Guyane /Brésil : Le peuple Wayãpi
Publié le 6 Juillet 2012
Les wayãpi
Les wayãpi sont l’une des 6 communautés amérindiennes de Guyane française.
Population : Guyane : 950 personnes (2009)
Brésil : 1221 personnes (2014)
Langue : tupi-guarani
Autres noms : wayampi, oyampi
Ancien peuple chasseur, pêcheur, cueilleur, agriculteur
Localisation : Dans les villages de Camopi et de Trois-sauts sur le haut et le moyen Oyapok et sur la rive brésilienne de l’Oyapok.
Terre indigène au Brésil
- T.I Waiãpi - 607.017 hectares, 1200 personnes, réserve homologuée dans l'état d'Amapá. Villes : Laranjal do Jari, Mazagão, Pedra Branca do Amapari.
Les expressions orales et graphiques des wayãpi sont inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2008.
Histoire
- Vers le VIe millénaire av.JC : premières traces de peuplades amérindiennes : poterie, gravures rupestres réalisés par des peuples qui ont certainement comme descendants les wayampi et les émerillons (teko) parlant le tupi-guarani. Ces premières peuplades commencent le processus de création de terres fertiles, les terra preta *
- XVIIe siècle : les wayãpi sont cités par les portugais comme occupants les rives du rio Xingu au sud de l’Amazone.
- 1690 : Les ethnies tupi-guarani établies en grosses communautés agricoles perpétuent la tradition orale au travers des danses propitiatoires * dominées par d’énormes poissons (les piraroucou) et le piraiba. Ils découvrent les outils métalliques et deviennent très défiants à l’égard des missionnaires.
- 1736 : Ils franchissent l’Amazone et s’installent rive gauche dans le bas Jari et le bassin de Maraca (état d’Amapa actuel)
- 1770 : Ils sont environ 6000 personnes et continuent de migrer vers le nord, guerroyant avec les karib, les wayana et les apalaï, absorbant des petites ethnies désemparées. Les villages se trouvent au bord des cours d’eau forestier avec des maisons su pilotis. Ils adoptent l’archerie et découvrent le curare. La vannerie subit l’influence karib alors que les poteries, le tissage et l’agriculture restent tupi-guarani. Ils ont échappé définitivement à l’influence missionnaire et l’autonomie politique est reconquise
- 1815/1830 : Ils se libèrent du joug colonial des portugais pendant les guerres napoléoniennes et ne se soumettent pas aux brésiliens. Par contre, ils perdent l’apport des armes à feu et des outils métalliques et avec l’arrivée des français qui sont pacifiques, ils développeront des maladies importées. En 15 ans, le peuple perd les ¾ de sa population.
- Vers 1840 : Les wayãpi ne sont plus que 1500 personnes, la chasse devient plus importante que la pêche. Grâce à l’utilisation des haches et des sabres métalliques, on choisit les abattis pour la qualité des sols.
- 1880 : Il ne reste plus que 700/800 personnes. L’habitat est constitué de poches séparées par de vastes zones inhabitées.
Carbets à Camopi image
- 1895 : La coupure entre les communautés du Brésil et de Guyane est consommée. Les épidémies apportées par les hommes blancs déciment la population et par contre l’isolement qui coupe la route aux épidémies apporte la famine !! Les wayãna prennent alors un ascendant politique sur les wayãpi.
- 1940 : Il ne reste que deux villages sur l’Oyapock et 230 personnes lorsque les contacts se renouent avec les français, surtout parce que les wayampi veulent se défaire de la tutelle des wayana. Réapparition du fusil et découverte des soins médicaux apportés par les médecins français qui désintéresseront rapidement les wayãpi de leurs médecines traditionnelles.
- 1973 : Après les épidémies liées à 5 ans de contact, les communautés du sud sont réduites à 200 personnes, mise sous tutelle de la FUNAI. pénétrations sporadiques des orpailleurs, chasseurs de peaux, collecteurs de gomme de Balata. Contacts violents, enlèvements, viols des femmes que combattent bravement les wayãpi.
- 1986 : Le retour des orpailleurs illégaux transforment leur vie en cauchemar.
- Aujourd’hui : Les wayãpi ont un terrain de 9000 km2, 7400 km2 sont garantis sous forme d’aire indigènes (Brésil) et zone de droit d’usage (Guyane). Les communautés septentrionales partagent leur vie avec les teko.
Mode de vie
Agriculture sur brûlis dans les abattis : culture du manioc qui couvre les besoins alimentaires essentiels et comble les fêtes arrosées avec la bière de manioc.
La calebasse contient le traditionnel cachiri, bière de manioc à 2/3° d'alcoll, aux effets psychiques euphorisants faibles et identiques à ceux de la bière occidentale
Un exemple type pour une famille
L’abattis est annuel, les wayãpi coupent chaque année une nouvelle portion de forêt et ne replantent rien dans l’abattis en production sur lequel ils se contentent de suivre les récoltes ( 3 à 4 ans pour les bananiers).
