Keny Arkana : Victoria

Publié le 10 Juillet 2010

 

Keny Arkana est une jeune rappeuse marseillaise dont le premier album, "entre ciment et belle étoile", a rencontré un beau succès. Après une enfance et adolescence difficiles (elle va de foyer en foyer, dont elle fugue fréquemment), elle intègre bientôt divers collectifs marseillais et commence à écrire des textes engagés.

 

 

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Emeutes urbaines à Buenos Aires pendant la crise économique en 2002

 

 

Dans ce titre, Keny Arkana revient sur la situation de son pays d'origine, l'Argentine. Elle évoque la difficulté à vivre dans un pays pourtant riche et où les inégalités sociales sont immenses ("j'vois bien tout ces petits faire la manche, devant le mépris de ceux qu'on appelle les gens biens"). Lourdement endettée, l'Argentine a subi le traitement de choc classique prôné par l'es institutions financières internationales: privatisations, politique de rigueur budgétaire...*

 

Keny arkana - Victoria

 

 

 
 

Une crise financière très grave touche le pays en 2001 et a plusieurs raisons: la surévaluation du peso, un taux d'endettement très élevé, la dénationalisation de l'économie argentine (les principales ressources du pays ont été confiées à des Firmes transnationales américaines et européennes comme le montre avec brio le documentaire "mémoire d'un saccage") , le manque de confiance des investisseurs dans l'économie du pays qui retirent leurs capitaux ce qui entraîne par ricochet un chaos bancaire inouïe ("la banque lui avait volé ses économies") et des dévaluations de la monnaie en cascade...

 

Les conséquences sociales furent désastreuses : au pire de la crise (au milieu de l'année 2002), le taux de pauvreté dépassa 57 %, et le taux de chômage atteignit 23% ("y a des orphelins qui vivent dans les décharges").

 

La crise accélère le mécontentement social et accroît l'audience du mouvement piquetero. Ils doivent leur nom aux barrages, les "piquetes", qu'ils dressent sur les routes pour protester. Initialement, il s'agissait d'une lutte sociale locale et spontanée, mais face à l'ampleur du marasme économique, les chômeurs multiplient les barrages routiers et se regroupent en association très actives dans tout le pays ("Ils bloquent les routes, pour bloquer l'économie du pays / c'est leur façon de se faire entendre").

 

 

 

 

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Piqueteros en action.

 

A plusieurs reprise, K.A. fait aussi référence à la dictature militaire qui sévi sur le pays de 1976 à 1983 ("je pense à mes aînées qui ont connu le chant des mitraillettes"). Les puschistes argentins Viola, Videla et Galtieri imposent un pouvoir d’une brutalité inouïe qui provoque la mort de 30 000 personnes. Les opposants politiques (syndicalistes, communistes...) et leurs enfants sont traqués, éliminés. Le régime a recours aux enlèvements. Les Mères de la place de Mai manifestent régulièrement pour exiger du pouvoir en place de rendre des comptes concernant les milliers de personnes disparues sous la dictature ("les mères des disparus chantent toujours contre l'oubli"; "jamais ils ne pourront détruire la lutte des peuples qui ne peuvent oublier leurs disparus").

 

 

Moi c'est Victoria, née il y a 14 printemps

Dans un village près de Salta dans lequel je vivais avant

Cela fait maintenant, plus de 10 ans,

Qu'avec papa et maman

Mes frères et mes soeurs

On a quitté nos champs.

On est venu s'entasser dans une de ces cabanes, à l'entrée de la ville

C'est papa qui l'a construite, mais elle n'est pas finie

Je n'ai que des vagues souvenirs du village

Maman pleure quand elle m'en parle car elle n'aime pas la vie ici

Des étrangers ont brûlé nos maisons pour nous voler nos terres

Papa s'énerve moi je comprends pas, il parle d'agro-alimentaire

Il dit que les politiques sont des prédateurs qui sèment la peur

Et qu'ils ont un estomac à la place du coeur

Ici pas de travail, aucune prière ne s'exhauce

Après les cours avec ma soeur on va vendre des bracelets deux pesos

Et malgré tous ces efforts, demeurent ces jours sans repas

La nuit maman pleure, la nuit maman ne dort pas

 

Refrain :

 

No llores hija mia (ne pleure pas, ma fille)

Yo, no perdì las esperansas (moi, je n'ai pas perdu l'espoir)

Des los bandidos dictadores (des bandits dictateurs)

Jamàs podràn destruir la lucha de los peublos (jamais ils ne pouront détruire la lutte des peuples)

que no pueden olvidar a sus desaparecidos.(qui ne peuvent pas oublier leurs disparus)

Mon voisin m'a dit pendant la dictature c'était plus dur

Alors j'vais pas me plaindre même si ici y a pas de futur

Moi j'aime bien les études, on m'a dit c'est bien mais inutile

Ici beaucoup ont arrêté avant même de savoir écrire

Dans mon jardin secret, j'cultive le rêve d'être médecin,

Soigner tous ces enfants malades, qui ne mangent pas à leur faim.

J'comprends pas dans la ville j'vois bien tous ces petits faire la manche,

Devant le mépris de ceux qu'on appelle les gens bien.

J'm'interroge, ne voient-ils pas la misère ?

Il nous écrasent pour bénir l'homme venu de l'autre hémisphère.

Papa dit qu'on est traités comme des chiens

Dieu merci j'ai ma famille, plus loin y a des orphelins qui vivent dans les décharges.

Des fois je pleure en cachette,

Mais pas longtemps car j'pense à mes aînées qui ont connu le chant des mitraillettes.

Et puis grand-mère disait toujours, la vie c'est l'espoir,

Si t'en as plus, t'es comme mort, et vivre relève de l'exploit

 

(Refrain)

 

Papa est à bout, il a frolé la folie,

Quand un matin il a appris

Que la banque lui avait volé ses économies

Impuissant, tout le monde était affolé

Il était pas le seul, c'est la nation entière qui s'était fait voler.

Depuis ce jour, avec beaucoup de gens de la ville

Ils bloquent les routes, pour bloquer l'économie du pays

C'est leur façon de se faire entendre

Mais moi j'ai peur quand il s'en va, y'en a qui revienne pas, la police est violente,

Ils les appellent Piqueteros

Et les journaux sont des menteurs

Ils disent que c'est des bandits après il y a des gens qui ont peur

Papa dit, ils peuvent tuer des hommes, mais ils ne tueront pas la mémoire

Les mères des disparus chantent toujours contre l'oubli

On vit le fruit d'une démocratie ratée,

Dans un pays si riche tant d'enfants ont dans le ventre qu'une tasse de Mate.

Parce qu'on est dirigés par la mafia du crime,

Moi j'comprends pas et quand j'demande pourquoi

on m'répond toujours « parce qu'on est en Argentine »

 

liens:

- un dossier de la Documentation française sur la crise argentine.

- Critique du documentaire de Solanas "Mémoire d'un saccage".

- Beaucoup d'autres articles dans notre dossier sur l'histoire et la géographie du Rap

Chapitre de géo: unité et diversité des sud.

 

Publié par J. Blottiere à l'adresse 11:59

 

 

 

 

 

http://lhistgeobox.blogspot.com/2008/04/emeutes-urbaines-buenos-aires-pendant.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #Chanson du monde

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C
<br /> en effet, c'est une bonne idée car toutes les cartes doivent être jouées pour arriver à un combat exemplaire qui arrive à débouter enfin ce gouvernement de racailles capitalistes !!<br /> <br /> <br />