Discours de Natalia Baleato lors de la remise du prix de la laïcité
Publié le 1 Octobre 2011
Hier vendredi 30 septembre 2011, Natalia Baleato, la directrice de la crèche Baby loup de Chanteloup les vignes s'est vu remettre le prix de la laïcité à la mairie de Paris.
Voici son discours emprunt d'humanisme et de sincérité :
Réfugiée en France, je n’aurais jamais imaginé recevoir le prix de la Laïcité parce que la France est un modèle et un espoir pour tous ceux qui se battent pour que
dans leurs pays, l'Etat soit séparé d'une quelconque religion. Ici, la laïcité est un principe inscrit dans la
Constitution et, en ce sens, il ne devrait plus y avoir besoin de la défendre.
Moi, je n’ai fait qu’appliquer ce principe politique, l’équipe que je dirige et moi-même l’incarnons au quotidien, dans nos
locaux, ouverts à tous les enfants et à leurs familles sans discrimination. Pour nous, la laïcité n’est ni une incantation, ni une référence lointaine, mais une exigence quotidienne qui
concerne toutes les personnes résidant sur le territoire français.
En ce qui me concerne, j’ai simplement voulu créer une crèche, et l’inscrire dans cet idéal laïque était une évidence.
Je n’aurais jamais imaginé être confrontée à un tel débat, suscité par une salariée qui, pour obtenir des indemnités de licenciement disproportionnées,
a choisi de s’attaquer à la réussite d’un projet social tel que Baby-Loup.
En effet, depuis plus de 20 ans, l’association œuvre pour améliorer la vie des enfants du quartier de la Noé, à Chanteloup-les-Vignes, une des villes les plus
pauvres de France. Pour y parvenir, nous avons créé un mode d’accueil pour la petite enfance, adapté aux besoins des parents, et qui offre aux femmes
du même quartier une insertion professionnelle pérenne à travers la formation diplômante. Si c’est vrai qu’il rencontre de grandes difficultés socioéconomiques, le quartier de la Noé, dans lequel
nous nous sommes implantés, s’avère aussi être extrêmement riche de la mixité de ses habitants, qui vivent ensemble et non pas séparés par «
communautés » d’origine, contrairement à ce que souhaiteraient ceux qui veulent diviser les quartiers populaires et en chasser la République.
Pour créer un espace de vie commun à toutes et tous, l’association s’est appliquée à mener cette action dans la plus stricte neutralité confessionnelle et au-delà des clivages politiques. Baby-Loup, c’est le bien commun du quartier. Cette crèche est confrontée aujourd’hui à un prosélytisme religieux qui nie ce principe simple de laïcité : vivre ensemble par-delà les différences. Pour nous et pour les femmes à l’origine de ce projet, la laïcité est un principe, une philosophie, qui signifie en premier lieu que nous respectons réciproquement la diversité culturelle des familles accueillies.
Parce que tous les enfants, quelles que soient leurs origines socioculturelles, méritent d’évoluer dans un esprit d’ouverture aux autres. Les enfants ont le
droit de grandir sans qu’on ne leur impose une vision partiale et sectaire de la société. La laïcité considère les enfants comme des citoyens en devenir, aptes à juger et capables de
comprendre le monde qui les entoure. Dans une collectivité comme la nôtre, la rencontre avec les autres permet de forger des esprits critiques, préalable à l’apprentissage de la
citoyenneté et à la liberté de conscience.
Lors de l’audience de la Cour d’Appel de Versailles, la référence de l’avocat de la partie adverse au droit anglo-saxon,
nous a tous stupéfiés, de même que sa mauvaise foi évidente de vouloir faire croire que l’Europe interdirait à la France d’appliquer ses principes constitutionnels, de laïcité et d’égalité
femmes/hommes. C’est un mensonge
insolent : la Cour Européenne des droits de l’Homme a toujours donné raison aux États laïques (la France, la Suisse et la Turquie), lorsqu’ils étaient
attaqués par des individus qui prétendaient à des droits particuliers.
La « République indivisible », rappelée par l’Avocat général ce même jour, signifie tout simplement que la loi sur le territoire français est la même pour
chacun et chacune d’entre nous… et elle n’autorise pas l’application d’un droit des beaux quartiers différent de celui qui régirait les quartiers les
plus déshérités.
En recevant ce prix aujourd’hui, ma première pensée va à toutes ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour que la République soit indivisible et
laïque, et ce avec beaucoup moins de moyens que ceux dont nous disposons aujourd’hui et devant une adversité bien plus grande que celle qui se présente à nous. Mes pensées vont aussi
à
celles et ceux qui, dans l’ombre et dans l’anonymat, œuvrent au quotidien pour le respect de ce principe. Je remercie le jury et chaque association qui
le compose, de cette nomination que je dédie, bien sûr, avant tout à l’équipe de Baby-Loup, qui a su faire face avec courage aux obstacles qui s’opposaient à notre fonctionnement et
qui continue à croire qu’il est encore possible de construire et de préserver des espaces de vie communs à toutes et tous.
Nous espérons avoir à nos côtés les élus de la République qui ont le devoir de protéger tous leurs administrés, à commencer par les plus fragiles, les bébés, les enfants, des manœuvres délétères de ceux qui refusent aux femmes et aux hommes, sous le prétexte d’une origine géographique ou d’une religion, la liberté de conscience.
Natalia Baleato
Source : DC