Crèche Baby loup, mise au point de Lucien Pons
Publié le 28 Mars 2013

La Cour de cassation vient de donner une leçon magistrale sur la laïcité en rappelant la différence de l’exercice de la liberté de conscience dans la sphère privée (entreprise privée) et dans la sphère publique (entreprise publique). Cette démonstration agrée la Libre Pensée qui se bat toujours pour faire valoir cette conception de la laïcité institutionnelle.
La Libre Pensée n’est donc pas d’accord avec celles et ceux qui se lamentent à souhait pour dénoncer l’arrêt par lequel la Cour de cassation a rétabli dans ses droits une salariée de l’association gestionnaire de la crèche Baby loup qui avait été licenciée au motif qu’elle venait travailler revêtue d’un voile. En particulier, Madame Bougrab, Maître des requêtes au Conseil d’Etat, ancienne présidente de la défunte Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), passée secrétaire d’Etat à la jeunesse et à la vie associative et, surtout, l’actuel ministre de l’Intérieur ont étalé leur indignation dans les journaux télévisés contre une décision qu’ils ont présentée comme une atteinte grave à la laïcité. Fait sans précédent, Monsieur Valls a cloué au pilori la Cour de cassation devant l’Assemblée nationale.
Ces responsables font preuve, en l’espèce, ou d’ignorance ou de malhonnêteté intellectuelle à des fins politiciennes. Le 19 mars, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts indissociables par lesquels elle rappelle la théorie classique en droit français de la laïcité, conçue comme la garantie de la liberté de conscience de chacun. Dans la première de ces décisions, elle a jugé que « le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public » et qu’est illégal le contrat de travail ou la décision unilatérale de l’employeur tendant à « les priver de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail », notamment celles de ses articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3. Si les employeurs sont en droit de limiter la liberté de conscience, cette restriction doit être justifiée « par la nature de la tâche à accomplir » et proportionnée au but recherché. Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a considéré à juste titre qu’une crèche privée n’est pas chargée d’une mission de service public et que le règlement intérieur de l’association gestionnaire enfreint gravement les libertés individuelles des salariés en instituant une interdiction générale et absolue de porter un signe religieux non seulement dans les locaux accessibles aux enfants mais dans leurs annexes.
Le second arrêt de la Cour a rejeté un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt du 9 novembre 2011 par lequel la cour d’appel de Paris avait validé le licenciement d’une employée de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris prononcé par le directeur de l’organisme à raison du port d’un voile à caractère religieux par cette salariée. La Cour de cassation a considéré à juste titre que le juge d’appel « a retenu exactement que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s’appliquer [à leurs agents], ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public […] » En l’espèce, il est absolument certain que les caisses d’assurance maladie gèrent un service public qui doit être régi par le principe de neutralité.
En définitive, la Cour de cassation rappelle la théorie classique de la séparation entre la sphère privée et la sphère publique qui sous-tend toute l’action de la Libre Pensée, fondamentalement attachée à défendre la liberté de conscience et la laïcité de l’Etat, de l’Ecole et des services publics en général.
C’est une leçon que la classe politique française ferait bien de retenir, au lieu d’envisager de légiférer, à nouveau, contre la seule laïcité qui vaille : celle qui œuvre à la paix civile.
La seule solution laïque
La seule solution pour sortir du problème posé par la crèche Baby Loup ne peut résider que dans la municipalisation des crèches privées afin qu’elles deviennent un service public dans lequel s’appliquerait la laïcité. Mais force est de constater que les responsables publics et politiques qui revendiquent d’un côté l’application de la laïcité dans la sphère privée, participent de l’autre à la privatisation croissante des services publics au nom des principes mis en œuvre par l’Union européenne.
Si l’on veut régler le problème des emblèmes religieux, dont le foulard islamique, dans les établissements qui reçoivent des élèves et des enfants, la solution idoine consiste à développer le service public afin de répondre aux besoins de la population et non à confier de plus en plus les tâches du service public à la sphère privée.
