France. Grâce à la forte mobilisation de ses moyens humains et techniques, ERDF a ré-alimenté 78 % du million de foyers privés d'alimentation électrique hier : 220 000 foyers sont encore dans l'attente d'un raccordement. Depuis lundi 1er mars, 5 000 hommes d'ERDF et des entreprises partenaires sont à pied d'œuvre sur le terrain. Par ailleurs, 7 hélicoptères survolent actuellement les zones les plus fragilisées du réseau afin d'évaluer au plus près les dégâts et 200 groupes électrogènes sont en cours de raccordement dans les lieux de vie.


La région Centre est la plus touchée avec 93 000 clients non raccordés selon un communiqué d'ERDF qui rappelle également qu'il ne faut en aucun cas toucher et déplacer les fils électriques tombés à terre.


La situation devrait être rétablie d'ici à mercredi 3 mars.


En ce qui concerne le téléphone, France Télécom a déclaré dans un communiqué qu'environ 170 000 clients n'ont plus de service notamment dans les régions Centre, Poitou-Charentes et Pays de la Loire. " Plus de 2 000 techniciens et spécialistes réseaux sont au travail depuis hier afin de rétablir les communications " a indiqué lundi 1er mars France Télécom qui signale également que le réseau de téléphonie mobile d'Orange est affecté en raison de la coupure de l'alimentation électrique de plus de 1 000 antennes relais. Enfin, environ 100 000 lignes terminales ont été coupées, notamment suite à des chutes d'arbres. La réparation de l'ensemble de ces lignes individuelles nécessitera entre 2 à 3 semaines.


Quelques valeurs de rafales de vent observées par Météo-France le 28 février 2010


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Charente Maritime


•159 km/h à St Clément Les Baleines,

•140 km/h à La Pointe de Chassiron et à St Agnan

•137 km/h à Royan


Vendée


•137 km/h à Ste Gemme

•122 km/h à Fontenay


Deux-Sèvres


•161 km/h à Scille

•128 km/h à Niort


Vienne


•124 km/h à Poitiers

•130 km/h à Thénezay


Pyrénées et Sud-Ouest


•237 km/h au Pic du Midi (2877 m d'altitude, Hautes-Pyrénées)

•146 km/h à Luchon (Haute-Garonne)

•130 km/h au Cap Ferret et 120 km/h à Bordeaux (Gironde)


Lyonnais, Val de Saône, Massif central


•105 km/h à Lyon (Rhône)

•137 km/h à Brindas (Rhône)

•138 à Chastreix (Puy-de-Dôme)


Centre et Ile-de-France


•133 km/h à Blois (record)

•132 km/h à Châteauroux (record)

•126 km/h à Bourges

•128 km/h à Nangis (Seine-et-Marne)

•122 km/h à Paris-Montsouris

•126 km/h à Roissy

•155 km/h au sommet de la Tour Eiffel


Quart nord-est en fin de matinée et début d'après-midi


•144 km/h à la Celles-sur-Ource dans l'Aube,

•148 km/h à Chouilly dans la Marne

•135 km/h à Metz

•172 km/h sur les crêtes vosgiennes à Markstein (1200 m d'altitude)


Vents et fortes marées ont brisé les digues


La conjonction de forts coefficients de marées (102 sur la côte atlantique), une marée haute et de vents violents a brisé de nombreuses digues laissant la mer en furie se déverser dans les zones habitées. Par exemple, aux Sables-d'Olonne le remblai, semble avoir été complètement " soufflé ". A Port-Olona, plusieurs bateaux de plaisance ont été endommagés, un ponton a même été soulevé par les eaux. À la Baule, des commerces ont été inondés à hauteur de 80 centimètres. Sur l'île de Ré l'île voisine d'Oléron, l'eau est montée très vite à plus de 1,10 m...


Le département de la Vendée est le plus durement touché par cette tempête : 29 personnes sont mortes noyées, surprises dans leur sommeil par la brusque montée des eaux suite à la rupture des digues. Ce fut le cas à La-Faute-sur-Mer et à l'Aiguillon-sur-Mer, deux des communes les plus touchées par le passage de la tempête. En quelques dizaines de minutes, l'eau est montée à plus de deux mètres dans des habitations basses où enfants et personnes âgées n'ont pu sortir.


Il s'agit de la même situation que celle vécue par les habitants de la Nouvelle-Orléans en 2005 suite au passage de l'ouragan Katrina : les digues ont cédé et l'eau s'est engouffrée brusquement dans les habitations en pleine nuit.


