Crise humanitaire à San Juan Copala : Ils nous tuent petit à petit !
Publié le 27 Juin 2010
Extrait d’un texte original de Matteo Dean
Ville de Mexico. Vivre à San Juan Copala,
aujourd’hui, « c’est mourir sur pied. Il y
a un véritable état de siège organisé par
les paramilitaires qui entourent la communauté
et qui la tue petit à petit ». Selon
Marcos Albino, membre de la délégation
du peuple triqui présent à la ville de Mexico
pour promouvoir la cause du municipe
autonome, la situation que vit San Juan
Copala depuis novembre dernier « est une
crise humanitaire » urgente à résoudre.
Est d’accord avec lui David Venegas Reyes,
du collectif VOCAL (Voix de Oaxaca
Construisant Autonomie et Liberté). « L’attentat
du 27 avril passé a alerté l’attention
des médias et de l’opinion publique », toutefois
« cette attention s’est peu dirigée
vers l’importante crise humanitaire que
vit le municipe autonome ». Cette situation,
selon l’activiste de Oaxaca, ne s’est
pas arrêté le 27 avril mais au contraire
« s’est renforcée après l’attentat ».
Malgré ce qu’il s’est passé, Marcos Albino
explique que l’autonomie de San Juan
Copala n’est remise en question et qu’elle
signifi e, avant tout, indépendance des partis
politiques et des périodes électorales.
« On a déjà eu des expériences amères
avec des partis, on ne va pas encore une
fois tomber dans leur jeu ».
L’isolement
Interrogé sous les bâches du plantón que
les membres du municipe autonome de
San Juan Copala tiennent sur le zócalo
(place centrale) de Mexico, Marcos Albino
raconte la longue campagne de diff usion
entreprise dès novembre l’an passé. « Cela
fait six mois que nous sommes hors de
notre communauté pour tenter de faire
connaître notre situation ». Pendant cette
longue période, dit-il, « je n’ai pas mis un
pied dans ma communauté ».
Le municipe de San Juan Copala est totalement
encerclé par les paramilitaires de
l’UBISORT (Union pour le Bien-être
Social de la Région Triqui) affi liés au Parti
Révolutionnaire Institutionnel (PRI) et en
particulier à l’actuel gouverneur de l’État,
Ulises Ruiz Ortiz. Albino explique que
« le municipe est encerclé par les groupes
armés. Nous ne pouvons pas circuler, il
n’y a pas de communication avec les compagnons
là-bas ».
Pour arriver au village, décrit-il, il faut
emprunter un passage dans les bois pour
éviter les paramilitaires. Il explique que
« même comme ça on tombe sur eux ».
Depuis novembre il n’y a pas de lumière
dans les communautés du municipe, ni
d’eau potable. À quoi il faut rajouter qu’il
n’y a pas de quoi acheter des vivres dans
les zones commerciales de la région.
En plus de ça, Albino signale que les
enfants « n’ont pas classe et qu’il n’y a pas
de centres de santé pour nous soigner.
Être aujourd’hui à San Juan Copala, c’est
mourir sur pied. »
À propos de la campagne médiatique
mise au point par l’État contre le municipe
autonome, Albino signale que « le
gouvernement de l’État tente de créer la
confusion accusant le municipe de (San
Juan Copala) de vouloir créer des autoattentats
». L’objectif des caravanes est
donc d’amener des vivres et de rompre
l’encerclement, mais aussi d’ « informer
sur la situation pour que le monde, les
gens voient ce qu’est la réalité au travers
de la voix des gens de la communauté et
pas seulement avec mon témoignage ».
Après l’attentat, encore plus de violence
Venegas – de VOCAL - exprime la même
préoccupation, en disant que c’est bien
l’État de Oaxaca qui est derrière cette
violence paramilitaire et que ce dernier
a trouvé une justifi cation et une stratégie
communicative pour se défendre au
niveau international : dire que c’est le
municipe même qui cherche à être martyr
et qui organise contre lui cette violence. Et
il affi rme que c’est « pour pouvoir militariser
le territoire pour en fi nir avec cette
expérience autonome. »
Il souligne aussi que la violence, depuis
l’attentat du 27 avril, n’a pas diminué mais
a au contraire augmenté. Preuve en est
les attaques subies par les indigènes du
municipe autonome au cours du mois
de mai : séquestration par l’UBISORT
de onze femmes triquis et assassinat de
Timoteo Alejandro Ramirez, dirigeant du
municipe autonome de San Juan Copala,
et de sa femme Cleriberta Castro « par des
sicaires identifi és par les témoins oculaires
comme membres du Mouvement d’Unifi
cation de Libération Triqui (MULT),
proche de l’UBISORT. »
L’autonomie
David Venegas affi rme que « l’attaque de
San Juan Copala – attaque continue – est
importante pour le gouvernement, qui ne
veut pas que cette expérience devienne
un précédent réussi, un exemple pour les
autres communautés indigènes et organisations
populaires, qui lui ferait perdre
son contrôle politique sur le territoire. »
Albino dit que l’autonomie signifi e aussi la
distance avec les partis politiques. « Nous
n’avons pas de périodes électorales, on
s’en moque. » Il conclut : « nous voulons
simplement qu’ils nous respectent et qu’ils
nous laissent nous auto-gouverner ».
Texte complet sur
Crise humanitaire à San Juan Copala « Ils nous tuent
petit à petit » Extrait d’un texte original de Matteo Dean
9 Numéro 7 - Juin / Juillet 2010 - www.desinformemonos.org