C’est pourquoi la Fédération nationale de la Libre Pensée exige l’abrogation de la loi Debré qui permet le financement public croissant des établissements privés.
Il faut mettre un terme définitif au détournement des fonds publics vers le privé.
Paris le 23 mars 2013
Adopté à l’unanimité par la CAN de la FNLP
Ma position
Pourquoi les adeptes de la libre pensée proches de Marc Blondel ont toujours été opposés à la crèche? Peut-être considèrent-ils que tout ce qui n'est pas public ne vaut rien. La réduction du domaine public à la portion congrue devrait faire réfléchir, cette posture pour le moins curieuse fait le jeu de l'adversaire à savoir, le capitalisme du désastre. Ces derniers veulent à tout prix faire main basse sur toutes les richesses et les poches potentielles de profit aussi faibles soient-elles. En l'occurrence je pense que pour cette situation ce qui est en jeu n'est pas l'intérêt financier à proprement parler mais plutôt la brèche dans notre République sociale qui permettra sa mise à mort et donc à terme la main basse sur toutes les richesses du pays avec comme « cerbères de la porte » les divisions communautaires. Le rôle des salafistes et autres consorts est particulièrement dangereux auprès des populations immigrées que nous laissons aux intégristes rétrogrades. A leur corps défendant, les personnes de la libre pensée se transforment en alliés de cette dictature que nous combattons ensemble pourtant.
Rester sur le domaine du droit pour discréditer cette démarche me semble quelque peu maladroite, ceci pour deux raisons:
La première relève du vide juridique, la loi sur les signes ostensibles s'applique dans les institutions publiques mais ne statue pas concernant les entreprises qui offrent un service au public. Le but de cette pétition est justement de compléter la loi de 2004. La notion développée ci-après laisse au soin du juge d'interpréter au gré du vent ce vide juridique. "les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ". Qui sont donc les entreprises de droit privé qui assurent des services publics (ou au public)? De toute évidence la décision prise à l'unanimité par la CAN de la FNLP reste très vague dans cette affaire. Elle donne raison à la justice lorsqu'elle prononce l’arrêt du 9 novembre 2011 par lequel la cour d’appel de Paris avait validé le licenciement d’une employée de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris prononcé par le directeur de l’organisme à raison du port d’un voile à caractère religieux par cette salariée. Dans ce cas on considère que cette entreprise est soumise au principe de neutralité et de laïcité d'une institution publique. Je partage cette prise de position bien entendu. Par contre la décision diamétralement opposée en ce qui concerne la crèche "Baby Loup" me laisse pantois. Oui elle relève du droit privé, mais elle assure un service public de premier plan dans un lieu où la laïcité est absolument nécessaire. De plus elle fonctionne à plus de 80% sur fonds publics, alors qu'est-ce que cette mascarade? C'est surprenant de voir traiter deux situations identiques de façon si opposées.
La seconde est purement politique. En effet ce sujet très épineux doit être tranché par une loi à la suite d'un débat nécessaire. Laisser les juges se débrouiller est une façon indigne de traiter ce problème de société qui touche le coeur de notre vivre ensemble.
Pour ce qui est de la position des libres penseurs je constate que tous ne sont pas d'accord, voici le communiqué de ADLPF:
Par Association des Libres Penseurs de France - Communiqué de l'ADLPF, concernant Baby Loup
Communiqué de presse
La laïcité ne doit pas rester à la porte des crèches
Par arrêt du 19 mars 2013, la Cour de Cassation, contre l’avis du procureur, a annulé le jugement des deux premières instances – Conseil de Prud’hommes et Cour d’Appel – faisant droit à la direction de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) opposée à une employée qui refuse de respecter le règlement intérieur, lequel protège de tout prosélytisme et assure la neutralité de l’établissement en ne permettant pas le port ostensible, par les salariées, de signes vestimentaires religieux.
En invalidant le règlement intérieur de la crèche, la Cour de Cassation permet l’existence de crèches privées confessionnelles, mais interdit l’ouverture de tout établissement pré-scolaire associatif qui serait laïque ! Non seulement elle rompt ainsi l’égalité entre les citoyens, mais elle attente même à la simple liberté d'entreprendre.