L’abattis sert à faire vivre une famille nucléaire composée de l’homme et deux épouses, un ou une aïeul(e) et les enfants, mais il sert également aux dons communs pour participer par exemple à la fête de la bière de manioc.
L’abattis est dit de subsistance car les produits ne sont pas vendus et permettent aux familles de n’acheter aucune nourriture à l’extérieur.
Le sol de l’abattis est de préférence un sol blanc, un sol argilo-sableux qui est le meilleur pour travailler le manioc et le maïs.
Les travaux sur l’abattis se déclinent en trois volets :
- L’abattage : il est fait par les hommes, il faut sabrer le sous-bois à la machette ce qui prend environ 10 jours en comptant 6 heures de travail par jour à deux. L’abattage se termine en collectivité et il est ponctué par une fête de bière de manioc ( kasili). La surface défrichée en fin d’abattage est d’environ 9000 m2.
- Le brûlage : le bois abattu est mis à écher pendant 3 semaines. Ensuite, toute la famille participe pour l’incendier si possible un jour de grande chaleur et de vent.
- La plantation : elle se fait alors que les cendres sont à peine refroidies. Ce sont les femmes qui commencent les travaux de plantation et la fin de la séance est aussi collective. C’est un travail essentiellement féminin en dehors de la plantation du maïs et du tabac.
Le ramassage du bois est le travail des femmes comme la corvée d'eau
Plants de tabac image
Les plantes cultivées
Elles sont obtenues par bouturage, œilletonnage ou tronçonnage de rhizomes ou tubercules. Sur les 38 plantes cultivées par les wayãpi, 26 d’entre elles le sont sur l’abattis et elles représentent l’essentiel de leur agriculture en plantes alimentaires.
La base de l’alimentation est le manioc amer qui occupe 99 % de la couverture végétale de l’abattis, il protège la croissance des autres plantes à l’exception du tabac qui est planté à part dans une poche de cendres et des bananiers bien sûr.
Retrouvez le manioc sur cocomagnanville
La récolte se fait 4 mois après la plantation avec le maïs, puis deux mois plus tard c’est la récolte de tabac. Le manioc se récolte 9 à 10 mois après la plantation du nouveau manioc et la récolte se poursuite l’année durant.
Le stockage des légumes ne s’effectue que pour trois plantes (le coton, le tabac et le maïs), les autres étant consommées aussitôt.
Quelques exemples des plantes cultivées :
Anacardier (pomme cajou), ananas, arachide, roucou, piment, papaye, citron, orange, calebasse, citrouille, citronnelle, igname blanc, violet et à bulbe, coton, palmier, patate douce, gourde, manioc amer, banane ; tabac, haricot de lima, canne à sucre, haricot, tayove, maïs.
Tayove ou chou caraïbe image
Pomme cajou (anacardier) image
Préparation du manioc image
Rites
Le chamanisme wayãpi
Le chamanisme wayãpi revêt deux clivages dans les populations entre ceux qui utilisent le hochet (malaka) comme instrument médiateur et le tabac (ils sont majoritaires) et les autres, minoritaires qui n’utilisent que le tabac.
Le chamane est bien souvent un être marginal qui trouve son efficacité dans l’isolement. Il est l’intermédiaire entre les hommes et les esprits, il tient le pouvoir d’eux et lors des séances, ils s’expriment par sa bouche.
Ses interventions diverses : modification des phénomènes naturels que les esprits se sont amusée de dérégler, guérison des hommes sui font appel à lui, mais il peut aussi avec ses propres esprits dérégler la nature et tuer des hommes pour assouvir ses propres désirs. Il est plus magicien que médecin. Sa technique repose sur le souffle, en soufflant il chasse les esprits et il n’utilise pas de plantes en dehors du tabac qui lui n’est pas considéré comme faisant partie du milieu végétal par les wayãpi.
La phytothérapie
Elle se distingue du chamanisme car elle fait partie des savoirs collectifs. Ce n’est pas le savoir du curandero (guérisseur) comme on peut le voir au Mexique ou dans les Andes, mais d’une connaissance pratique que tout wayãpi maîtrise et possède à des niveaux différents. Les femmes connaissent souvent mieux les plantes que leurs maris et ce sont elles qui les administrent.
Les wayãpi sont confrontés à deux sortes d’attaques des esprits lors des maladies et ils distinguent les plantes et leurs utilisations en s’en référant :
- Il y a les plantes qui servent à soigner les symptômes dus aux attaques malveillantes des esprits (128 plantes servent à préparer 133 remèdes)
- Et les plantes qui servent à annuler les effets d’une transgression d’interdit (22 plantes)
La petite fille apprend comment reconnaître et utiliser les plantes et comment réparer un instrument de pêche
Rites et croyances
Chez les Wayãpi, l'esprit de l'eau qui veille sur les poissons et les pêcheurs, est la mère des poissons, Pilawi. Le pêcheur doit respecter certaines règles pour éviter les représailles des forces naturelles. Notamment il ne doit pas puiser démesurément dans les réserves de poissons, et si sa pêche est trop importante, il devra savoir partager et faire profiter le plus grand nombre. Dans le cas contraire Pilawi peut se venger sur ses enfants et les rendre malades. Pour protéger ses enfants, le père peut utiliser des charmes de pêche. Ainsi les Wayãpi utilisent la feuille volée ou pitau (en wayãpi) pour protéger l'enfant dont le père a violé un interdit de pêche sur le poisson aïmara.
