Ernest Pignon-Ernest se parcourt

Publié le 5 Août 2010

Exposition

 

jeudi 29 juillet 2010 / "le Patriote"

 

C’est rare. C’est même la première fois. Ernest Pignon-Ernest, l’artiste niçois pionnier des arts de la rue, expose plus de 450 œuvres à la Rochelle durant tout l’été. Pour ceux qui n’ont pas la chance d’y aller, Traces, un film admirable, retrace son parcours artistique.

 

L’exposition s’intitule « Parcours éphémères ». Ernest Pignon-Ernest (EPE) investit donc la Rochelle pendant tout l’été. Exposition de son travail, exposition de son engagement artistique, ce sont plus de 450 de ses œuvres qui sont ainsi présentées à l’espace Encan. De ses premiers travaux sur l’ombre de Hiroshima jusqu’à ses récentes Extases mystiques. Mais avant tout chose, une interrogation surgit à l’évocation d’une exposition des œuvres d’EPE : comment exposer un artiste qui a depuis ses débuts utilisés l’environnement extérieur comme sa toile, son terrain de jeu, comme partie prenante de ses œuvres ? Il a d’ailleurs longtemps refusée d’être exposé ainsi ne voulant pas voir ses dessins sur des cimaises. Ces œuvres ne sont pas simplement ce qu’elles représentent, elles forment un tout avec le lieu. Mais à la Rochelle, « ce n’est pas l’œuvre que j’expose, ce sont les tâtonnements, les hésitations, c’est la démarche. » Esquisses, croquis, travaux préparatoires, repérages des lieux, carnets de notes… Toute la démarche artistique d’Ernest Pignon-Ernest est mise à nue.

 

Comme l’explique très bien le journaliste Henri-François Debailleux dans un article paru dans Libération, « l’ensemble montre de façon très didactique comment la pratique d’Ernest Pignon-Ernest ne peut se réduire à telle ou telle discipline, que ce sont toutes les étapes de sa démarche artistique qui font œuvre, et que l’œuvre est un processus incluant aussi bien l’avant, le pendant et l’après. » La démarche fait œuvre. Ces différentes étapes apparaissent ici très clairement. L’avant correspondant au choix du lieu par rapport au sujet et son imprégnation ; le pendant, moment où l’artiste colle son dessin sur le mur, dans une cabine téléphonique, sur un rocher… ; l’après est à la fois les photos prises de ces images en situation, témoignages de l’acte artistique éphémère, et le temps qui passe sur elles au gré des passants ou des éléments extérieurs. Certaines images persistent, d’autres sont arrachées ou bien vénérées !

 

L’ombre d’Hiroshima. Ernest Pignon-Ernest raconte qu’il est arrivé à la peinture avec Picasso. Vers les 13 ou 14 ans, il a vu Guernica. « Je voulais faire de la peinture pour parler des hommes, mais j’ai découvert que je n’étais pas Picasso » Il peindra alors sans tableau.

Dans les années 66, l’artiste vit alors sur le plateau d’Albion dans le Vaucluse et l’arme atomique allait y être installée. Choqué et révolté, il choisit de travailler sur la trace laissée par la bombe d’Hiroshima d’un homme sur un mur. Il lui est impossible de faire un tableau face à l’horreur d’Hiroshima. C’est alors qu’il prend conscience de l’importance du lieu dans sa démarche artistique. Au pochoir, il inscrira cette silhouette dans l’espace réel, collant in situ, investissant les rochers, les portes… Sans le savoir, il devient un des pionniers du street art, l’art de la rue. Cette interaction entre le lieu et le dessin – par la suite il utilisera des sérigraphies – mènera son travail. C’est aussi un moyen, et au même titre qu’il voulait faire de la peinture pour parler des hommes, de mettre l’art à la portée de tous et au contact direct des Hommes, avec toujours cette modestie de ne rien sacraliser. L’œuvre vit longtemps ou meurt vite. En tout cas, elle a été là et elle nous a dit ça. Elle a fait ressentir des émotions, cherchant à exprimer la force symbolique, mystique, poétique, d’hommes, d’évènements ou encore de faits sociaux.

 

Les différents travaux d’Ernest Pignon-Ernest débordent ainsi de passions et d’humanisme et sont dans cette exposition regroupés par thèmes. Autour des écrivains poètes (Rimbaud, Artaud…), d’une ville Naples où il travailla sept ans (1988-1995), sur l’avortement, les morts au travail, la commune de Paris. Il est aussi allé à Soweto et Durban en Afrique du Sud en 2002 pour travailler sur le Sida. Plus récemment, il présenta des mystiques extatiques dans une église…

 

Un film. Evidemment la Rochelle est très éloigné de Nice. Heureux ceux qui pourront s’y rendre. Très heureux même ! Pour les autres, je ne saurais que vous conseiller le dvd Parcours sorti récemment et plongeant dans le travail d’Ernest Pignon-Ernest de ses débuts jusqu’à maintenant. A travers un entretien passionnant, l’artiste raconte sa trajectoire artistique. Quelle est cette recherche qui le guide et le pousse à se remettre toujours en question. Homme de cœur et de conviction, EPE se livre très modestement avec beaucoup de douceur dans ce documentaire très intelligemment fait laissant la parole libre et présentant aussi de rares et très intéressantes images d’archives de l’artiste collant dans la rue à Naples en pleine de nuit ou encore rencontrant Nelson Mandela. C’est fait avec beaucoup de sensibilité et d’humilité. A l’image de l’artiste. Admirable.

 

Julien Camy

 

« Parcours éphémères » Jusqu’au 22 août à l’espace Encan de La Rochelle. Ouvert tous les jours de 10 heures à 20 heures.

 

Renseignements au 05 46 45 90 90

 

Parcours (51mn) Réalisé en 2009 par Laurence Drummond et Patrick Chaput, 30 euros / Edition Plaisirs d’image : 01 43 27 32 09, www.plaisirdimages.fr

 

 

 

 

 

 

 


Rédigé par caroleone

Publié dans #Arts et culture

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