FREJUS 1959 : La tragédie Malpasset ou le barrage Malplacé
Publié le 1 Septembre 2011
Cela fait un petit bout de temps que je n’ai pas fait mon devoir de mémoire, l’occasion était toute trouvée suite à mon passage à Fréjus pour rendre hommage aux victimes de la catastrophe ainsi qu’à leurs familles toujours sous le choc, 52 ans après.
Imaginez le bruit que peuvent faire une dizaine de locomotives lancées à pleine vitesse…..
Imaginez, le bruit provoqué par plusieurs BANG supersoniques…..
Imaginez le fracas d’une escadrille de bombardiers……
Et ensuite……
L’apparition d’une vague de 40 mètres de haut ( 50 millions de mètres cubes d’eau) qui s’abat sur la ville à la vitesse de 70 km/h, ravageant tout en 20 minutes sur son passage……13 minutes plus tard, elle atteint la mer !!!
NON, ce n'est pas Fukushima
NON, ce n'est pas en 2011
Cela se passe en France......à Fréjus
LE :
2 DECEMBRE 1959 à 21H13
A ce moment, tout se fige dans la ville qui devient le centre d’intérêt du monde entier.
Le barrage de malplacé…OUPS de Malpasset à cédé sous le poids de l’eau !!
Loin de moi l’idée de refaire toute la chronologie et l’enquête de cette catastrophe, tout ceci a déjà été fait et vous trouverez sur cet article quelques liens intéressants pour avoir plus d’approfondissements, ce devoir de mémoire en hommage aux victimes, pour dire:
PLUS JAMAIS CA !!
Avant la catastrophe
SUR LE PROJET DE BARRAGE
AVANT /APRES
Un barrage sur le Reyran, affluent de l’Argens, sec l’été et en crue l’hiver, torrent au débit capricieux est envisagé au lieu dit Malpassé. Ce nom lui vient de l’époque du bandit Gaspard de Besse qui détroussait les passants.
Le reyran à Malpasset
Une subvention du ministère de l’agriculture de 60 % est prévue.
Les objectifs après la guerre consistent en la reconstruction afin de recréer l’équilibre d’autrefois ainsi que l’équipement nécessaire pour satisfaire les besoins en eau d’une population grandissante ainsi que l’arrivée des touristes.
La construction est confiée à l’ingénieur spécialisé dans les barrages voûtes, André Coyne.
André Coyne
LE BARRAGE VOUTE
Il oppose la forme et la dynamique d’un arc de béton dont la concavité tournée transmet la pression reçue à chacune de ses rives. Plus l’eau pousse et plus l’arc se tend.
Le barrage est construit pour supporter une poussée 5 fois supérieure à celle qu’il avait.
Ce type de barrage voûte mince est choisi en raison de la modicité relative au coût de sa construction comparée aux autres types d’ouvrages.
La poussée de l’eau doit être ressentie sur les rives de l’ouvrage. D’où la nécessité que la roche soit solide et que l’ancrage soit conçu en conséquence
Quelques chiffres
Hauteur maxima du mur : 59 m
Capacité totale en retenue d’eau : 49 300 000 m3 dont 24 560 000 m3 utilisables
Largeur à la base : 6.78 m
Largeur à la crête : 1.50 m
Les travaux débutent le 1er avril 1952
La mise en eau prévue en automne 1954
Le côut de l’ouvrage : 4 871 000 anciens francs
DEBUTS DIFFICILES
Le barrage ne peut être mis en eau pendant 5 ans après sa construction, en 1959, en raison du manque de pluie sur la région ainsi qu’un différent administratif avec une entreprise riveraine. Des pluies diluviennes s'abattent sur la côte d'azur depuis un mois, le barrage se remplit trèsrapidement.
Lorsque les autorités décident d’ouvrir les vannes du barrage, il est trop tard, ce dernier à bougé.
LES CAUSES MAJEURES
Construction de l’autoroute Estérel-Côte d’azur
L’idée d’un séisme et des vibrations provoquées par les tirs de mine de la construction de l’autoroute Estérel-Côte d’azur qui passe à moins de 200 mètres de l’ouvrage ont été éliminées.