Cet arrêt constitue un véritable camouflet à tous les défenseurs de la liberté de conscience et à tous les citoyens soucieux de protéger les enfants et leurs familles des menées partisanes, religieuses, intégristes. Il porte un coup très grave à l’action exemplaire menée par les responsables de Baby loup au service du public – action essentielle auprès de cette population défavorisée – au point même d’en compromettre la continuation.
Les Libres Penseurs de l’A.D.L.P.F. qui, depuis l’origine du conflit, soutiennent sans réserve l’action de Baby Loup, trouvent dans ce revers, dans cette épreuve, des raisons supplémentaires de se mobiliser. Le marathon judiciaire n’est pas achevé. Mais c’est désormais au niveau politique que la lutte doit se poursuivre. Il est nécessaire qu’une loi permette que la vie harmonieuse en société, garantie par la laïcité, ne s’arrête pas à la porte des crèches associatives, notamment lorsqu’elles accomplissent une tâche de service public. La proposition de la sénatrice Laborde peut en constituer la base. Mais il est essentiel qu’elle ne soit pas dénaturée par un amendement qui, tel celui présenté par le sénateur Richard, permettrait l’extension des lois scolaires antilaïques au secteur de la petite enfance.
Cet arrêt de la Cour de Cassation réjouit les intégristes et les cléricaux de tout poil. Il ne peut qu’encourager les politiques extrémistes d’exclusion. Seule la mobilisation des laïques, des démocrates attachés à la liberté de conscience, peut inverser le rapport de force ainsi créé. L’Association Des Libres Penseurs de France (ADLPF, section de l’Union Mondiale des Libres Penseurs) reste aux côtés de Baby Loup et soutient son travail au service de l’enfant et son combat pour le droit de celui-ci à n’être pas embrigadé. Elle appelle à participer à toutes les actions propres à conforter le principe de laïcité. Il appartient au pouvoir politique de l’appliquer sur la totalité du territoire de la République et d’en faire reconnaître la légitimité à l’échelle internationale. Paris le 23 mars 2013.
Vous trouverez sur mon blog dans la rubrique "Laïcité" de nombreux articles sur cette question.
Bien Cordialement.
Lucien PONS. Nice le 27 mars 2013.
NOTA: Je vous communique un message du M'PEP que je trouve en parfaite adéquations avec mes propos.
POUR COMBATTRE LE CAPITALISME ET L'EXTRÊME DROITE : SE RÉAPPROPRIER L’IDÉE DE
NATION
Par le Mouvement politique d’émancipation populaire (M’PEP).
Le 24 mars 2013.
C’est un fait ! Prononcez le mot « nation » et vous serez qualifié de ringard, tout de suite soupçonné de « nationalisme ». Sortez un drapeau tricolore ou défendez la langue française, et
immédiatement vous apparaîtrez chauvin, cocardier, etc. Et bien sûr vous serez, en plus, soupçonné d’être sympathisant… du Front national !
Vous voulez passer pour quelqu’un de moderne, progressiste, ouvert sur le monde ? Alors parlez de « libre-échange », de « mondialisation », de « construction » européenne, de « gouvernance »...
Soyez contre tout cela et on vous accusera de prôner le repli nationaliste et d’être… pour la guerre !
Pour imposer le système capitaliste et son modèle de société, ses défenseurs mènent une véritable guerre idéologique. En disqualifiant l’idée de nation, en la rendant « has been », voire
dangereuse… les classes dirigeantes souhaitent en finir avec la nation, devenue un cadre trop gênant pour l’expansion de leurs profits. Ils ont en effet compris que la nation constitue le seul et
unique espace de souveraineté des peuples. Il n’existe pas de souveraineté populaire sans souveraineté nationale. Par conséquent, faire disparaître la nation c’est faire disparaître la
démocratie… c’est limiter la capacité d’action des peuples à décider de leur avenir.
(…)
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http://www.m-pep.org/spip.php?article3245