La danse
Chez les wayãpi, les différentes musiques se répartissent en deux selon leur distinction fondamentale : les premières sont collectives, c'est-à-dire jouées par plusieurs personnes et devant une assemblée, les secondes sont individuelles, c'est-à-dire jouées par un seul musicien et sans public caractérisé. Les premières ne sont mises en œuvre qu’accompagnées de bière de manioc, les secondes ne nécessitent pas de boisson.
La danse est toujours associée au premier ensemble de musiques : elle se déroule au sein d’une assemblée publique et demande une abondante consommation de boisson alcoolisée.
Les danses se déroulent en extérieur sur la place publique du village ou sur des placettes secondaire auparavant nettoyées et balayées pour l’occasion.
Le nombre de danseurs de 10 à 30 dépend du répertoire choisi et il est en proportion de l’ampleur politique accordée à la danse.
Le dispositif est commun aux autres peuples amazoniens, c’est une danse en chaîne « molaytããkupa- oymoikupa » (littéralement « les danseurs se font collier de perles ») et les mouvements des danseurs sont symétriques. Les danses sont répétitives, les mouvements se répétant pendant toute la danse.
Lorsque les femmes participent à la danse, elles tiennent le bras gauche de leur cavalier respectif et ne marquet pas le pas se contentant de le suivre en marchant. Cette « passivité » systématique des danseuses est fréquente également en Amazonie mais elle n’est pas générale.
De nombreuses danses wayãpi créent par des paroles et des chants une nostalgie très profonde, nostalgie d’une région que les wayãpi ont du quitter ou d’une séparation mythique d’avec les animaux célébrés.
Instruments de musique
Chez les wayãpi de l’Oyapok les suites orchestrales « tule » occupent une position intermédiaire entre la musique individuelle par exemple, chants et solos de flûte et la musique villageoise des grands cycles de danses et chants de guerre.
Des 25 instruments recensés chez les wayãpi, 21 sont des aérophones, principalement des flûtes et des clarinettes, chacun correspondant à un seul type de musique et à un seul niveau d’intégration sociale : la famille, le groupe de parenté, le village ou l’ethnie.
Les « tule » sont de grandes clarinettes amazoniennes à une seule anche et sans trou de jeu.
Le « kõõkõõ » est un instrument de musique unique au monde, composé de 6 anches posées sur un seul tuyau qui sert d’expression rythmique à l’ensemble des participants. Le résultat est un ode au multi centrisme, chaque son suit sa voie, s’oppose et se répond.
Le tule
La céramique
Parmi les différentes productions matérielles humaines, la communauté scientifique s’accorde à dire que la céramique constitue un indicateur culturel privilégié. Il est avéré qu’un changement radical dans la production de la céramique d’une population donnée, comme sa disparition par exemple correspond à un changement culturel et définitif dont l’origine est souvent étroitement liée aux contacts établis entre populations.
En Guyane, le constat a été dressé que les potiers amérindiens connaissent désormais peu ou prou l’usage de certaines pièces anciennes mais conservent celui des pièces liées aux pratiques culinaires telles les platines à manioc ou les grandes jarres à cachiri.
Le pot en céramique se dit « tuluwa », ce sont toujours les femmes qui produisent la poterie.
Quelques coutumes en images
L'eau de pluie est potable tant qu'elle n' a pas été souillée par les mains
Les wayãpi dorment dans des hamacs sous une moustiquaire, ce qui les protège du paludisme contrairement aux garimpeiros
Les mots savants :
Terra preta : La terre noire (terra preta en portugais) est un type de sol sombre d’origine humaine et d'une fertilité exceptionnelle due à des concentrations particulièrement élevées en charbon de bois, matière organique et nutriments tels que l’ azote, le phosphore, le potassium, et le calcium. Il contient aussi une quantité remarquable de tessons de poterie, et l'activité micro-organique y est des plus développées.
Ces sols ont été créés par l’homme entre -800 et 500 et sont d'origine précolombienne. Des milliers d'années après sa création il est si réputé au Brésil qu'il est récolté et vendu comme terreau à poter .Sa profondeur peut aller jusqu'à 2 mètres.
Propitiatoire : Qui a la vertu de rendre propice (favorable), c‘est-à-dire d’attirer les faveurs ou la clémence de la divinité, de la puissance ou de l’autorité morale qu’on veut honorer ou dont on veut commémorer le souvenir, la force ou l’importance. Il n’est guère usité que dans les expressions :
- Sacrifice, offrande, cérémonie, rite, temple, monument, mausolée, victime propitiatoire.
Caroleone
Sources : P et F. Grenand, JM Beaudet, EMC2Guyane, wikipédia, les annotations précises sous certaine images : observations de terrain de Pierre Bau
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Brésil - Peuple Wayapi - Historique du contact - coco Magnanville
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