Afin de colmater les brèches, le génie civil s'affaire pour apporter des tonnes de remblai sur les digues endommagées. Il faut se hâter car des coefficients de marée encore plus importants sont attendus ce jour et demain à l'Aiguillon-sur-Mer : 113 et 116 respectivement contre 102 dimanche 28 février. Les autorités ont mobilisé 500 pompiers et 200 gendarmes, appuyés par des renforts de la sécurité civile.


Digues insuffisantes ou constructions anarchiques ?


Ces évènements ponctuels et dramatiques nous rappellent combien les constructions, même en France, ne sont pas adaptées aux catastrophes.

Pour certains sinistrés, les digues étaient insuffisamment entretenues : puisque aucune catastrophe n'était survenue, c'est qu'elles devaient finalement remplir leur ouvrage... A titre d'exemple, le Conseil général de Charente-Maritime consacre chaque année 1,8 million d'euros à la protection de ses 420 km de côtes, soit 4,28 euros par m. En décembre, il annonçait pour 2011 "un vaste programme de réhabilitation" des 11 kilomètres de digues maçonnées de l'île de Ré, doté de moyens accrus. Sans doute les événements l'obligeront-ils à anticiper le calendrier. Sur l'île, par endroits, entre Le Bois-Plage et La Couarde, la dune a reculé de plusieurs mètres. Les falaises de la côte nord, entre Saint-Martin et La Flotte, ont également souffert. C'est tout le trait de côte de l'île de Ré qui a bougé.


Selon le maire de La Faute-sur-Mer, la digue qui a rompu faisait l'objet d'une surveillance étroite et était en bon état mais elle n'a pas résisté à l'effet conjugué des vents déchaînés, d'une mer en furie et d'un fort coefficient de marée.


Il y a 7 000 à 10 000 km de digues en France, dont certaines ont été construites au XVIIe siècle, a dit la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno. Selon elle, environ 1 000 km de digues peuvent être considérés comme à risque.


Mais que faut-il penser des constructions récentes situées derrière les digues, sur des terres gagnées sur la mer et situées en-dessous du niveau de la mer ? Les promoteurs immobiliers et les collectivités sinistrées peuvent mesurer les conséquences de leurs choix trop souvent dictés par les intérêts financiers... Le président du conseil général de Vendée, Philippe de Villiers, a d'ailleurs estimé que le problème résidait plutôt dans des normes de construction pas assez sévères : " Partout où la terre est au niveau de la mer, il est prudent de construire plus loin ".


La solidarité nationale se met en place


Pas d'estimation financière encore, mais déjà le Premier ministre François Fillon évoque " une catastrophe nationale ". Les arrêtés de catastrophe naturelle, qui permettent le remboursement par les assurances des dommages liés au inondations (les dégâts dus aux vents étant pris en charge par la "garantie tempête" obligatoire des contrats d'assurance) seront publiés dans les 48 heures. Nicolas Sarkozy, qui s'est rendu ce lundi 1er mars matin à l'Aiguillon-sur-Mer a annoncé à cette occasion une aide de trois millions d'euros, une double inspection sur les causes de la catastrophe, un plan de renforcement des digues et des aides d'urgence pour l'agriculture.


La France compte enfin demander à l'Union européenne de lui accorder des fonds sur son budget de solidarité pour l'aider à faire face aux ravages de la tempête.

L'alerte a bien fonctionné... en vain


Contrairement aux tempêtes de 1999, Xynthia avait été annoncée par Météo-France. Ainsi, fait rarissime, un bulletin d'alerte rouge avait été lancé dès vendredi par Météo-France.

Cependant, si le système d'alerte a bien fonctionné, aucune mesure d'évacuation ou de consolidation des digues n'a été décidée dans les communes proches de la mer...

En ce sens, la France ne se distingue guère des autres pays confrontés aux catastrophes naturelles. Alors que le changement climatique en cours devrait se manifester par des tempêtes de plus en plus violentes, Xynthia nous montre combien notre capacité d'adaptation est médiocre.


Enfin, si le lien avec les changements climatiques en cours est encore difficile à établir, nous pouvons toutefois nous interroger sur la puissance des dernières tempêtes en France : 1999 était la " tempête du siècle ", moins de 10 ans après, une tempête comparable en intensité mais plus localisée dévaste le sud-ouest de la France, tuant une dizaine de personnes et causant des dégâts considérables. Et un an plus tard Xinthia devenait la tempête la plus meurtrière après Lothar et Martin... Variabilité naturelle ou pas, il faudra s'habituer à ce type d'évènement...


Référence

La tempête du 28 février 2010 - Météo-France

Auteur

Christophe Magdelaine - notre-planete.info (tous droits réservés)





Rédigé par caroleone

Publié dans #eu

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