Pourtant les secousses sont ressenties jusqu’au pied du barrage.
Mauvaise qualité du rocher
C’est certainement la cause première de la catastrophe, les travaux de recherches sur la solidité des assises par sondages et galeries ne furent jamais exécutés.
Sous-pressions
Il existait des sous-pressions incompatibles avec la mise en place d’un barrage voûte mince qui exige un rocher d’une qualité exceptionnelle ce qui n’était pas le cas à Malpasset.
LES CAUSES ADDITIONNELLES
En juillet 1959, le géomètre M. Gazeau relève une déformation de 17 mm alors que le barrage n’était qu’à moitié plein. Il ne trouve pas cela anormal alors que la limite était de 8 à 10 mm à ce moment là. Le directeur M. Kaufman pense la même chose et André Coyne ne sera prévenu que le 19 décembre 1959 de ces anomalies !
CAUSES PREMIERES
Le barrage est construit sur fonds d’économie : quand il n’existe pas les fonds financiers suffisants, on ne réalise pas ce genre de barrage.
Un ouvrage, grand ou petit doit se faire bien ou pas du tout !
L’édification du barrage aurait dû se trouver plus en amont où l’épaulement des deux rives était correctement assuré.
Cela n’a pas été le cas, ceci pour en diminuer le prix et le volume. Une économie est réalisée de 30 à 40 millions de francs mais elle coûtera en contrepartie plusieurs milliards et 423 morts.
Pouvait-on éviter la catastrophe de Malpasset ?
BILAN HUMAIN
Un calcul difficile en raison du nombre de travailleurs clandestins.
Le chiffre officiel est de 423 mais ce sont certainement 500 personnes qui ont péri !
Voici le macabre détail :
- 27 non identifiés
- 135 enfants de moins de 15 ans
- 15 enfants de 15 à 21 ans
- 134 hommes
- 112 femmes
- 79 orphelins
BILAN MATERIEL
- 951 immeubles touchés dont 155 entièrement détruits
- 1350 hectares de terres agricoles dont 1030 entièrement détruits
- 1881 familles sinistrées
- 2.5 km de voie ferrée arrachés
Témoignage : Dans l’autorail Marseille Nice le 2 décembre 1959
- 1.2 km de route volatilisé
- La vallée du Reyran a été décapée jusqu’au roc sur 5 km
- 50 fermes soufflées
- 471 véhicules détruits
- 1000 moutons massacrés
- 80.000 hectolitres de vins perdus
Sans compter les récoltes perdues, la terre volatilisée et le préjudice causé à celle-ci à long terme.
voie ferrée arrachée
IMMENSE SOLIDARITE MONDIALE
TOUS POUR FREJUS
- Grande souscription de Nice matin : 102 200 350 anciens francs récoltés
- Match de foot France/Espagne dont les recettes iront au profit des sinistrés
Tous les pays participent à un grand élan de générosité et de soutien, certaines familles se privant de vacances pour aider les sinistrés.
RENFORCEMENT DE LA LEGISLATION CONCERNANT LE SUIVI DES BARRAGES
Suite à cette catastrophe, la législation se renforce et des études géologiques ainsi que des suivis rigoureux seront mis en place .
Il aura fallu ces centaines de victimes encore une fois avant cette prise de conscience, l’être humain fait toujours les choses à l’envers !!
Extraits de la circulaire du 14 août 1970 concernant l'inspection et la surveillance des barrages
le barrage vu de l'aval
Témoignage de Monsieur Jean-Paul Vieu
Sources : La tragédie Malpasset d’Olivier Donat, fréjus59
Livre d'Olivier Donat d'occasion
Dans l’ouvrage d’Olivier Donat figurent les noms des victimes, j’ai lu sur des commentaires que des personnes étaient toujours à la recherche de ces derniers, si vous êtes intéressés, j’espère que vous trouverez cette édition qui se fait rare.
Avec toutes mes pensées aux familles et amis des victimes, cet article leur est dédié et je pense très fort à eux.
Caroleone